Ces derniers temps Paris est assiégé par de nombreuses manifestations artistiques, toutes aussi intéressantes les unes que les autres. Bravant la foule et le mauvais temps, je n’ai pas hésité à me rendre dans certaines d’entre elles rien que pour vous. J’ai donc bouclé mon sac photo pour parcourir le salon GMAC (Paris Bastille), le salon Quatrième image (Paris quartier du Marais) et enfin les Hivernales (Palais des congrès Paris-Est-Montreuil) afin d’avoir un point de vue de l’art qui se fait et de l’art qui se vend en ce moment.
GMAC Bastille
Le salon d’art contemporain de Bastille est tout simplement impressionnant. Je n’avais jamais pris le temps d’y faire un tour, dorénavant je ne manquerai plus de m’y rendre. 500 artistes répartis tout autour du Port de l’Arsenal, pour ceux qui connaissent. Pour les autres, un petit coup d’oeil aux images vous donnera une idée du temps qu’il faut pour en faire le tour.
Point de vue depuis le pont, coté gauche du salon
Voici le coté droit du salon qui se prolonge jusqu’en face de la place de la Bastille
La majorité des artistes étant allergiques aux appareils photos, vous ne verrez aucune image des oeuvres exposées. Par contre, je vais citer trois artistes qui à mon avis méritent que l’on s’attarde sur leur travail. Non pas que les autres ne le méritent pas, mais sur 500 artistes (avec plusieurs dizaines d’oeuvres chacun) au bout d’un moment votre cerveau opère lui-même la sélection et obéit à des critères totalement subjectifs.
Le premier c’est Alain Choisnet, dont j’ai pu voir les sculptures aussi belles que finement réalisées. Allez découvrir l’ensemble de son travail sur son site internet, vous ne le regretterez pas.
Le second c’est Fabien Delaube avec qui j’ai pris le temps de discuter de son parcours et de son oeuvre. Ses toiles sont toutes réalisées avec la même attention du détail et la même qualité de finition. Pour en savoir plus sur son travail cliquez ici.
Enfin Patrick Hitte, qui est un spécialiste des Pin-up. Il m’a séduit par sa technique et sa production. La taille de certaines de ses Pin-up (les silhouettes sur bois font plus d’un mètre de haut) et la qualité dans les rendus sont justes bluffantes.
Il est bon parfois de rencontrer des gens talentueux, sans prétention, qui ne font pas les couvertures de Beaux Arts magazine parce qu’ils n’ont pas d’oeuvres dans des collections de musées. Dans un salon comme celui-là, il est possible de rencontrer de nombreux auteurs et surtout de voir des savoir-faire qui ne sont pas forcément dans les mains de ceux que l’on célèbre.
Salon la Quatrième Image
Concernant le salon Quatrième image, je pense que pour une première ils ne se sont pas trompés. Le lieu, la sélection, le catalogue d’exposition… tout était au top ! Plutôt que de faire un reportage sur les auteurs, je conseillerais aux photographes de se rapprocher de ce genre d’événement qui a l’avantage de la fréquentation, de la localisation et de la qualité de présentation des images. N’hésitez pas à vous rendre sur leur site internet, il est très complet et bien réalisé pour obtenir plus d’informations sur les exposants ou sur les conditions d’exposition.
Le salon les Hivernales 2013
Cette année, j’ai décidé d’arpenter les Hivernales non pas comme exposant mais plutôt comme visiteur. Habitué des salons, j’ai compris que le meilleur moyen de visiter ce genre de lieu c’est 4h avant la fermeture. Une fois ce détail réglé, c’est avec un grand plaisir que j’ai pu déambuler dans cet espace, en toute tranquillité. Les Hivernales se sont distinguées une fois de plus par la diversité et la qualité de présentation des oeuvres. Grâce à l’aménagement et à la surface incroyable des lieux, vous pouviez prendre du recul et apprécier une oeuvre sur la durée. On pouvait réellement pénétrer dans l’oeuvre, exactement comme au musée… les touristes en moins.
