Malgré une précarité révélée au grand public sous différentes formes. Malgré les nombreux appels et rencontres avec les responsables politiques du gouvernement. Malgré les nombreux messages diffusés aux différents professionnels du secteur. Aucun discours ou acte politique ne nous permet de croire en des perspectives positives quant à l’évolution des métiers du livre. Les abandons et les désillusions se multiplient et chacun reste sur une position assez étrange, divisé entre la volonté de vouloir renverser la table sans pour autant déranger les convives. Si nous devions retenir une chose, c’est que tous les français ont compris qu’un dessinateur de presse pouvait mourir pour un dessin. Ce qu’ils intègrent beaucoup moins c’est que beaucoup de dessinateurs de BD n’arrivent pas à vivre de leurs dessins.
J’ai déjà expliqué en de nombreux points (dans un article disponible ici) les difficultés sociales, physiques et psychiques que les auteurs rencontrent depuis un certain temps. Cependant, si vous observez attentivement la presse et les différents médias, vous vous apercevrez de l’omniprésence du monde de la BD sous différentes formes : expositions, conférences, interviews d’auteurs ou encore création d’écoles. Dans cet amalgame d’infos contradictoires où le plus célèbre a raison, on notera que chacun y va de sa définition et de son point de vue sur un métier qui n’en sera peut-être plus un dans un proche avenir.
Alors que certains baissent les yeux en évoquant toutes sortes de raisons concernant la mise au pilon d’ouvrages, beaucoup oublient leur responsabilité sociale et professionnelle dans la dégradation des conditions de vie des auteurs. Dans un monde utopique, si tout le monde jouait le jeu de respecter les tarifs de rémunération, les délais de production et la volonté de promouvoir un livre avant d’en fabriquer un autre, il y aurait très certainement moins de problèmes.
Cependant, la société d’aujourd’hui ne laisse aucune place aux projets approximatifs et encore moins à la maturation d’une idée. Les clients qui sont à la base de l’économie ne sont plus aussi patients qu’auparavant. Et s’ils sont capables de soutenir des auteurs dans leurs combats, ils peuvent parfaitement nier les situations qui les plongent dans la précarité.
Je ne tomberai pas dans la caricature en réduisant mon champ de vision à la simple équation qui effectuerait le rapport entre le producteur de contenu et sa clientèle. Car justement, avant d’être une clientèle, les lecteurs sont des êtres humains qui sont influencés aussi bien par l’actualité politique que les offres promotionnelles. Si l’austérité est entretenue comme un beau gazon par un gouvernement, les chiffres de la consommation s’en ressentent. Et si une annonce gouvernementale vous double vos impôts d’une année à l’autre, il est évident que vos habitudes d’achats en seront directement impactées.
Je ne mettrai pas en lumière des dérives politiques de tout bord parfaitement illustrées dans d’autres articles bien construits. Nous savons bien qu’un changement de majorité dans une municipalité entraine des coupes budgétaires et des annulations de festivals (d’art ou de BD) par exemple. Et peu importe où vous vivez en France, vous pouvez être sûr que le secteur culturel a connu un coup de ciseaux. Un livre n’est pas un bien indispensable et, au pire, il est disponible et accessible gratuitement de nombreuses manières. Dès maintenant, c’est aux auteurs qu’il appartient de réguler et contrôler la diffusion de leurs œuvres et de ne plus attendre de solution miracle qui les replacerait au dessus du smic.
Un contexte économique et social toujours défavorable aux acteurs du secteur
« Vous êtes pas au courant ? C’est la crise m’sieur dame, tout le monde le dit » Il est vrai que les habitudes des consommateurs sont en perpétuelle évolution. Ils sont moins nombreux à prendre le temps de flâner à la recherche d’une nouveauté littéraire. On achète le meilleur rapport qualité-prix présent en tête de gondole, l’ouvrage dont tout le monde parle, ou on attend la sortie de plusieurs volumes d’un titre avant de passer à la caisse. Les éditeurs connaissent parfaitement la situation et les rééditions ne sont que le sommet de l’iceberg. Qui n’a pas vu des offres de BD à 5 euros le premier tome ou encore des packs de trois dont le premier volume est offert ? Parfois, la mise en rayon des BD prend des allures de vente de marché aux fruits et cette braderie n’est pas là pour rien. D’autant plus que les français n’ont jamais eu autant le porte monnaie fermé. La tendance serait plus proche de l’épargne que de la consommation aveugle. La multiplication des systèmes de crédit à la consommation, l’engouement pour les ventes privées, le couponing, la location de biens matériels et j’en passe, sont autant de petits signes qui, mis bout à bout, démontrent que les foyers cherchent les économies partout où ils le peuvent.
Le changement… de vie pour tous, c’est maintenant
Il y a une erreur assez courante qui consiste à désolidariser les problèmes d’un secteur des réalités économiques et sociales du pays concerné. La crise n’est pas une boite dans laquelle on peut disposer le chômage, le changement de barème des impôts, la baisse de consommation et d’autres thèmes du même genre. La crise est devenue un mouvement de fond qui a doucement mené chacun à adapter ses pratiques culturelles en fonction de ses revenus. Pour aller plus loin sur le thème des revenus, laissez-moi évoquer l’une des réalités économiques du pays : le « Jobbing ».
