Il n’y a pas de hasard, c’est ce que l’on se dit souvent quand des événements totalement déconnectés viennent à se rejoindre pour vous amener en des lieux à un moment précis. C’est un peu ce qui m’est arrivé récemment concernant la cité des arts de Carla Bayle. J’ai été en contact avec différents amis habitant à Toulouse et à Barcelone. Ils se sont retrouvés à visiter la ville, par le biais du hasard, à des moments différents. Ce qui est surprenant, outre leurs localités qui se trouvent à des kilomètres de ce lieu unique, c’est comment au cours d’une conversation ils m’ont invité chacun à leur tour à m’y rendre. J’avais déjà planifié cette expédition qui nécessitait 2h de trajet aller et autant pour le retour et je me voyais déjà leur indiquer comment y accéder. Bon, disons que cette fois-ci, ils m’ont coupé l’herbe sous le pied. Malgré cela, je me suis dit qu’il me restait à surprendre mes lecteurs pour les inviter à découvrir cette ville qui possède autant de visages que d’artistes en son sein.
Puisqu’il faut un début, commençons par le festival des arts de la ville. Initié par une association (la rue des arts), il existe depuis 21 ans… Vous avez bien lu, cette manifestation souffle sa 21ème bougie et la programmation n’a rien à envier aux autres. Cette année, son rayonnement s’est accru avec la participation des Abattoirs de Toulouse qui a disposé une partie de son fond dans différents lieux. Pour ma part, c’est bien évidemment les personnalités locales plus que les œuvres en prêt qui m’ont poussé à parcourir les kilomètres pour aller à la rencontre des auteurs. Et je n’ai absolument pas été déçu par ce que j’ai été amené à voir. Il faut dire que Carla Bayle est parsemée d’œuvres d’art et, malgré ma capacité à trouver de l’or entre les pierres, je ne pourrais vous délivrer l’intégralité de ce qui est proposé au public.
Parler ici de foisonnement artistique est un euphémisme puisque tous les cinq mètres quelque chose évoquera le monde des arts. Qu’elles soient réalisées par des artistes locaux ou par des auteurs invités, vous aurez la possibilité d’observer de multiples disciplines et d’aller à la rencontre d’artistes véritablement accessibles et passionnants, autant dans leurs pratiques que dans la manière de vous en parler. Pour un artiste, Carla Bayle pourrait raisonner comme une cité idéale pour peu que vous fassiez quelques concessions. Observons ensemble, au travers de mes images, cet espace qui offre une vue à couper le souffle et des conditions de travail qui devraient être une base pour toutes les villes.
Cet ensemble de sculptures composé d’un livre ouvert et d’une femme avec des animaux est un hommage à Pierre Bayle, philosophe et écrivain français. La ville a changé son nom à l’époque (anciennement Carla le comte) intégrant le nom de cette personnalité locale.
Quatre sculptures de l’artiste Antoniucci Volti sont disposées à travers la ville à des endroits stratégiques. Vous ne pourrez pas déambuler en ville sans au moins en apercevoir une. En ce qui concerne leur esthétique, elle n’est pas sans rappeler un sculpteur comme Aristide Maillol. Les habitués de son œuvre et les parisiens qui fréquentent le jardin des tuileries auront certainement une impression de déjà-vu, autant dans le traitement des postures que dans les proportions des figures.
Si la ville offre un point de vue spectaculaire, il ne faut pas oublier que parfois certaines surprises se cachent en contrebas.
Ce qui s’apparente à une entrée de grotte est en fait une taverne magique 😉 si l’on en croit le panneau de signalisation.
Ce petit espace, appelé « la cavité du Cruzet », semble être échappé d’un conte, pour un auteur atypique à la production aussi surprenante que son lieu d’exposition. On ne peut s’empêcher de sourire dans le bon sens du terme en se disant que l’art et l’humour peuvent cohabiter sans pour autant chercher l’offense. Joseph Donadello produit des petites pièces et joue ici sur le principe d’accumulation. Cela vous donne cette impression d’avoir découvert la caverne d’Ali Baba d’un enfant.
La ville n’étant pas réfractaire aux nouvelles formes d’art, elle a su intégrer du Street Art de la meilleure manière qui soit. L’œuvre du Street Artiste Shaka est là pour s’en convaincre. Présente en contrebas de la ville, un article complet vous permettra d’en savoir un peu plus sur sa réalisation. Pour le lire cliquez ici.
