L’Art de la Haine, quand les Artistes s’égarent…


Voici un article que je ne pensais pas devoir écrire ces derniers jours. Et pourtant, il me semble plus que nécessaire de poser des mots sur un mal que je vois se répandre parmi la communauté des artistes professionnels : le mépris. Je pourrais faire un jeu de mot facile pour indiquer qu’il y a « méprise » dans cette attitude qui vise à critiquer, insulter ou harceler des gens sur internet ou en salon sans raison. Cependant, je tiens à préciser que même en effectuant mon travail d’écriture, de diffusion et de partage, je m’aperçois que je ne suis pas à l’abri de ce comportement.

 

« La culture de la haine » est dangereuse dans le milieu artistique, comme ailleurs.

 

Ce que je nomme ainsi, c’est cette manière de passer son temps à critiquer et à agresser verbalement les autres sur les différents réseaux sociaux. Le phénomène n’est pas nouveau en soi, mais aujourd’hui nous avons assez de recul pour mesurer ces effets pervers dans l’univers du web. La critique facile qui se transforme en insulte pour aboutir en diffamation publique est devenue un processus trop courant. Nous savons que des groupuscules agissent en agitateurs de haine pour influer les moteurs de recherche. Et par extension, des décisions politiques voire des contenus éditoriaux.

 

Ces pratiques génèrent un tel flot d’insultes et de commentaires haineux que certains sites d’information sont contraints de désactiver toutes possibilités d’interactions sur des sujets sensibles. Comme nous le savons, une minorité de personnes qui s’exprime violemment n’est jamais représentative d’une population. Cependant, force est de constater que le silence pesant des personnes de bonne volonté manque dans la balance pour faire contrepoids. Cette pratique dont le développement ancre ses racines sur internet conduit naturellement les usagers à prendre des mauvaises habitudes. Il ne viendrait à l’idée de personne d’arrêter quelqu’un dans la rue pour l’insulter vis-à-vis de sa tenue. Et pourtant, c’est ce que font régulièrement des internautes de manière consciente dans l’unique objectif de blesser les personnes ciblées. Avec la multiplication des infos et des titres racoleurs, les internautes sont devenus des experts dans tous les domaines. Problèmes d’immigration ? Ils ont des solutions… Problèmes de chômage ? Ils ont des mesures phares… Problèmes budgétaires ? Attendez, c’est quand même pas compliqué de gérer un pays… non ?  Vous l’aurez compris, j’en viens à écrire cet article non pas par ras-le-bol d’une situation sociale, mais plus pour apporter un point de vue sur cette époque où haïr l’autre est devenu un droit.

 

Beaucoup (trop) d’artistes n’ont toujours pas compris qu’il fallait rester concentré sur ses productions et ne pas mélanger les genres. Si vous avez une page Facebook professionnelle n’y ajoutez pas une succession de « fake news » qui ne font que susciter la haine et les débats stériles. Une bonne communication artistique ne fonctionne que s’il y a une cohérence entre ce que vous montrez, ce que vous dites et ce à quoi vous aspirez. Si vous souhaitez travailler avec des entreprises, ne noyez pas votre profil public d’informations puériles, racistes ou indicatrices d’un état d’esprit instable. Une annonce d’exposition, suivie d’une photo d’un policier brulé et d’un article sur le Burkini n’invite pas à en savoir plus sur l’artiste qui publie cette succession d’informations sans lien. Comment voulez-vous apparaître comme un créateur crédible si on ne trouve même pas vos productions sur vos liens sociaux ? Je tiens à préciser que j’écris ce texte après avoir consulté de nombreux profil d’artistes se revendiquant professionnels sur Facebook. Dans plus de la moitié des cas, les premières informations que j’y ai trouvées concernaient des sujets sur ce que j’appelle les « 3M » (Macron, Migrants, Musulmans) ou des publications contradictoires qui ne m’ont pas permis de voir ce qu’ils produisaient…

 

On ne lit plus les articles, on préfère débattre des sujets évoqués dans le titre.