Le Jobbing c’est par exemple quand vous effectuez une activité complémentaire pour arrondir vos fins de mois en passant par une plateforme dédiée. De nombreux sites internet ont émergé en 2013 pour que les particuliers se mettent en relation avec des « jobbeurs ». Le phénomène du jobbing est assez récent pour les français, là où les américains l’ont déjà intégré dans leur mode de vie depuis fort longtemps. Si cette pratique reste marginale, elle témoigne aussi de cette tendance nationale à l’économie au sein de multiples foyers. Un éclairage en vidéo en cliquant ici.
Ne pensez pas que le jobbing ne concerne que les étagères à monter, puisque maintenant les particuliers commencent à rechercher des formateurs (webmasters) et des photographes (sur des bases de prestations à 100 euros) par ce biais. Il existe un onglet spécifique dans la recherche d’un site de jobbing qui vous permet de poster une demande dans une catégorie Web et Création… C’est pour dire si le phénomène commence à brasser de plus en plus large. Quand on recoupe ces informations avec d’autres, il n’est pas nécessaire d’être un professionnel en économie pour comprendre que l’acte d’achat impulsif sera soumis à beaucoup plus de critères qu’auparavant. Le complément de salaire est devenu pour beaucoup de français une obsession. Cela les incite dans leur démarche de consommation de produits culturels à emprunter, louer ou consulter en streaming des contenus en ligne. Du bon plan gratuit au prêt d’une perceuse en passant par des regroupements d’abonnements, on remarque sur plusieurs niveaux le souhait d’être moins dépensier.
Des consommateurs voraces, impatients et intolérants ?
Depuis peu, la consommation d’ouvrages est devenue équivalente à celles des hamburgers avec le respect en moins. Pour manger, on se lave au moins les mains, pour consommer de la BD debout en magasin on ne se pose pas de question sur l’altération d’un ouvrage. Les clients en veulent toujours plus, toujours plus vite, au prix le plus bas, voire gratuit si possible. Pour s’en convaincre, il suffit de voir comment les éditeurs doivent être réactifs en prenant des décisions inédites pour eux. Ainsi les éditions Pika viennent d’annoncer qu’elles vont publier au format électronique le titre à succès « L’attaque des titans ». Cela leur permettra de le publier en simultané avec sa sortie japonaise. Et surtout de ne pas voir s’échapper ses lecteurs vers des sites de scantrads. L’information en détails en cliquant ici. Exactement comme cela s’est produit avec des séries TV à succès, les délais de traduction doivent maintenant correspondre à des réalités internationales sous peine de perdre son lectorat. En parlant de publication à jour, j’ai le souvenir de cette publicité de la Fnac qui demandait à ses lecteurs d’acheter les livres qu’ils lisaient sur place pendant des après-midi entières.
Pour fêter ses 60 ans la Fnac prend le pli de ne plus vous inciter à payer mais cherche à vous rassurer sur ses tarifs.
Dans cet objectif, la publicité a été remixée…
S’il est vrai qu’une Fnac est plus à jour que la bibliothèque, ces espaces sont devenus aussi beaucoup plus confortables et offrent, en fonction des lieux, de bons fauteuils club pour lire en toute quiétude. Le client est si rare qu’il faut le choyer, il n’est plus dupe des offres à 14,99 euros au lieu de 15 euros. La conséquence directe de ces prestations dédiées au confort c’est l’influence chez les concurrents. Le modèle Fnac s’est imposé naturellement chez d’autres qui offrent des amphithéâtres matelassés et des tables en fonction de l’enseigne. Je reste ébahi par la proportion de gens qui s’installent durant des heures pour lire les nouveautés sur des banquettes. Il existe des librairies où l’on peut accompagner ses lectures d’un café, c’est toujours moins cher qu’un livre et c’est une librairie de plus que l’on sauve à terme. Je ne vois aucune différence entre une personne qui télécharge illégalement un ouvrage et celle qui le lit dans un magasin. Il y a surement une étude à faire sur le sujet car ce sont peut-être en majorité les mêmes, qui sait ?
C’est juste une question de principe, mais on ne peut pas soutenir un auteur à créer la suite d’une histoire en lisant intégralement son contenu dans une boutique. Si on emprunte un livre à la bibliothèque, l’emprunt lui permettra de toucher des droits qu’il n’aura pas avec l’attitude décrite auparavant. Il est vrai qu’il existe un modèle de rémunération basé sur le gratuit, mais ne nous méprenons pas, un système économique viable et durable repose toujours sur un acte d’achat. Si je me suis permis d’évoquer les lecteurs comme premier élément de la chaine, c’est aussi parce que je crois qu’il n’y a pas assez d’interactions entre les auteurs et le public. Les séances de dédicaces sont à ce jour les rares occasions de pouvoir approcher des auteurs. Ces rares moments d’interaction ne permettent malheureusement aucun échange de qualité avec des personnalités connues. Le pire c’est qu’à la lecture de nombreux commentaires et d’articles entiers sur les séances de dédicaces, on s’aperçoit que cette pratique n’est pas une partie de plaisir pour tout le monde.
