Dimanche, j’ai comme d’habitude préparé mon sac pour vous ramener la crème de la crème des artistes du salon de MacParis qui a eu lieu à l’espace Champerret. Pour ceux qui ne connaissent pas ce salon, je vais vous donner deux raisons de vous y rendre. La première c’est la sélection : 125 artistes sélectionnés sur dossier afin d’obtenir un ensemble cohérent et qualitatif. Inutile de préciser que vous ne perdrez pas de temps à déambuler des heures dans un hall de gare entre amateurisme et errance artistique. Ici, les artistes disposent chacun d’un stand de 18m2 afin de vous éblouir et de vous donner l’envie d’aller à leur rencontre. Disons-le franchement, c’est l’un des rares salons où les artistes sont quasiment tous présents en permanence sur leur stand. La seconde raison, qui n’est pas anodine, c’est l’entrée gratuite avec possibilité de payer une somme symbolique de 5 euros, pour participer aux actions de MacParis2000 l’association qui gère cet événement. Alors, toujours pas convaincu d’inscrire définitivement l’événement dans votre agenda ?
Avant tout, je tiens à préciser qu’en général je ne parle que des artistes dont j’apprécie réellement le travail. Il n’y a pas de « copinage » ou de « sponsoring » sur ce site. Je rappelle que je ne suis pas un critique d’art à la recherche de reconnaissance, j’ai une vie artistique parfaitement remplie. Je ne suis pas non plus du genre à « flinguer » des oeuvres et des salons car c’est dans l’air du temps. Je sais que beaucoup d’amateurs se cachent derrière un pseudo et s’improvisent critique d’art car ils ont trouvé un Beaux Arts magazine dans leur boite-aux-lettres. Ici, vous ne lirez que des avis subjectifs sur des auteurs que j’aimerais voir plus souvent quand j’ouvre un magazine d’art, quel qu’il soit. Tous les artistes présents lors de ce salon méritent de l’attention, mon choix a été uniquement dicté par un outil personnel et totalement arbitraire : mon point de vue.
Commençons simplement par ceux que j’avais déjà remarqué au salon des Hivernales (voir le billet à ce sujet) et que j’ai pu approcher avec plaisir ce dimanche. J’ai enfin pu poser un visage, une voix et un physique sur un nom : « Berg » et je n’ai pas été déçu. C’est une femme de grand talent qui m’a exposé sa démarche et ses thèmes de prédilection dans son oeuvre. Je pourrais vous parler en long et en large de cette peinture chargée en émotion. Si la technique tout en clair obscur que l’on attribue facilement à tort à un homme est parfaitement maitrisée, elle s’oublie devant la charge émotionnelle que vous évoque chaque scène. Je ne peux que vous inviter à nouveau à découvrir le site de l’artiste car mes images ne feront pas assez honneur à une tonalité et une mise en forme dignes des peintres de musées. En l’écoutant parler de sa peinture, j’ai pensé à cette expression qui dit : « Si tu n’as rien à dire de plus beau que le silence alors tais toi ». Concernant les peintures de Berg, on regarde, on se laisse imprégner, on voyage et on se tait.
Berg – Engourdissement – huile sur toile – 97×130 cm
Olivier Poizac m’avait convaincu avec ses peintures aux Hivernales (voir dans le billet sur le sujet), il m’a séduit avec son stand. L’ensemble est cohérent et témoigne d’une volonté de communiquer sur une atmosphère intrigante, avec une grande habileté. On dit souvent que chacun fabrique l’histoire qu’il désire face à une oeuvre. Avec les siennes, Olivier nous invite à fabriquer plusieurs histoires. Pendant qu’il me parlait de son parcours, je ne cessais de me dire que de plus en plus d’artistes souhaitent s’émanciper de leur formation initiale et de leur fonction professionnelle pour atteindre une forme différente d’expression. Passer de l’univers du jeu vidéo à celui d’une peinture à la fois narrative et symbolique m’apparait comme cohérent, pour un auteur en quête d’une peinture libérée de contraintes et loin des standards. Je ne pense pas me tromper en écrivant ici que l’on verra souvent cet artiste et qu’il fera, à terme, parler de lui dans la presse spécialisée.