Ce salon me plaît de plus en plus pour son coté off. Le fait que les parisiens le boudent est l’un des « charmes » de l’Ile-de-France. Le périphérique étant devenu une sorte de « ligne Maginot » il paraît que le bon goût ne se risquerait jamais au-delà des terres parisiennes. Blague à part, le palais des congrès de Montreuil est un lieu bien connu des amateurs de livres puisque le salon du livre jeunesse s’y déroule tous les ans. Si vous n’y avez jamais mis les pieds, attention à l’effet de perspective !
Ce lieu est tout simplement gigantesque et parfaitement adapté aux manifestations artistiques. J’aurais intimement souhaité voir tous les artistes de Bastille dans un lieu comme celui-ci. Il n’y a qu’à observer les photos pour comprendre que des manifestations de grande envergure devraient y avoir lieu plus souvent. Le salon se déroulait sur les deux étages et disposait de tout le confort nécessaire pour s’accorder une halte afin de discuter autour d’un verre.
Cette année, l’invité d’honneur était Vladimir Velickovic un artiste dont les oeuvres ne pouvaient laisser indifférent. Que ce soit par la taille, le sujet ou la technique, n’importe quelle oeuvre de cet auteur vous chahute entre un sentiment de fascination et de malaise. Quoiqu’il en soit, voir des sujets contemporains dans ces proportions est toujours un régal pour les yeux des plus curieux.
Certains espaces étaient aménagés comme de véritables galeries d’art. Les oeuvres bénéficiaient d’assez d’espace pour être appréciées de loin et les murs n’étaient pas surchargés, ce qui vous permettait de ne pas être perturbé par des thématiques contradictoires.
La femme, source intarissable d’inspiration pour les artistes
Il est clair que l’image de la femme était bien présente, tous supports confondus. Si dans un premier temps on regrette l’absence de prise de risque dans le traitement du sujet, on reconnaît sans peine le désir de vouloir la représenter à nue. En parcourant les allées, je n’avais pas fait attention aux nombreuses oeuvres où les femmes étaient présentes.
Ce n’est que lorsque j’ai commencé le transfert de ma carte mémoire sur mon ordinateur que la profusion des images m’a sauté aux yeux. Peintures, photographies, retouches numériques ou encore sculptures, la femme nue apparaît dans diverses situations et cela n’est pas sans nous rappeler les nombreuses images du même type qui prolifèrent aujourd’hui dans les médias.
Cette femme est comme en lévitation, voire suspendue. Toute sa tension musculaire était comme palpable sur le papier. La maîtrise du dessin ne fait aucun doute. D’ailleurs ce dessin au crayon n’est pas sans rappeler les études des grands maîtres italiens pendant la Renaissance, avec un traitement des ombres et une attitude beaucoup plus dramatique.
Un peu plus loin dans les allées, une autre femme nue mais allongée cette fois-ci. Elle est comme plongée dans l’attente, hésitant entre une posture de modèle vivant ou une posture d’auscultation médicale. La précision et la finesse des détails contrastent avec ce fond noir qui nous plonge lui aussi dans l’interrogation. L’air calme du sujet s’oppose presque violemment au traitement des muscles qui ont l’air, quant à eux, en pleine tension. L’écho avec le dessin précédent m’avait tellement surpris que j’étais persuadé qu’il s’agissait du même auteur.
Dominique Renson – Résurrection -huile sur toile – 97 x 162cm
Cette peinture m’a fait penser, dans un premier temps, à une séquence de film qui aurait pu être mise en scène par Larry Clark . On a cette impression d’être le témoin d’une scène mettant en image une jeunesse désoeuvrée, libérée des tabous et des conventions. Que ce soit dans la composition ou dans le traitement des expressions, j’ai aimé l’attitude naturelle des personnages qui pourrait nous renvoyer à une question du genre : Qu’est-ce qui vous dérange ? La nudité ou l’histoire qui a conduit à quitter nos vêtements ? D’autres pourront aussi y voir une référence à la peinture de Balthus dont les mises en scène, les sujets et le traitement des couleurs ne sont pas très éloignés de cette peinture.