La revente des livres dédicacés génère son lot d’animosités et je n’ai jamais osé intervenir dans ces débats. D’autant plus qu’un simple coup d’œil dans une grande librairie parisienne vous offrira un pan entier de mur avec celles-ci classées, étiquetées et cotées, au prix le plus juste pour celui qui le fixe. Ce qui m’amène doucement vers ce délicat souci des principes de bases d’un professionnel. Les auteurs aiment se définir comme des artisans. Dans ce cas, posez-vous cette question : quel type d’artisans intervient gratuitement sur un produit qu’il a déjà vendu ? En fait, les auteurs de BD sont les seuls professionnels qui sont capables d’exiger une reconnaissance et dans le même temps de travailler gratuitement quand on le leur demande. A ce rythme-là les cotisations retraites seront bien maigres.
La surproduction de BD est le nouvel argument souvent exprimé
pour justifier la faiblesse des ventes et donc la baisse de revenus.
Si nous parlions de la baisse de qualité des livres et des mauvais choix éditoriaux ?
J’ai tendance à dire qu’il n’y a pas assez de choix et, avant de me lyncher, n’oubliez pas qu’à ce moment-là c’est le lecteur qui vous parle. Certaines BD destinées aux adultes sont du même niveau que « Martine à la plage », pourquoi le nier ? Si nous avions 3000 tirages de bons livres par an ça se saurait. En réalité, il n’y a eu que 1 485 véritables créations de BD en 2014. Si le chiffre parait énorme il faut ensuite le subdiviser par genres et par styles. Sans compter que le potentiel de chance pour que vous tombiez sur le bon livre le bon jour se raréfie à cause du rythme de rotation qui transforme les libraires en déménageurs bretons. Au-delà de cette situation, un lecteur lambda se moque du temps qu’un auteur passe à travailler. Il a faim et soif de lecture. 48 pages par an, c’était bien avant. Aujourd’hui, enfants comme adultes avalent des romans de 500 pages chaque mois sans compter les films, les séries et tout ce qui se consomme culturellement à coté. Soudain, une BD parait un peu maigre dans la main de ceux qui n’ont pas de panier d’achat extensible. Je passe des heures chaque mois en rayon pour avoir des surprises mais elles sont rares. Et quand je vois les calendriers de sorties des éditeurs, je me dis que rien ne risque de me surprendre avant un moment. Certains choix éditoriaux vous glacent le sang comme cette intégrale de Blueberry sortie à Noël qui vous servira de lest pour les cours de fitness… Dans le même laps de temps, plusieurs versions intégrales peuvent sortir avec des traitements différents au niveau de la fabrication du produit.
Cette image représente mes acquisitions depuis le mois de décembre. Entre les rééditions, les intégrales, les versions noir et blanc, et les versions limitées, il devient difficile de se laisser convaincre par une BD de 48 pages qui sera peut-être sans suite.
Les éditeurs m’ont perdu avec les rééditions de l’Incal. C’est simple, je n’ai toujours pas compris l’intérêt de rééditer en dix versions une même histoire. Outre l’aspect commercial, il y a un moment où il ne faut pas perdre ses lecteurs avec une version grand format couleur, une version grand format noir et blanc, une autre version couleur intégrale, des versions grand format en noir et blanc… bref, on s’est compris. On attendra donc la version intégrale collector grand format avec une page noir et blanc à gauche, couleur à droite et 50 pages de plus… à ce jeu-là, on peut décliner plus d’une dizaine de versions d’un contenu. Ce n’est pas pour autant que ça l’enrichira. Récemment, en passant à la caisse, j’ai réalisé que je mettais plus de 70 euros dans des ouvrages, et je me suis posé cette question : Qui fait encore ça de nos jours ? Et c’est là que vous devez agir en tant qu’auteur. Vous devez aller à la rencontre de votre lectorat et prendre la place que vous laissez à tant d’autres. Je préfèrerais assister à une présentation du travail d’un auteur comme Guarnido (même payante) plutôt que de faire la queue pour obtenir l’esquisse d’un chat dans un album que je n’ouvrirai plus.
A une époque, des auteurs étaient accessibles par le biais de conférences organisées dans un workshop du café salé. Je regrette que ce genre d’initiative ne soit plus au programme, car l’un des meilleurs moyens d’amorcer un processus pédagogique à destination des lecteurs c’est de passer aussi par la disponibilité des auteurs. A titre personnel, par exemple, à force de rencontrer des créateurs disponibles qui m’ont raconté leur processus de création d’objets, je n’avais plus qu’une envie à la fin de la rencontre c’était d’acheter ce qu’ils me proposaient. Ainsi, à terme, le budget que j’allouais aux livres va venir se fondre naturellement dans l’achat d’œuvres d’art. Car entendons-nous bien, ce fameux lectorat qui soit-disant boude les nouveautés est toujours là, c’est tout simplement qu’il murit et, déçu par des choix éditoriaux hasardeux, il investit ailleurs. Avec la possibilité d’emprunt de livres à la bibliothèque, l’explosion du numérique, la baisse de qualité des ouvrages édités et le développement du marché d’œuvres d’art originales accessibles, le choix se fait rapidement.