Quand j’ai aperçu cet immense portrait de femme, je me suis dit « c’est fou, mais quelque chose m’interpelle. » Je ne savais pas vraiment ce que c’était mais j’ai immédiatement pensé à une forme d’art proche de l’Art Cinétique comme l’Art Optique. Ce mouvement artistique où les oeuvres provoquent le mouvement par les couleurs et les formes. Et puis, après explication, j’ai compris que ce qui m’avait intrigué était en fait le procédé de réalisation de cette toile. Pour faire court et simple, imaginez trois tableaux identiques dans leur dimension et dans le sujet. Maintenant effectuez une variation dans le choix des couleurs et dans le sens des lignes. Découpez le tout en fines bandes et tressez-les ensemble. Le résultat est devant vous : trois tableaux tressés en un. Le résultat est tout simplement bluffant. Il y avait d’autres tableaux dont un autre portrait d’une qualité plastique exemplaire. Mais il y a toujours ce moment où vous devez choisir entre prendre des photos et mémoriser. J’ai opté pour le second choix. Pour en découvrir plus, je vous laisse le soin de cliquer sur le site de Gilles Grimon, vous me remercierez plus tard.
Gilles Grimon – Tresse – 100×89 cm – 2013
Souvenirs et autres principes de gravité, voilà le titre de cette oeuvre d‘Edgar Manuel Marcos qui a une dimension si onirique que je ne pouvais passer à côté. Vous avez déjà dû le remarquer, mais j’aime les oeuvres qui réunissent un ensemble de paramètres que j’ai rassemblé sous une expression « le talent apparent », et c’est exactement le cas ici. Je définirai surement plus précisément ce qui en constitue, à mon sens, les caractéristiques mais pour le moment je n’exposerai brièvement que trois principes : Emotion, Qualité plastique et Dimension. Ces quelques paramètres complètement subjectifs me guident souvent lorsque je pose mes yeux sur un tableau. Dans celui-ci tout était réuni. C’est comme si le rapport entre les trois conditions évoquées auparavant était parfaitement équilibré. Il y a comme une envie de rester là à contempler, analyser, décortiquer l’oeuvre pour comprendre les choix de l’artiste. Il y a ces nombreuses postures qui, accumulées les unes sur les autres, vous communiquent parfaitement ce désir d’apporter une composition soignée. Les effets d’opacité sont parfaitement gérés et ne donnent à voir uniquement que ce que l’artiste a désiré nous laisser entrevoir. Je vous offre un gros plan du tableau pour que vous puissiez voir à quel point il y a le souhait de maîtriser une technique pour justement l’oublier et s’attacher au ressenti.
Edgar Manuel Marcos – Souvenirs et autres principes de gravité – acrylique sur toile – 2011
Jae Woo Park a eu le mérite de travailler sur une thématique rarement abordée, alors qu’une exposition lui est consacrée en ce moment : le nu masculin. Dans cette étude, j’ai aimé la simplicité et l’absence totale de vulgarité. L’auteur nous montre que l’on peut regarder ce genre d’image sans tourner la tête. Dans une ambiance urbaine de foisonnement d’images où les corps sont des accessoires à la gloire de slogans marketing (car le trash fait vendre), voir des nus sans rougir ou être dérangé repose la vue. L’absence de décor et la pose rappellent une tradition artistique et, parfois, ce qui est conventionnel fait aussi du bien. Pas la peine de chercher en permanence le vulgaire ou le provocant pour être remarqué, il y a parfois plus à dire d’une étude que d’un tableau « porno chic ». Cet homme nu allongé est dans la même attente que nous. Nous attendons encore une série de nus masculins qui ferait évoluer les mentalités, plutôt que de les opposer les unes aux autres.