En ouvrant l’œil jusque dans les recoins d’un jardin, une structure en bois m’a interpellé. J’ai cru, dans un premier temps, qu’il s’agissait d’un projet d’étudiant en architecture, mais en fait c’était le fruit du travail d’artistes issus des beaux arts de Toulouse. Laura Freeth et Emmanuel Jaudard ont présenté une œuvre qui ressemble plus à un espace de vie qu’à une sculpture contemporaine. L’esthétique dans l’air du temps et le choix d’une matière dont la teinte aide au camouflage donnent à ce projet un aspect plus fonctionnel qu’il n’y parait.
C’est quoi une maison d’artiste ? Dans l’idéal, c’est un lieu attirant au premier regard dont les couleurs du ciel se retrouveraient sur les volets. Une habitation avec de multiples fenêtres, avec la porte toujours ouverte à ceux qui n’ont pas peur d’avoir les yeux qui brillent. En nous accueillant chez lui, l’artiste Tristan Rà nous a offert plus qu’une hospitalité naturelle. Il nous a dévoilé un lieu qui invite au voyage et à la plénitude. Une maison n’est jamais la même d’une personne à une autre. Ici, cette demeure semble avoir trouvé dans sa nouvelle vie une fonction plus contemporaine tant sur le plan symbolique que décoratif. La décoration et son agencement donnent à contempler des œuvres dans un environnement si loin des stéréotypes qu’il devient plus aisé de les imaginer chez soi.
Ce qui rend si vivant un lieu vis-à-vis d’un autre passe aussi par votre capacité à vous projeter à l’intérieur de celui-ci. Pendant un moment, je me suis vu tour à tour feuilleter un livre dans un confortable fauteuil. Puis dessiner sur un chevalet à proximité de la fenêtre et enfin accueillir des visiteurs pour leur raconter les histoires autour de mes œuvres. La maison ici n’est pas un ensemble de murs porteurs. Elle raconte une vie riche de voyages, une histoire captivante et permet à son résident de mettre en scène de la manière la plus naturelle possible le travail d’une vie.
Les tableaux visibles dans plusieurs tailles ne souffrent pas de l’accumulation. Les thèmes fortement référencés ne sont pas des obstacles à la bonne visibilité d’un travail riche en couleurs. A l’horizontale comme à la verticale, les successions de petits formats sont assez bien composées pour trouver leur propre équilibre dans votre regard.
On imagine facilement l’artiste assis face à son œuvre dans son havre de paix, entouré de ses créations dans cet espace paisible et réconfortant.
En prenant une rue puis une autre, je me suis confronté aux œuvres prêtées en partenariat avec le musée des Abattoirs de Toulouse. Les tables d’écoliers présentes sur la brochure de l’événement prenaient place dans une grande salle où des œuvres de Ben étaient aussi exposées. Cette année, 3 lieux exposaient des œuvres en fonction de 3 thèmes. Contresens, Dissidence, Tolérance. L’image ci-dessous à été prise dans le carré d’art, par exemple.
La ville prend des airs de musée sans fin, comme une sorte de parc d’attraction pour passionnés d’art. Les œuvres monumentales comme cet immense panneau posé sur une façade sont tout à fait à leur aise et, je l’admets, invitent plus à une partie de « selfie » qu’à la lecture. C’est une habitude que l’on peut prendre assez rapidement avec des œuvres de cette dimension. J’en avais déjà parlé lors de ma visite au Palais de Tokyo, plus les œuvres sont grandes et « accessibles » uniquement pour les initiés, plus on s’en sert comme support de jeu pour des prises de vue.
La grande place du village est entourée de galeries. Elles ont toutes leur identité propre. C’est un lieux très vivant de jour avec les galeries, comme de nuit en période estivale avec les fêtes que le village organise. Les bâtiments qui passent d’une fonction unique de lieu de vie à la fonction d’atelier-galerie donnent un charme exceptionnel à un endroit qui se colore aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur.
Si le bâtiment dans son ensemble reste très classique, les portes elles n’ont pas résisté à la marque de l’artiste Christoph Kovel.
Cet artiste utilise des matériaux de récupération qu’il trouve par tous les moyens possibles. De ceux qu’il récupère à même le sol à ceux qu’il découpe directement depuis un véhicule, il n’hésite pas à donner une seconde vie à des éléments, en jouant sur leur tonalité pour composer ses œuvres. Ces matières premières qui sont donc dans un premier temps collectées, sont réagencées pour donner à ses œuvres intrigantes un aspect singulier.
Plus on se rapproche de ces tableaux et plus on découvre des détails surprenant, allant du verre au métal.