Ce qui m’amène tout naturellement à croire que beaucoup de décisions sont prises dans l’urgence en ce moment, tant il est question de la sacro sainte rentabilité. Les éditeurs ayant fusionné pour la plupart, il est surprenant de ne pas voir de plus beaux livres dans nos rayons. A défaut, nous devons nous contenter d’ersatz de livres de luxe ou de semi-intégrales avec une couverture souple pour minimiser les coûts de fabrication. Aux États-Unis, la logique du dieu dollars a toujours fait en sorte de ne pas mettre de coté la qualité de fabrication d’un comics tout comme sa valeur ajoutée. Si les auteurs français critiquent autant qu’ils le peuvent les dédicaces qui se retrouvent sur ebay, les auteurs américains dessinent directement des couvertures qu’ils proposent lors de conventions ou lors de partenariats avec des boutiques spécialisées. Ainsi, on voudrait me faire croire qu’en France personne n’est capable de crayonner des couvertures pour des tirages limités de BD ? Alors que c’est peut-être sur ce genre de détails que beaucoup d’auteurs pourraient arrondir leurs fins de mois. Parce que si pour le moment on tolère que certains d’entre eux dessinent des personnages qu’ils n’ont pas créé pour les vendre par correspondance, combien de temps encore cette pratique s’opposera aux discours des mécontents qui voient leurs dédicaces s’envoler aux enchères sans qu’ils touchent un centime.
A la recherche du lecteur perdu
Les gros éditeurs ont bien compris que les règles du jeu ont changé et n’hésitent plus à investir sur des piliers de la communication, quitte à faire d’étonnants grands écarts. Il est ainsi naturel de voir que Cyprien, le célèbre Youtubeur se lance dans la bande dessinée, tentant de convertir son audimat en potentiel acheteur. Nous verrons si, dans le temps, la logique mathématique des investisseurs fonctionnera. En attendant, souvenons-nous que l’équation un internaute qui rigole est égale à un acheteur n’a jamais existé ailleurs que dans les têtes des gens du marketing.
Les premières planches de ROGER ET SES HUMAINS, ma future bande dessinée avec @pakablog dans « Les Audacieux » ! pic.twitter.com/RjeRQUrjba
— Cyprien (@MonsieurDream) 3 Mars 2015
La bande dessinée numérique : une expérience utilisateur en progression
Curieusement, il y a une profusion d’articles qui parlent de la bande dessinée numérique comme si un unique format existait dans ce domaine. Pourtant le Manga, le Comics et d’autres formes de narration s’épanouissent de plus en plus dans ce qui s’apparente dorénavant comme le futur de l’édition. De nombreuses idées et concepts intéressants circulent sur le format numérique des BD, Comics et Mangas. Personnellement, je me suis vu récemment avaler 5 ans de production d’un Manga en deux semaines. J’ai aussi dévoré un Comics au format tablette qui, à mon sens, propose une vision de l’histoire bien plus confortable que son format papier. Lors d’une conférence (cycle BD) à laquelle j’ai assisté et qui se tenait au Grand Palais, Benoit Peeters s’exprimait sur le marché de la BD numérique. D’après lui, la bande dessinée devait trouver son modèle économique. Je fus assez surpris de sa réaction sur ce point, car d’après moi il y a déjà plusieurs modèles qui fonctionnent parfaitement bien. Le modèle officieux et favori des plus jeunes « le tout gratuit illégal » et le modèle officiel dont on connait maintenant le chiffre qui indique la part de vente de BD numérique.
“La vente de bandes dessinées numérisées, proche de zéro il y a cinq ans,
a atteint 1,5 million d’euros en 2014 avec 400 000 albums vendus”
Cette information est disponible dans un article en cliquant ici. L’une des inquiétudes exprimées par Benoit Peeters durant cette conférence au Grand Palais était l’émergence des sites proposant des contenus illimités avec des abonnements mensuels. Malheureusement, pour lui comme pour d’autres, c’est exactement le type d’offres qui va se multiplier et prendre peu à peu le pas sur le téléchargement de contenus classiques. L’offre de http://www.youscribe.com/ en est un exemple et cela pourrait inciter les éditeurs à revoir leur contrat. De nombreux auteurs ont reçu des courriers de leurs éditeurs leur demandant de signer une annexe à leur contrat pour autoriser la diffusion de leurs œuvres sur ce type de service. D’ailleurs il semblerait que cette particularité soit désormais intégrée au contrat initial. Et pour enfoncer le clou, cette étude vient de paraître et nous donne le sentiment des consommateurs vis-à-vis de la volonté d’avoir accès à du contenu en illimité.
Les auteurs de plus en plus autonomes
Le choix de l’autonomie ne vous met à l’abri de rien d’autre que d’une hiérarchie. En décidant de s’émanciper du système, ce que l’on a omis de dire aux auteurs c’est qu’ils seraient soumis aux mêmes traitements que tous les autres travailleurs indépendants. Le résultat c’est qu’avec le temps, ils vont certes jouir d’une indépendance accrue (donc d’un isolement accentué aussi) mais avec tout ce que cela implique en terme de charge de travail et de gestion administrative. Si à une époque lointaine l’éditeur était l’ami, le conseiller, et le soutient qui permettait de créer de belles histoires autour de la création d’un ouvrage, aujourd’hui l’auteur doit prendre à son compte tellement de pistes nécessaires mais chronophages qu’il peut rapidement passer à coté de l’une d’entre elles, et ainsi commettre des erreurs capitales. Caler dans un emploi du temps la création, la recherche de galeries, la recherche de bourses, les concours, la communication et enfin la mise en place d’une stratégie de placement pour son livre, voilà autant d’étapes lourdes et décourageantes que consommatrices d’énergie. D’autant plus que si l’on se réfère au tableau mis en ligne il y a peu par un auteur, les tarifs de rémunération n’ont pas bougé en 10 ans. Travailler plus pour gagner moins, en somme.