 

Pour ma part, j’ai déjà fait les frais de cette mouvance qui vise à discuter d’un article sans le lire. Mon article sur les femmes artistes est l’un des plus lus sur mon site. Déjà à l’époque, dans les premières heures de sa publication, je subissais les foudres d’internet. Comprenez bien qu’émettre un avis sur ce sujet c’est comme de laisser un sac à dos dans le métro : ça paraît suspect ! J’ai naturellement rencontré des commentaires désobligeants qui visaient directement ma personne.  Alors que ceux qui les ont rédigés n’avaient même pas lu et compris le fond de l’article. Malgré un recadrage de ma part, « l’effet de meute » a permis de passer totalement à coté d’un sujet qui, pourtant, concernait directement les personnes qui ont dénigré mes écrits. Ce qui m’amène à quelques points qui me paraissent essentiels.

 

  • Avant de contester un article et de vilipender la personne à l’origine de celui-ci, LISEZ-LE. La base de la crédibilité part d’un constat simple : on n’intervient pas sur un sujet sans en avoir pris connaissance. Aujourd’hui, ce qui paraît ahurissant c’est la nécessité de devoir le rappeler.
  • Avant de publier une réponse, posez-vous cette question simple : Est-ce que je respecte la charte du forum dans lequel j’interviens ? Mon propos est-il diffamatoire, raciste, sexiste ou bien si blessant qu’il ne peut être lu à haute voix ?
  • Relisez-vous… Et demandez-vous si vos écrits sont valorisants vis-à-vis de votre profil. J’ai quand même vu une spécialiste de la communication intervenir sur un sujet, sans avoir lu l’article qu’elle critiquait… Pour une professionnelle de la communication elle n’a fait que nuire à sa propre crédibilité.

 

Les débats sans fin deviennent rapidement des tribunes à charge.

 

Récemment, comme chaque mois, un artiste a évoqué son ras-le-bol de voir la confusion entre artiste professionnel et artiste amateur. Pour appuyer son discours, il évoque le fait que d’après lui tout devient un grand capharnaüm. Lorsque vous commencez à émettre un avis de la sorte sur internet c’est un peu comme si vous lanciez un feu en pleine forêt. A la suite de son « coup de gueule » de nombreux artistes se sont engouffrés dans cette brèche. Et le principe d’une faille c’est qu’elle s’enfonce en profondeur… et c’est tout le sens aujourd’hui de mon article. J’invite les artistes amateurs et professionnels à ne pas sombrer dans les méandres des discussions stériles sur les réseaux sociaux. Et surtout à ne pas chercher les raisons de leur insuccès dans le comportement d’autres artistes, fussent-ils amateurs ou non.

 

Nous avons tous commencé comme amateur à un moment donné de notre vie. Et ce n’est pas parce qu’aujourd’hui certains éprouvent des difficultés à émerger de cette surproduction d’artistes qu’il faut incriminer ceux qui souhaitent le devenir. Beaucoup d’auteurs se persuadent du nombre trop élevé d’artistes amateurs. Alors qu’en fait c’est une excellente nouvelle. Nous avons passé des années à expliquer l’importance de pratiquer des arts. Pourquoi soudainement condamner ceux qui cherchent des réponses dans les disciplines qui nous guident au quotidien. Nous sommes les premiers en tant qu’artistes professionnels à mettre sur le devant de la scène la notion d’émotion. Nous sommes les premiers à signifier au monde nos envies de dialoguer avec nos espaces intérieurs, notre authenticité et notre besoin de nous exprimer. Puis comme d’un coup d’un seul, face au nombre de pratiquants, il faudrait tout freiner, réguler et hiérarchiser. Avec pour argument que le public est trop « naïf » pour distinguer le bon du mauvais ?

 

Le respect doit s’appliquer à tous. Professionnels, apprenez à mesurer vos propos.