Avec une certaine distance, les formes hétéroclites se dessinent et l’œuvre prend du sens et de la force.
J’ai pris soin de prendre assez d’images en gros plan pour vous permettre de comprendre un peu plus son processus créatif. Vous apprécierez comment des matériaux peuvent exprimer tant de choses quand ils sont disposés avec maitrise et harmonie. Une de ses œuvres d’art monumentale était installée à l’extérieur sur la façade d’un bâtiment. On en viendrait à souhaiter en voir plus souvent de cette nature sur Paris et ailleurs.
Le principe de l’accumulation est ici poussé encore plus que sur des œuvres de plus petites dimensions. Des objets plus imposants viennent amener une troisième dimension qui n’est pas désagréable à regarder. Je vous laisse le soin de voir où se cache l’ourson dans cette composition.
En occupant des bâtiments entiers, on se plait à croire que ce modèle d’agencement pourrait devenir une référence pour toutes les villes de France. Vous n’imaginez même pas mon plaisir de parcourir une ville sans voir de devanture de grandes enseignes de magasins. A Carla Bayle, les magasins qui brassent des gens ne manquent à personne, on préfère de loin brasser les idées sous toutes leurs formes d’expression.
A l’intérieur des bâtiments, on découvre souvent des espaces de vie transformés en lieu d’exposition. Pas de canapé ou de téléviseur dans cette pièce à vivre. De l’art à gauche, à droite, au centre et jusque dans la cheminée. Quand on vous dit que c’est une cité des arts, on ne vous ment pas.
Parfois, au détour d’une rue, c’est le paysage qui s’encadre et la nature nous rappelle à quel point elle est autant une source de bien-être qu’une source d’inspiration. J’aime ces lieux où il suffit de quelques pas pour changer de vision, voire d’univers.
Les galeries sont omniprésentes donc immanquables. Comme vous pouvez le constater sur cette image, la signalisation ne vous laisse d’autres choix que de pénétrer ces espaces où l’art trouve ses plus beaux écrins.
La galerie de l’hirondelle présente un ensemble de sculptures d’inspiration végétale. Simples, légères et bien présentées dans un lieu sur plusieurs niveaux.
La ville exploite chaque recoin, comme ici avec cette petite cour qui baigne dans une lumière naturelle et qui ajoute encore plus de cachet à un endroit qui respire la qualité de vie. A proximité de ce bâtiment, une autre sculpture de Volti pose fièrement sur une petite place ombragée qui fera votre bonheur si vous marchez depuis un moment au soleil.
Certaines œuvres sont parfaitement intégrées dans la ville et se retrouvent aussi parfois face à face. Il arrive aussi qu’elles donnent l’impression qu’elles vous observent. L’atelier de l’artiste Willy Niodo est un véritable « traque-n’-art », si vous me permettez le jeu de mots. Vous entrez dans une petite pièce qui présente quelques pièces taillées à la tronçonneuse avec talent. Puis, un petit panneau vous demande de suivre votre visite plus bas. Et là, sous le bruit de la tronçonneuse, vous observez comment la sculpture prend naissance. Les personnes peu habituées à la technique ouvrent leurs yeux bien plus grands que celles qui y sont initiées. Cependant, peu importe votre niveau de connaissance en art, on reste toujours admiratif devant un processus aussi impressionnant que dangereux.
Ce qui est frappant à Carla Bayle c’est le goût et le soin apportés à ne pas mélanger des genres qui se feraient défaut en s’exposant les uns face aux autres. Dans une galerie comme celle-ci, les tableaux étaient en bonne correspondance avec des sculptures. Les autres tableaux, dont la facture était plus marquée, étaient à part dans une autre pièce. Les tableaux sont de Fabienne Roux et les sculptures sont de Claude Roux.
Une rencontre improbable avec cette peinture de Jean Pierre Pourtier qui est en fait le portrait du premier artiste (Tristan Rà) que nous avions rencontré un peu plus tôt et dont la maison est présentée au début de cet article. Vous imaginez un lieu rempli d’artistes qui produisent des œuvres en se basant parfois sur d’autres artistes ? La boucle est bouclée.
Les galeries se suivent et ne se ressemblent pas. Dans celle-ci, une pièce que j’avais aperçue sur internet trônait dans un coin. Non content d’avoir réalisé une sculpture aérienne malgré son imposante proportion, son auteur l’artiste Rico a reçu deux prix dans une manifestation dédiée à la sculpture et qui a eu lieu en Suisse. Vous pouvez en savoir un peu plus sur lui en cliquant sur ce lien.