Des lacunes professionnelles à plusieurs niveaux
La précarité des auteurs est-elle liée à leur manque de connaissance du milieu professionnel ? C’était déjà l’une de mes réflexions au sein de l’article : les auteurs en manque d’assistance. Aujourd’hui plus qu’hier, je constate que rien n’a changé, et cette année ne devrait bénéficier d’aucun sursaut d’actions de la part de beaucoup d’auteurs qui se figent dans des clichés. Au fur et à mesure de mes rencontres et de mes lectures sur les réseaux sociaux, je ne perçois pas beaucoup de réactions positives allant dans le sens du réveil. S’il est vrai que de nombreux articles se relaient pour diffuser les « coups de gueule d’auteurs » on en lit beaucoup moins sur ceux qui vivent parfaitement bien de leur art. Et l’éditeur ayant été diabolisé sous toutes ses formes, il est clair qu’on ne lira pas non plus de bonne interview sur un éditeur professionnel et compétent. S’il est une vérité que beaucoup ont oublié c’est qu’avant même d’être un professionnel de l’image, que l’on soit diffuseur ou producteur de contenus, la société n’est et ne sera plus jamais la même qu’hier. Si de bons reportages sont capables de vous démontrer qu’un salarié est devenu une donnée qu’un actionnaire peut supprimer, imaginez ce qu’il en est pour un auteur indépendant.
Quand vous signez un contrat avec une offre tarifaire en dessous des normes en vigueur, vous influez le cours du tarif horaire chez le client qui vous emploie. Quand des milliers de personnes le font c’est tout un secteur qui se transforme. Les conséquences sont déjà visibles avec des sociétés qui proposent des tarifs au plus bas pour des logos. Demain, peut-être, las d’être mis au pied du mur, de grands éditeurs proposeront des fiches de paie et des CDD à des auteurs. En contrepartie, on verra surement les droits d’auteurs disparaître et personne ne s’en émouvra. (la remise en question du droit d’auteur est d’ailleurs maintenant à son tour au centre des débats) Le jour où une histoire incroyable générant des millions d’euros de recettes aura été créée par un salarié qui à la suite d’un contrat de deux mois n’aura pas été renouvelé, à ce moment précis on se dira qu’on aurait dû mieux verrouiller les bases du droit d’auteur. Quand vous travaillez dans le domaine du Design, en tant que salarié d’une grande entreprise, vous ne possédez aucun droit sur vos créations. Vous pouvez concevoir une tente qui s’ouvre en 6 secondes, la voir se vendre par millions d’exemplaires et ne toucher aucun bonus sur les ventes. Dans le pire des cas, vous auriez même pu la créer en stage d’entreprise et ne pas être embauché par celle-ci. Il est louable que des auteurs défilent pour obtenir une retraite et plus de respect pour leur profession. Il faudra cependant être vigilant sur ce qui découlera de cette agitation. Est-ce que les plus jeunes refuseront plus de contrats bidonnés ? Continueront-ils à se brader pour être mis en avant sur une commande ou deux ? Les auteurs vont-ils plus s’investir dans leur communication ? Vont-ils plus s’informer sur les possibilités qui s’offrent à eux ? J’en doute…
Le métier d’auteur de BD est-il voué à devenir un domaine de compétence parmi d’autres ?
Repenser le métier et l’ouvrir à des disciplines complémentaires parait dorénavant inévitable. Si sur le plan administratif on attend toujours une solution viable et équitable, dans les faits au travers d’une récente interview (disponible ici), Mathieu Lauffray explique comment il a appris trois métiers différents il y a quelques années. L’avantage de l’éclectisme professionnel n’est plus à démontrer, tant les moyens de vivre de son art s’éparpillent en de multiples possibilités. Quand on voit le programme des nouvelles écoles de BD qui prônent la spécialisation et que l’on s’intéresse à l’équipe pédagogique, on ne peut que préparer un cierge et une prière pour les futurs diplômés… Denis Barjam, quant à lui, a très bien expliqué dans une interview vidéo comment la question-même du métier est à mettre entre parenthèses. On a créé une fiche métier avec un code pour l’ANPE en se persuadant qu’il existait un modèle économique viable alors que même les éditeurs n’avaient aucune projection sur le futur. Les conditions de création ainsi que les nombreux postes qu’il faut désormais occuper pour sortir un livre sont devenus trop lourds pour une seule personne. Rappelons-nous qu’un auteur français pour réaliser ses 48 pages va aborder seul un travail qui s’effectue en équipe que ce soit en Asie ou aux États-Unis.