 

Je me souviens avoir lu un échange assez musclé entre un artiste auto-proclamé professionnel, et une artiste qui soumettait quelques interrogations sur sa pratique. On ne sait comment l’échange a tourné au pugilat pour aboutir sur les larmes de l’artiste critiquée. Celle-ci a fini par communiquer l’identité de celui qui l’avait invectivée en dévoilant des copies-écran de l’échange. Maintenant, j’aimerais que l’on soit clair sur un point. En quoi est-ce valorisant pour un artiste professionnel de venir insulter d’autres artistes amateurs ou professionnels dans des forums dédiés ? Quel est l’intérêt d’entretenir des conflits les uns envers les autres, alors que nous devrions nous fédérer ? Ce ne sont pas les inégalités sociales actuelles et à venir qui manquent pour s’engager dans des actions positives. Pour rappel :

 

  • L’artiste que vous critiquez aujourd’hui pourrait devenir votre allié de demain. J’ai un millier d’exemples qui vous prouverait mes propos. Covoiturage pour un déplacement en salon, partage de stand, recherche d’informations complémentaires, avis sur des événements. Autant de cas de figure où la personne que vous critiquez pourrait avoir un rôle clé dans la recherche d’une réponse pour votre activité.
  • Peu importe le niveau d’étude ou de qualification que vous pensez avoir, rien ne vous confère le droit d’être insultant.
  • Google n’efface rien. Même si vous oubliez tout. Vos photos, vos messages, vos critiques, vos coups de gueule, vos insultes… Tout peut se recouper et certains comportements hostiles finissent par se savoir au-delà de vos régions.
  • Votre temps est précieux. Utilisez toute cette énergie négative en action positive pour votre communication. Avant de chercher à dénigrer ou intervenir dans un groupe pour achever une proie, posez-vous une question simple : Est-ce que mes écrits vont me permettre de diffuser une bonne image de mon art et de ma pratique artistique ? Si ce n’est pas le cas, abstenez-vous. Les silencieux ont pour eux de ne jamais avoir de problèmes de cette nature.

 

Il est important de comprendre que Google n’efface rien. Une fois que cette donnée est enregistrée dans votre cerveau, il n’est pas difficile d’intégrer la notion de responsabilité sociale. Tous vos propos peuvent être vus, lus et ressortis des années plus tard. Une récente polémique autour d’une chanteuse devrait servir de référence. Si vos anciens discours ne correspondent plus à votre vision actuelle, supprimez-les. Pourquoi laisser l’intégralité de votre vie personnelle en accès libre ? Est-il vraiment nécessaire de connaître les penchants sexuels, politiques et religieux de chacun ? Il est temps de reprendre votre profil professionnel, si celui-ci contient plus de fake news que d’œuvres d’art.

 

De tout temps, les artistes n’ont jamais été tendres les uns envers les autres. Entre les groupes qui s’opposaient sur le plan théorique et les guerres intestines, il y a toujours eu de quoi créer des rivalités. Cependant, il y a une nuance entre ne pas supporter l’art de l’autre et l’insulter copieusement sur des forums professionnels dédiés aux arts. La plupart du temps, quand je vois ce genre de commentaires, je remarque très souvent la gratuité de la haine. Un tableau ne plait pas ? Il en devient horrible et l’on invite celle ou celui qui l’a réalisé à se remettre en question de manière assez violente.

Ne laissez pas vos humeurs prendre le pas sur vos actes. Toutes vos pensées n’ont pas nécessairement besoin d’être étalées sur les réseaux sociaux. Et j’insiste encore sur un point important. Faites le bilan de vos interventions et comparez-les avec la publication de vos travaux artistiques. Si vos interactions sur des faits divers sont plus denses que vos textes de démarches artistiques, et qu’il n’est pas possible d’identifier votre activité en moins de deux minutes, c’est qu’il est temps pour vous de nettoyer et d’aligner vos profils sociaux sur votre activité professionnelle.

 

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