D’une grande gentillesse et d’une grande disponibilité, l’artiste n’a pas hésité à expliquer son processus de conception à ma compagne. Si je l’écris c’est que cette manière d’être devient rare en fonction du lieu où l’on se trouve. Ici, en pleine réalisation d’une commande particulière, les visiteurs peuvent prendre conscience de la difficulté de sculpter le bois et des heures interminables à la réalisation de la moindre pièce.
Ma troisième et dernière rencontre m’a permis de découvrir l’artiste Michèle Duchêne. Elle partage la galerie avec un autre artiste, tout aussi intéressant. Pour revenir à Michèle, sa manière de concevoir ses personnages et les expressions qu’elle arrive à leur donner sont tout simplement plaisantes à regarder. Vous avez cette impression d’être en contact avec une démarche simple mais efficace. Typiquement le genre de production artistique qui n’essaie pas de vous vendre un concept copié-collé d’un magazine d’art en vogue. La sensation que j’ai ressentie dans cette galerie est la même que j’ai ressentie tout au long de mon parcours dans ce village. On se sent serein et absolument pas perturbé par des arts commerciaux ou des artistes prétentieux. Au contraire, ici chacun cherchera à vous raconter son histoire, à vous transmettre un message et par la suite vous aurez des clés pour appréhender leurs œuvres.
En terme de peinture, mon coup de cœur à Carla Bayle va sans aucune hésitation au travail de Manuel Martinez. Il faut dire que le jeu des formes, le choix des couleurs et les portraits complétement décalés vis-à-vis du sujet sont autant d’éléments que j’ai appréciés. Il y a une identité très marquée et un choix définitif de ne pas coller à une réalité anatomique.
Les grands formats sont si bien équilibrés que, mis les uns à coté des autres, on perçoit parfaitement l’atmosphère qu’a cherché à mettre en place l’artiste. Ce qui est surprenant c’est qu’en voyant de telles figures, on pourrait se dire que ça n’a pas de sens. Des visages géométriques et des fonds bariolés, c’est ce qui saute aux yeux. La maitrise de la lumière, les choix osés mais habilement gérés… en ce qui me concerne je ne vois que de la beauté dans ces peintures. Il y en a deux que j’aurais vu chez moi… les deux dernières, pour être honnête. Je ne sais pas si c’est lié aux découpes et aux mélanges des genres mais ce qui importe le plus c’est qu’elles m’ont suffisamment marqué pour me donner l’envie de revenir et de suivre cet artiste de près. C’est aussi ça la magie de cette ville, on vient sans savoir ce que l’on va rencontrer et on en repart avec des images et la volonté d’en parler autour de soi.
Carla Bayle est le genre de lieu au sein duquel il ne faut pas s’attendre à trouver des porte-clés made in China, avec la mention « bienvenue en Ariège ». Il faut bien comprendre qu’il y a encore des lieux en France où les souvenirs que l’on achète sont des œuvres d’art accessibles à des prix si bas que repartir les mains vides est difficilement justifiable. J’ai essayé tant bien que mal de ne pas publier toutes les photos que j’ai prises. Ici, il y a environ 1/10 des images que j’ai dû trier et classer dans ma photothèque. Inutile de préciser que je n’ai pas cherché à analyser des œuvres ou à porter un regard critique sur des travaux. J’ai, avant toute chose, souhaité vous transmettre un sentiment avec le plus d’objectivité possible sur un lieu qu’il faut populariser.
Pour clore cet article, je vous offre en bonus les images d’un rond point croisé sur la route qui mène à la cité. Ces totems fièrement dressés nous rappellent aussi qu’il ne tient qu’aux municipalités de s’offrir de vraies œuvres et ainsi créer des rond points plus originaux, sans pour autant tomber dans le ridicule et la démesure.
Pour aller plus loin :
Le site de l’association : http://contactruedesarts.wix.com/rue-des-arts
le lien facebook de l’association : https://www.facebook.com/rue.des.arts
Le site de la ville : http://www.carla-bayle.com
Et dire qu’on est passé à côté de tout ça ! 🙂
Une belle redécouverte de notre village au travers de votre œil. Un grand merci 🙂
merci pour cette belle rencontre :))
Merci pour ce souffle nouveau apporté à notre édifice.
MERCI … une belle promenade ! de belles découvertes dans cette newsletter… étonnant
et un ton de narration toujours aussi agréable… voir un peu plus cette fois ci…
Belle fin d’été !
Yakinikou
Très bel article vraiment 🙂