Une interview de l’auteur Denis Barjam sur la situation des auteurs
Les journalistes aiment prendre en exemple le trio Bastien Vivès, Balack et Mickaël Sanlaville mais c’est en omettant la production de pages par semaine et les moyens mis en oeuvre pour offrir des centaines de pages en plusieurs tomes. Si le rythme de sortie et de production a été respecté pour la série Lastman, ce que l’on sait un peu moins c’est qu’en terme de résultats le dernier tome du Chat de Geluck a été plus vendu que l’ensemble des tomes réalisés par trois personnes. N’oublions pas que ce qui intéresse l’éditeur c’est le chiffre de ventes et le rapport entre l’investissement et les bénéfices. Pour séduire de nouveaux lecteurs et créer un lectorat fidèle, il n’y a pas d’autres solutions que de s’investir dans un scénario toujours plus solide et assez porteur pour se développer en licence. L’équipe de Lastman a travaillé sur un univers qui leur permet maintenant d’aborder la série animée et l’industrie du jeux-vidéo. La production d’une BD prend soudain des airs de création d’entreprise. On peut facilement imaginer que cet exemple va être suivi autant par des aspirants au métier que par des professionnels du métier. La société « La cour des miracles » avait déjà présenté dès 2012 un processus de production qui allait encore plus loin dans la démarche transmédia. L’équipe propose de travailler des personnages et des décors en 3D pour créer un flux de production capable de faire cohabiter les mêmes fichiers sur différents supports. Voici une nouvelle preuve, s’il en faut, de l’importance de se former à plusieurs outils pour être capable de travailler de cette manière. L’utilisation de la 3D n’est pas inédite dans la création d’une BD mais par contre mettre en place une méthode de travail pour jongler entre tous les supports est en soi une innovation en édition. Vous pouvez lire une interview en cliquant ici sur le site de Pixoligic démontrant les avantages de modéliser son personnage.
Hercule réalisé par Looky (co-fondateur de la cour des Miracles)
Quelques pistes pour avancer sur un sujet aussi vaste et complexe que celui-ci
L’importance des conférences
@GrandPalaisRmn @BenoitPeeters @EtatsGenerauxBD Une soirée qui aurait mérité de durer toute une journée 😉 #Bd #EGBD pic.twitter.com/Y7WmHHXZ62 — Le Souffle Créatif (@stylist2022) 9 Février 2015
Je le répèterai aussi souvent que cela sera nécessaire, mais tant que les auteurs s’isoleront et délègueront une partie de leur travail, ils n’arriveront pas à s’imposer durablement sur ce marché. On m’oppose souvent le fait qu’un auteur n’a pas le temps de se rendre dans des rencontres ou des événements pour développer son réseau et se maintenir au courant des évolutions du secteur. Dans ce cas, je pense que vous avez une mauvaise appréciation des efforts à fournir pour vivre aujourd’hui de votre art. Les Franciliens ont une chance exceptionnelle, ils peuvent voir et intervenir directement avec des professionnels de l’image dans de nombreuses conférences gratuites le matin, comme le soir. Pour vous donner un ordre d’idée, vous avez accès à autant de conférences en un mois en Ile-de-France qu’en un an n’importe où ailleurs en province… Sans compter que certains événements sont payants ailleurs dans des petites structures là où ils sont gratuits sur Paris dans des lieux historiques. Lors d’une conférence sur Toulouse, j’ai eu la possibilité de rencontrer un auteur et sous peu vous pourrez voir en ligne son intervention sur le site des Réveils Créatifs. C’est dans ce type de rencontre que vous pouvez tisser des liens avec d’autres professionnels et aborder des questions administratives ou juridiques de manière beaucoup plus plaisante qu’au sein d’un forum.
Les auteurs sous-exploitent des réseaux sociaux
qui pourtant érigent rapidement des amateurs en stars
Certains grands noms et autres auteurs talentueux de la BD sont parfaitement hermétiques au numérique. La sanction est la même pour eux comme pour n’importe quel créateur désirant développer ses ventes. Le marché n’obéissant à aucune logique mathématique et aucune loi méritocratique, celui qui rafle la mise est celui qui mise tout dès le départ en communiquant au maximum sans omettre ses petits hashtags. Les exemples sont si nombreux que même les aveugles les ont vu. Pour effectuer une rapide comparaison avec le secteur photographique, ceux qui communiquent de manière régulière par le biais d’Instagram tirent de substantiels revenus grâce au placement de marques. On est loin de la photo de classe et des reportages de mariages. Les innovateurs ont tendance à employer le terme « disruptif » pour sortir des sentiers battus. Alors, amis auteurs « disruptez !» il y a tellement de voies possibles que d’autres les exploitent pour vous. Il n’y a qu’à observer le nombre d’anciens élèves d’écoles de commerce qui lancent des start-ups dans le secteur de l’édition.
Nous sommes tous les relais de la prochaine révolution digitale, libre à chacun d’y adhérer ou non
Nous devons tous nous transformer en relais d’information afin d’évoluer sur une base collective et signifier virtuellement la force des auteurs en France. Si cette première étape est franchie, les suivantes en découleront naturellement. Regardez toutes ces émissions qui exploitent twitter et les réseaux sociaux, observez comment des émissions de divertissement exploitent chaque détail pour transformer la chute d’un verre d’eau en torrent de réactions. J’ai déjà publié sur ce site de nombreux liens qui permettent de trouver concours, aides publiques et autres moyens de générer des revenus par le biais de diverses activités. Malgré mes efforts de diffusion je n’ai pas souvenir d’avoir été relayé par de nombreux auteurs, magazines spécialisés ou encore des structures artistiques officielles. A croire que l’information virale aura toujours plus d’intérêt que celle qui conseille et renseigne sur des points clés.