William Raynaud est un artiste professionnel qui possède deux qualités : il habite la région toulousaine (avis totalement objectif) et l’aérographe n’a plus de secret pour lui. Détournant allègrement les codes publicitaires et affectionnant les symboles forts, il n’hésite pas à juxtaposer les images quitte à provoquer des compositions étonnantes mais toujours pleines de sens, de réalisme et de finesse. C’est un personnage avec qui l’échange est honnête et franc. J’ai beaucoup aimé l’humour de cette oeuvre qui m’a redonné le sourire après avoir croisé un lot de cranes dans des situations moins avantageuses. En parcourant son site internet, j’ai découvert d’autres toiles que j’aurais voulu apercevoir sur son stand. Si vous avez la chance d’être du coté de Toulouse en ce moment, il n’est pas impossible de voir son travail en galerie ou de vous former à ce fantastique outil qu’est l’aérographe. Pour plus d’infos cliquez ici.
William Raynaud – Super G – acrylique sur toile de lin – 80×80 cm
Brno Del Zou proposait une série de « photosculptures » baptisée portraits morcelés. Je n’ai malheureusement pas eu l’occasion de discuter avec l’auteur mais son procédé est efficace et les images ne vous laissent pas indifférent. Dans une période où la photographie cherche ses lettres de noblesse entre procédé technique (comme la digigraphie) et des sujets racoleurs, un peu de simplicité dans le thème s’accompagnant d’une mise en scène intelligente vous invite à voir les images et les personnalités avec un autre regard. On cherche toujours à faire en sorte que le spectateur reste plus d’une minute devant son oeuvre, le pari ici est réussi. Le stand s’accompagnait de nombreuses compositions de ce type. Pour les découvrir dans leur intégralité cliquez ici pour accéder au site de l’auteur.
Emeric Chantier est un « model maker » qui s’essaie au domaine artistique. En découvrant ses oeuvres, on prend conscience du soin et de la minutie avec laquelle il a composé des pièces qui vous poussent à vous rapprocher pour en percevoir tous les détails. Elles se composent de végétaux stabilisés et d’autres éléments « secrets » que l’auteur se réserve le droit de ne pas révéler. En ce qui me concerne, son « foetus » m’a surtout amené à penser au mouvement Steampunk, ne serait-ce que dans le choix des matériaux et de l’esthétique de sa sculpture qui obéit aux codes de ce mouvement. Sur cette image vous ne verrez pas les détails qui m’ont amené à ce raisonnement mais vous pourrez les voir sur son site web. N’hésitez pas à regarder les autres pièces qui y sont présentes, elles sont tout aussi surprenantes et symboliques.
Emeric Chantier – foetus – H 30 x L 23 x l 28 cm
Je conclurai par un artiste dont le talent m’a vraiment impressionné. Le niveau de dessin de Marc-Jorma Lécureur ne s’oublie pas. C’est le genre d’artiste qui arrive à avoir le même niveau en dessin et en peinture, une race à part en somme. J’ai pris une seule photo sur son stand qui mettait en scène aussi bien des dessins que des peintures. Oui, je conçois parfaitement que nous sommes en pleine figuration et notamment dans une dimension de « Fine Art », mais comme je l’ai dit précédemment j’ai partagé un point de vue subjectif avec vous. Ce grand dessin réalisé au fusain rappelle comment un simple outil dans les mains les plus expertes devient un médium aussi noble que la peinture à l’huile. Qui a dit que nous vivions une période de grand retour du dessin en art contemporain ?
Marc-Jorma Lécureur – Ophélie – Fusain sur papier
Merci pour cet article subjectif consacré à des artistes que je ne connaissais pas, mais qu’objectivement j’aime beaucoup 🙂
Merci Aurélia, il y en a encore beaucoup d’autres à venir. Le salon Art en Capital qui se tient cette semaine, par exemple, sera à mon avis un bon cru 🙂