Le Street Art envahit Paris, retour sur 2 expos : « Sur Les Murs » et « Oxymores » 4


streeat-art-IMG_9368Stéphane L. – Ready for invasion – 2003

 

J’ai grandi en banlieue parisienne et forcément, comme beaucoup de banlieusards, je prenais souvent le train pour venir sur Paris. Avant l’arrivée du RER E (à la fin des années 90), les usagers n’hésitaient pas à ouvrir les portes de la rame l’été pour obtenir un peu d’air frais. Le paysage urbain étant assez éloigné d’une vue sur les alpes, vous pouviez apprécier sur toute la durée du trajet des graffs qui s’étendaient de Bondy à porte de Pantin. Très peu de murs échappaient aux nombreux tags, graffitis et autres réjouissances qui, heureusement, vous permettaient de penser à autre chose qu’à la lenteur du train.

 

Et nous voici en 2015, je parcours mon magazine des expositions parisiennes et un doute m’assaille. A partir de quel moment le tarif des expositions a-t-il franchi la barre symbolique des 10 euros pour voir du Street Art au musée ? Si on avait dit à quelqu’un dans les années 80 qu’il faudrait payer plus de 30 euros de billets pour voir trois expos sur le sujet, il vous aurait pris pour un fou. Et pourtant, alors que je lis ici et là que le Street Art (ou art urbain ou art de rue) est « Le » mouvement du moment, je toussote.

 

C’est un art d’hier que l’on institutionnalise aujourd’hui dans des musées privés et publics pour effectivement créer un marché. L’avenir nous dira d’ici peu s’il se fait au détriment ou au bénéfice de ceux qui l’exercent en toute sincérité. L’initiation à cet art via un parcours muséal est une excellente chose, mais déplacer des murs dans une salle sécurisée et proposer l’entrée à 13 euros, pour une expo d’art de rue, je trouve ça comment dire… étrange. Si une œuvre d’art de rue se retrouve dans une salle, existe-t-il encore un intérêt à faire la démarche d’aller la voir ?

 

En cherchant une légitimité artistique, autant dans les musées que dans les salles de ventes, le mouvement commence à s’organiser autour des mêmes acteurs, que ce soit du coté des organisateurs autant que du coté des artistes d’ailleurs. Cette consanguinité naissante m’a curieusement fait penser au monde du cinéma français… Ainsi, il n’est pas rare de voir dans différents endroits et à la même période des styles et signatures identiques. Face à cette opulence d’expositions autour du Street Art, j’ai pris la seule décision qui me semblait en cohérence avec ce mouvement : visiter en priorité les expositions gratuites. Je vais juste apporter une autre précision qu’il me parait importante d’écrire ici. Durant la nuit des musées, il était possible de rentrer gratuitement dans de nombreux musées et d’accéder à de nombreuses collections. Un endroit a gardé l’accès payant à une exposition qui présentait entre autre des pièces de Street Art… je vous laisse deviner laquelle. Vous voulez un indice ? Si je vous dis que l’affiche représente une femme dans un style graffiti, toujours rien ? Et si j’ajoutais que le commissaire d’exposition est un chanteur qui n’a pas besoin de chanter pour vivre ? J’y reviendrai dans un autre article dédié au Street Art et sur toutes ces subtilités et ramifications qui s’opèrent actuellement pour générer du cash autour du mouvement. En attendant, je vais vous laisser apprécier deux expositions que j’ai eu le plaisir de faire le mois dernier.

 

Sur Les Murs

 

« Sur les murs » est une exposition qui a pour but de présenter l’équivalent de 50 ans de Street Art au travers d’une exposition, de performances et d’initiations. L’exposition est visible jusqu’au 13 juin 2015 au crédit municipal de Paris, et surtout elle est accessible à tous. C’est un détail sur lequel j’insiste mais qu’il convient de préciser. Car il est fort à parier que dans quelques années ce genre d’initiatives sera aussi rare qu’une réduction d’impôt. Le guide de l’exposition qui fait aussi office de plan pour vous permettre d’associer un nom aux œuvres indique que l’exposition est réalisée grâce aux prêts de collectionneurs et d’une association qui a travaillé à son organisation. Une fois de plus, on comprend par cette simple indication l’importance d’une action conjointe entre une association et des collectionneurs privés.

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La salle contenant les pièces est assez grande pour rendre la consultation et les déambulations agréables. Les œuvres sont parfaitement présentées et équilibrées les unes par rapport aux autres. Si le fait de consulter des œuvres de Street Art sur des supports nobles dans une atmosphère de galerie est toujours un peu déconcertant, la variété des supports n’est pas négligée pour autant. Que ce soit du bois, du papier ou encore de la toile brute, toutes les pièces forment les unes à coté des autres un ensemble visuellement cohérent.