Puisque les réseaux d’artistes ont du mal à s’imposer sur la durée pourquoi
ne pas essayer d’en exploiter un qui a déjà l’attention des médias du monde entier ?
Combien d’initiatives personnelles ou collectives ne s’appuyant sur aucun réseau ont franchi les portes des grands médias ? Si j’appelle aujourd’hui les auteurs à exister une fois pour toutes sur les réseaux, ce n’est pas pour twitter que son chien est malade. Une diffusion d’informations sans intérêt et sans interaction a encore moins de chance de générer des échanges de qualité. L’écrire paraît si évident qu’observer le contraire est d’une rareté absolue. Après la fameuse marche historique des auteurs, le nombre de followers sur twitter du compte des États généraux de la Bd s’élève à 48 abonnés… Une solidarité visible au premier coup d’œil. Plus sérieusement, avec plus de 500 auteurs comptabilisés dans la rue, je m’attendais à une déferlante de soutiens. Avec mon profil Twitter, j’essaie de relayer, les expos, événements et articles qui ont trait à l’édition et à la créativité artistique en général. Si chaque auteur faisait de même, imaginez la force du réseau que nous pourrions mettre en place. Twitter n’est pas qu’un simple réseau idéal pour lancer des phrases assassines, il tient une place aussi importante que le droit de vote dans certains pays.
Vendre des originaux oui, mais à qui et comment ?
Au fur et à mesure de mes rencontres et des lectures d’interviews d’auteurs, le premier point qui vient à frapper c’est que le plus grand ennemi d’un auteur c’est lui-même. En se plaçant volontairement sur le coté, en refusant le jeu de s’informer et de réaliser les étapes graduelles au lancement d’un projet, l’auteur crée très rapidement de mauvaises conditions de création. Un exemple assez simple et révélateur se situe au niveau du processus créatif. Quand vous demandez aux auteurs de présenter leurs originaux, soit ces derniers sont inexistants, soit ils ne sont pas valorisés pour de futures ventes. Les conséquence de ces choix se perçoivent directement dans les catalogues de vente où l’on peut voir des esquisses sur des feuilles volantes tout juste sorties d’un bac d’imprimante.
La première chose à faire et je le dis sans animosité : arrêtez de nous mettre en vente des esquisses équivalentes à vos dédicaces. Je trouve ça vraiment trop proche de l’amateurisme que de proposer un dessin à 500 euros alors qu’il a les mêmes qualités esthétiques que l’esquisse que l’on fait en 10 minutes en librairie. Il est temps de s’interroger sur l’aspect préparatoire d’une BD et de la notion de recherche dans la création d’une oeuvre. Les essais couleurs et les recherches graphiques poussées sont, d’après moi, ce qu’il y a de plus intéressant après les planches originales. Des croquis en mine bleue à 500 euros sur un format A4 sont pour moi une boutade qui ne piègera que le collectionneur amateur ou le fan fortuné. D’autant plus qu’au jeu de la cotation, de très beaux tableaux peuvent se vendre au même prix en foire et avoir une cotation doublée l’année suivante. Alors, quitte à rentrer dans le monde des arts contemporains s’il vous plait, amis auteurs, prenez la grande porte en 4 points clés :
_ Évitez les ventes d’originaux sur des forums pour des raisons évidentes de traçabilité.
_ Vendez toujours vos originaux avec des certificats d’authenticité pour éviter la vente d’œuvres volées.
_ Évitez de vendre des dessins que vous n’achèteriez pas. Le respect du collectionneur passe aussi par une gestion de sa production. Tout ce qui dépasse de vos poubelles n’est pas forcément intéressant.
_ Réfléchissez à une vente d’œuvres globale en faisant attention à tous les détails, de la thématique au support. Une feuille plus épaisse et texturée est déjà un gage de qualité perçue.
Pourquoi faut-il éviter au possible de vendre vos originaux par le biais de forum ?
Prenons un exemple : vous vendez par le biais d’une plateforme internet des originaux. Ceux-ci se vendent par exemple aux alentours de 150 euros. Si un accord 50/50 est conclu entre vous et le gestionnaire de plateforme vous recevez 75 euros. Dans le cas où l’acheteur revendrait votre œuvre sur une autre plateforme de vente artistique (un forum ou le boncoin), vous ne toucherez plus rien. C’est aussi simple que ça. Vous pouvez décliner ce cas de figure à tous les systèmes de vente qui ne passent pas par un professionnel des arts. Vous avez toujours envie de vendre vos originaux ? Très bien, dans ce cas ne soyez pas surpris dans une décennie de les voir se négocier à prix d’or sans que vous puissiez toucher quoique ce soit car sachez-le, les ventes peuvent se multiplier et c’est autant de revenus que vous ne toucherez pas. Ne sous-estimez pas le pouvoir du droit de suite car sur une décennie vos originaux peuvent aller plus d’une fois en salle de vente. Tout dépend de qui vous collectionne.
Contacter une galerie d’art ?