François Bhavsar – Les Amoureux douce soirée à trois – huile sur toile – 120 x 120cm
Outre le fait que la peinture suivante est du même auteur, il y a de nombreux détails dans cette toile qui méritaient que l’on s’y attarde. Tout d’abord, le plus évident est la situation de voyeurisme dans laquelle se trouve le personnage en bas à droite de la toile. Outre le fait que nous sommes comme lui, pris au jeu (au piège ?) dans la lecture de l’image, on ne peut s’empêcher de regarder la femme sous toutes ses coutures. C’est en la regardant dans son ensemble, avec ses reflets, que l’on comprend que les miroirs font échos à la scène en arrière plan. En effet, vous apercevrez au fond de la pièce un tableau qui représente lui-même les trois grâces qui est une figure devenue classique en art.
François Bhavsar – l’intimité de la femme – huile sur toile – 147 x 114cm
Avec cette toile, j’ai eu la sensation de voir une photo de magazine de mode. Si vous voulez vous en convaincre, feuilletez un périodique à grand tirage et vous trouverez forcément une jeune femme, à l’âge indéterminé, dans une pause faussement innocente avec un animal et un détail qui vous fera tiquer. La platitude de la peinture ne m’a pas forcement choqué, dans la mesure où cela apparaissait plus comme un choix que comme une lacune technique. Le regard de la fille autant que celui du cerf est hypnotisant, et avec cette toile on ne décroche pas facilement du regard des sujets.
Nathalie Bibougou – Cerf – huile sur toile
Cette image fait partie d’une série et partage avec les autres le même traitement infographique (?) qui donne l’impression que le corps se décompose sous la forme de pixels. Elle m’a rappelé une photo d’un corps de femme attribuée à Nefertiti qui émergeait du noir. C’est un peu comme si on nous signifiait que la beauté de tout temps s’est construite sur un rapport de proportion qui, au cours des siècles, n’a jamais vraiment changé.
Georges Dumas – Technique mixte sur toile – 100 x 80cm
En parlant de proportion, voilà un corps parfait dans l’oeil de l’artiste qui baigne dans la lumière et se présente au milieu d’une ruine médiévale. Le style n’est pas forcément identifiable et la scène reste classique, mais voilà une image qui a le mérite de résumer ce que beaucoup de photographes tentent de mettre en place depuis des années. C’est-à-dire un corps de femme dénudé, dans un environnement atypique, avec toujours cette volonté de l’utiliser pour nous délivrer un message dans sa forme la plus crue.
Casson Leor – Chamber 1 – photographie – 100 x 70cm
Le portrait, une figure classique mainte fois revisitée
Voici à nouveau l’artiste Fabien Delaube avec qui j’ai pu discuter lors du salon du GMAC de Bastille. Il était présent aux Hivernales avec une seule oeuvre. Une chance pour moi d’avoir pu voir l’ensemble de son travail. Si vous ne l’avez pas encore fait, prenez cinq minutes pour regarder l’ensemble de ses portraits sur son site web.
Fabien Delaube – RC – huile sur toile
Un portrait tout en texture et en matière qui émergeait littéralement de la toile. Il y a quelque chose d’étrange et de fantomatique dans cette oeuvre. Il y a une émotion palpable et un format qui ne vous laisse pas le choix : une fois devant, on se rapproche et on se recule en permanence, pour jouer avec ce qui est flou et ce qui est net.
Eric Javiol – Sinai – acrylique + huile sur toile 120 x 120cm
Les tableaux sont ici composés de plusieurs visages en carton qui deviennent ainsi des bas reliefs recouverts de peinture et d’autres matériaux. J’aime ici l’aspect original qui s’inscrit dans une démarche rare ainsi que l’implication de l’artiste à exprimer différentes matières, ce qui rend les oeuvres encore plus appréciables en vrai.
Dominique Perréard – Visages, village ardéchois – technique mixte
Ce tableau se nomme « la place du peintre », j’y ai vu pour ma part une référence à Shakespeare surement à cause du crâne et de la posture. Dans la série de tableaux que proposait cet artiste il y avait toujours ces formes colorées géométriques qui contrastaient efficacement avec le reste. Personnellement, j’aurais voulu le voir à coté du tableau que je présente en dessous, comme si j’avais besoin que l’on dispose les oeuvres non plus par auteur mais par opposition.