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streeat-art-IMG_9390Jérôme Mesnager – 2006

streeat-art-IMG_9392VLP – Le Guitariste – 1989 / Jean Faucheur – Gazireine – 1986

streeat-art-IMG_9378Miss-TicJ’enfile l’art mur – 1986

streeat-art-IMG_9394Dominique Larrivaz – Marie Sophie – 1989

streeat-art-IMG_9385Mosko & Associés – 2013

streeat-art-IMG_9383streeat-art-IMG_9384Lek & Sowat

streeat-art-IMG_9389Katre

streeat-art-IMG_9397Teurk

streeat-art-IMG_9386streeat-art-IMG_9374

streeat-art-IMG_9375Gilbert – 2009

streeat-art-IMG_9388Thom Thom

streeat-art-IMG_9399Ludo – la Sauterelle – 2012

streeat-art-IMG_9370C-215 – Nina – 2011

 

Cette exposition permettra aux non-initiés d’en apprendre un peu plus sur les acteurs et l’histoire du Street Art. Les passionnés du sujet y verront certainement une présentation un peu maigre mais l’intention mérite quand même d’être saluée. Ce n’est pas tous les jours que l’on voit autant d’efforts fournis au sein de la capitale pour présenter un mouvement artistique avec un maximum de références qui s’étalent dans le temps. Je n’ai pas pris soin de détailler chaque œuvre et les auteurs qui les ont réalisés. Elles n’en restent pas moins des pièces intéressantes et témoignent que la vitalité de cette pratique, qui a commencé il y a des années, n’est pas prête de s’atténuer.

 

streeat-art-IMG_9401Popay

Les deux œuvres présentées ici ont été réalisées sur place.

streeat-art-IMG_9402Katre

 

OXYMORES

 

L’exposition « oxymores » s’étend tout autour du bâtiment du ministère de la culture. Le dossier de presse présentant l’opération était tellement épais qu’il m’a permis de lire le long du trajet qui me ramenait chez moi. On ne plaisante pas avec la communication au ministère de la culture ! Mes deux feuilles A4 pliées de l’exposition précédente paraissaient bien maigres à coté. Blague à part, cette initiative d’envergure est un peu perçue comme l’arbre cachant la forêt pour beaucoup. Paris est plus connue pour ses opérations de nettoyage que ses opérations de mise à disposition des murs. On pourrait prendre cette exposition comme un geste de bonne volonté visant à intégrer les arts dits urbains dans le paysage parisien. En attendant, ce sont une sélection d’artistes bien établis que vous pourrez apprécier sans avoir à passer par la caisse. On pourrait se dire que ce n’est pas assez mais c’est déjà un pas de plus vers la vulgarisation d’un art dont vous n’avez pas fini d’entendre parler cette année.

 

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streeat-art-IMG_9403Thom Thom

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L’Atlas

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streeat-art-IMG_9409Lek & Sowat, Jacques Villeglé, O’Clock

streeat-art-IMG_9410Combo

 

La vidéo de présentation du projet

 

Visite guidée d’Oxymores, exposition d’art urbain par culture-gouv

 

Alors que je termine cet article et que je découvre que de nouvelles et nombreuses expositions sont prévues dans les jours à venir à travers la France, je ne peux qu’avoir une pensée pour les artistes de la rue Dénoyez (voir la page facebook ici) si vous voulez en savoir plus sur cette histoire, un simple clic ici vous permettra d’accéder à un article complet sur le sujet. Pour revenir au mouvement Street Art, comme je l’ai dit, nous n’avons pas assez de recul pour savoir si toute cette agitation est réellement bénéfique pour tous. Ce qui est certain c’est qu’une fois encore quand un mouvement sort de l’underground pour finir dans les bacs de décoration, les dommages collatéraux sont peut-être plus importants que l’on ne croit. En attendant, je ne peux que vous conseiller de vous rendre au maximum d’expositions auxquelles ils vous sera possible d’accéder ; de prendre le maximum de photos et de les partager sur les réseaux sociaux pour aider ceux qui émergent à obtenir la notoriété qu’ils méritent.

 

 


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4 commentaires sur “Le Street Art envahit Paris, retour sur 2 expos : « Sur Les Murs » et « Oxymores »

    • Antoine Titus Auteur de l’article

      Merci Jocelyne, le Street Art mérite plus de visibilité et d’explications. Je travaille sur un article plus long et plus référencé sur le sujet. J’espère que vous l’apprécierez tout autant quand il sera publié. 😉

    • Antoine Titus Auteur de l’article

      Merci Alchimaer Art, le Street Art est en pleine expansion et mérite vraiment que l’on s’y attarde. De belles découvertes seront publiées ici et vos commentaires en seront les premiers soutiens 🙂