« Wika » est une bande dessinée en trois tomes d’Olivier Ledroit et de Thomas Day. Les habitués du site ont déjà pu découvrir les expositions des deux premiers chapitres ici-même. Pour consulter ces anciens articles, vous pouvez cliquer ici et là. Cette exposition a pris place (du 21 novembre au 11 janvier 2020) au même endroit que les deux précédentes, c’est-à-dire au sein de la galerie Glénat.
Et c’est donc sans surprise que j’ai pu découvrir les nouvelles planches dans une configuration similaire aux anciennes expositions. Il était possible de voir de très grandes planches, très certainement les plus grandes exposées par cet auteur. Avec notamment des oeuvres qui étaient composées de plusieurs panneaux. Autre nouveauté cette année, il y avait deux réalisations en volume, l’une en bois découpé et l’autre était une interprétation du sculpteur Samuel Boulesteix.
Des illustrations hautes en couleurs et en contraste
Pour commencer, intéressons-nous à la couverture de ce dernier tome. Comme l’illustre l’image ci-dessous, c’est une peinture de grande dimension haute en couleurs et surtout en contraste. Le dessin y est soigné avec des effets de lumières et une mise en volume chère à l’artiste. Jusqu’à présent, les dessins d’Olivier Ledroit se sont toujours inscrits dans une démarche picturale. Ce volume s’insère dans la continuité des précédents tirages.
Wika est une bande dessinée qui emploie une colorimétrie très appuyée. Grâce à ce travail de couleurs, l’histoire gagne en force à l’image de la scène ci-dessous. Olivier Ledroit maîtrise ses codes narratifs autant que ses pinceaux. Ce qui m’amène à croire que l’ensemble de son travail peut parfaitement s’intégrer dans un programme d’éducation artistique. Pour s’en convaincre, il suffit de se rapprocher de ses tableaux pour y percevoir l’ensemble de son talent.
En effet, à chaque lecture de ses planches, on a la sensation d’assister à un cours sur la couleur et son implication dans la perception d’une histoire. C’est la raison pour laquelle il est impossible de passer rapidement d’une image à l’autre, dans la mesure où on ressent une véritable force d’attraction. Ses illustrations nous contraignent à nous approcher et à nous reculer de manière systématique. La complexité de certaines de ses compositions ne peut que confirmer mon propos.
L’exemple le plus significatif étant dans sa technique d’enrichissement de ses dessins. Depuis le premier tome, Olivier Ledroit a cherché à différencier son travail. Et pour cela, l’ajout systématique d’éléments en volume l’a conduit à développer une originalité, qui n’est pas sans conséquence sur l’ensemble de sa production. Lorsque l’on a la chance de les voir en vrai, on prend bien conscience de la différence de style et d’apport par le biais de médiums variés.
Des illustrations monumentales qui fourmillent de détails
Depuis ma découverte du premier tome, s’il y a bien une chose que j’apprécie dans la saga Wika, c’est justement le soin apporté à chacune de ses planches. Comment ne pas tomber sous le charme d’une oeuvre (initialement destinée aux plus jeunes) qui illustre à ce point l’art de la bande dessinée. Nous ne sommes pas uniquement dans un système de représentation qui se limiterait à raconter une histoire. Puisque justement, l’une des caractéristiques de cet auteur est d’expérimenter une nouvelle approche à chaque fois qu’il déploie un nouvel univers.
Au-delà de la technique, il y a donc une volonté de vouloir changer de méthode de conception des images. Bien qu’il reste dans une pratique traditionnelle d’illustration, ses expérimentations lui permettent aussi de se réinventer. Dans un milieu comme celui de la bande dessinée, on ne peut que saluer cette prise de risque.
De plus, il y a une évidence dans le plaisir que prend cet auteur à peindre. En effet, qui serait assez fou pour dessiner de manière si précise, alors que le format de la bande dessinée ne permet pas de retranscrire ce travail. Seul un artiste avec une démarche aussi forte peut se permettre un tel choix. D’autant plus que la captation des planches ne pourra se faire de manière traditionnelle. Il faut mettre de coté l’idée d’utiliser un scanner et autres fichiers numériques.
C’est uniquement par le biais de la photo que l’on peut saisir de telles productions. Ce qui m’amène à dire qu’Olivier Ledroit prend des risques mais s’accorde avant tout une liberté. Celle-ci l’embarque dans une démarche artistique qui prime sur le reste. Et n’est-ce pas le propre d’un artiste que de guider une industrie vers sa vision, plutôt que l’inverse ?
En cherchant à développer son art, Olivier Ledroit a naturellement amené sa facture à évoluer. Il en ressort des planches qui parfois peuvent s’absoudre de leur contexte de création. Cela participe à l’appréciation des spectateurs qui arrivent à visualiser ses tableaux accrochés chez eux. Son travail, qu’il soit à l’état d’esquisse ou de composition plus complexe, s’envisage parfaitement chez soi y compris en reproduction. Ce qui m’amène à penser qu’au final pour lui le pari est doublement réussi. Dans la mesure où il arrive à imposer son art, sa technique et son format… tout en gagnant un public croissant qui adhère à sa démarche artistique.
Conclusion
Olivier Ledroit a de nouveau réussi à nous emmener dans son univers onirique. Au-delà de l’histoire, Wika illustre merveilleusement bien le talent de cet auteur hors norme. D’autant plus qu’il s’épanouit dans des techniques traditionnelles, voire artisanales. On peut le ressentir avec les amalgames de dentelles et de mécanismes d’horlogerie. Ainsi que dans les dernières planches où il utilise des mécanismes en bois découpé. Ces derniers s’additionnent sans peine à l’ensemble et participent au coté hors norme de sa production.