La galerie d’art BD n’est pas la solution à tous les problèmes, mais un premier contact avec une galerie est une très bonne expérience aussi. Le galeriste peut avoir un regard sur votre travail et bien évidemment vous exposer. J’ai d’ailleurs un excellent souvenir de mon passage à la galerie Daniel Maghen où l’accueil avait été clair et précis. A l’époque j’avais posé cette question « est-ce que vous cherchez de nouveaux auteurs ? » La réponse avait été claire : Non. Peut-être que depuis la multiplication des enchères les ambitions ont évolué, mais à défaut il y a encore de nombreuses galeries spécialisées. La galerie Napoléon où j’ai bénéficié d’un accueil présidentiel, la galerie Artludik avec sa gérante au professionnalisme sans faille, la galerie Huberty & Breyne ou encore la galerie Champaka. J’avoue avoir été à chaque fois en contact avec des interlocuteurs passionnés, passionnants et très professionnels. Il y a aussi de nombreuses galeries non spécialisées. Plusieurs centaines dans Paris, ça laisse un peu de marge de mouvement. Les dispositifs de vente d’oeuvres d’art sont légion au sein de la capitale et dans le reste de la France, bien entendu. Rien n’empêche un auteur d’user sa semelle, comme bon nombre d’entre nous l’on fait, pour faire la bonne rencontre et trouver le lieu et la personne qui vous aidera à trouver votre place.
Je n’invite pas non plus tous les auteurs à faire la queue devant les galeries d’art pour proposer leurs planches. Internet est un formidable outil qui permet aussi de gagner du temps sur un point comme celui-ci. Un simple mail vous donnera déjà le ton vis-à-vis de votre travail. J’indique seulement qu’ils sont une partie inévitable de la chaine de l’édition moderne et certains sont même les garants d’une histoire de la BD. Combien de planches ont échappé à la destruction, à la perte ou pire, grâce à eux ? Car souvent les héritiers vendent les planches sur des supports de vente sans connaître leur valeur et c’est ainsi qu’elles viennent aussi à disparaître.
Les ventes aux enchères une solution viable ou simple miroir aux alouettes ?
On a l’impression d’assister à l’émergence d’un marché de la spéculation. Les auteurs qui vendent mieux leurs originaux que les ouvrages en eux-mêmes se multiplient. Ce qui est à craindre à terme c’est que la BD ne devienne qu’un catalogue de vente pour présenter le travail d’un auteur. Mais d’un autre coté, l’investissement pour la création d’un album de qualité est si conséquent que la vente d’originaux est devenue inévitable. Malheureusement, vos résultats en salle ne dépendront pas de votre expérience ou de votre nombre de parutions. Jusqu’à présent l’un des rares éléments communs aux meilleurs résultats de ventes se situe au niveau du degré d’implication de l’auteur dans le monde du cinéma. Il y a de la place pour de jeunes auteurs débutants. Le tout est de bien choisir dans quelle vente se placer. Je ne développerai pas plus sur ce sujet puisqu’il me faudrait un tout autre article pour expliciter les subtilités du placement des œuvres.
Conclusion
J’aurais souhaité aborder plus de points mais je n’ai pas la prétention de tous les connaître. Au lieu de décliner une liste non exhaustive, je ne souhaite qu’une chose, c’est qu’une fois de plus mes opinions voyagent, interpellent, dérangent et créent des discussions plus riches et intéressantes sur un sujet qui va être au coeur de l’actualité de beaucoup de professionnels ou aspirants auteurs. La réforme des retraites est en marche, les états généraux de la BD aussi. Au moment où j’écris ces mots, une prochaine marche est prévue pour le salon du livre 2015 de la porte de Versailles. Nous verrons à ce moment-là combien seront présents, combien relaieront l’information et surtout si le débat aura avancé. La conclusion à toute cette reflexion sur la place de l’auteur je crois que c’est Scott Mc Cloud qui l’a. Dans une interview (disponible en cliquant ici) celui-ci répondait à cette question : « En France, nous assistons à une précarisation des auteurs de bande dessinée qui s’organisent pour faire entendre leurs voix : quelle est la situation aux États-Unis ? » Voici la réponse de Scott Mc Cloud :
« pour le moment, chacun est vraiment en train de réfléchir à ce que signifie même un « succès ». Nous reconstruisons l’industrie depuis le départ, d’une certaine façon. »
Bonjour Antoine,
merci de nous enrichir de tes recherches, de tes analyses, de tes projections.
Toujours aussi pertinent !
Merci beaucoup.
Merci Annie de prendre le temps de lire mes articles et d’y apporter tes points de vue. Tu fais partie de ces lecteurs qui me poussent à enrichir mes articles et à les relire plus d’une fois aussi 😉
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Bonjour, votre article est une véritable mine d’or.
Je travaille à la création d’une startup dans le dessin et la BD. Tous ces points vont dans le ligne droite de mon projet. En ce qui concerne la vision théorique, je pense que la distinction entre producteurs et consommateurs est en train de s’estomper. Mon projet consiste à créer une plateforme de jeu (en ligne), réunissant tous les amateurs de dessin et de bande-dessinée. Créateurs et/ou critiques participent au jeu dans une logique de contribution et d’auto-formation. Le but du jeu est de concrétiser les projets à fort potentiel en proposant une réorganisation des rapports de production.
Mon objectif personnel est double : proposer 20% de droits d’auteur et de produire le prochain Toriyama 🙂 🙂 🙂