Olivier Poizac – La place du peintre
Ce tableau, tout en force et en puissance, nous emmène dans d’autres lieux, d’autres temps. En l’observant de loin j’ai cru qu’il était question d’une référence aux tableaux qui mettaient en scène Bonaparte en conquérant. Finalement, avec plus d’attention, on s’aperçoit surtout qu’il y a un travail sur la matière et la couleur. Ici, « la facture » de l’artiste traduit bien l’énergie au détriment de la précision du tracé du pinceau.
Christian Libessart – Cavalier blanc et argent – huile sur toile – 146 x 114cm
Des atmosphères qui oscillent entre cinématographie, onirisme et imaginaire
Ces peintures dégageaient une véritable douceur, et une sorte de quiétude semblait émaner de ces deux toiles. Même si l’on peut critiquer le choix de les avoir placées aussi près l’une de l’autre, leur disposition permettait de les apprécier à bonne distance.
Berg – La ville endormie – 130 x 130 cm – huile sur toile – Vagabondage- 130 x 130 cm – huile sur toile
J’aime ce décor à la perspective complètement déformée, voire exagérée, pour insister sur un angle de vue où l’on se sent à la croisée des chemins. Sur le moment, j’ai même pensé à la sensation que l’on éprouve quand on se retrouve devant le Flatiron building de New York. Dommage que cette oeuvre soit la seule présente, d’autant plus que l’auteur en a fait toute une série avec différents points de vue, tout aussi intéressants.
Xavier Froissart – Les routes de Babel – huile sur toile – 100 x 100cm
Une autre vision d’une ville en perspective avec cet effet de grand angle, mais cette fois-ci en sculpture. Il y avait un travail intéressant de matières et de textures sur cette oeuvre qui faisait partie d’une série.
Frédéric Daty – plaques d’acier rouillées, texturées, soudées entre elles
Je dois admettre que c’est le genre de peinture que j’aime parce qu’elle oscille entre fantastique et imaginaire. Une peinture simple et efficace avec une maitrise des détails que seule la vue de la toile originale vous aurait permis d’apprécier.
Quand le mannequin que l’on utilise pour apprendre à dessiner prend des airs de divinité cela donne une peinture sensible et colorée. Cette vision semble directement issue d’un rêve et on se plaît à imaginer la suite. Cette image a un pouvoir narratif assez fort pour suggérer le début d’une histoire.
Nestor Rakhshani – Cyrus – huile sur toile – 100 x 150cm
Comme d’habitude, j’ai réussi à trouver le plus bel arbre du salon. Celui-ci a cette particularité d’être composé de deux toiles de grande dimension. La répétition des motifs ainsi que le traitement de la matière et de la couleur donnaient à cette oeuvre toute une dimension contemplative. On se plaît à la regarder de longues minutes sans être dérangé et déboussolé, aussi bien par le fond ou la forme.
Jean François Larrieu – Le rouge et le noir – Technique mixte – 220 x 146cm – Dyptique
En conclusion, j’ajouterai que ce salon est un excellent événement qui gagne vraiment à être connu, plus qu’il ne l’est. N’hésitez pas à vous y rendre l’an prochain, vous ne serez pas déçu du voyage. Ce mois-ci il y a encore d’autres expositions et salons intéressants, vous serez bien évidemment les premiers témoins de mes prochaines sorties.
Aux Hivernales, vous avez pu voir les œuvres de
Jacques CAUDA http://www.erya.info/artistes/cauda/
et de Pierre PASSANI http://www.erya.info/artistes/passani/
Très intéressant comme « résumé » bien écrit de l’activité artistique.
agréablement surpris
Merci à tous pour vos commentaires.
Merci pour ce billet hyper intéressant Antoine. J’ai cliqué sur tous les artistes indiqués et je me suis régalée. Félicitations vraiment pour ce souffle créatif très stimulant. Bisous
Merci beaucoup « Sookee » j’espère que tu trouveras d’autres articles tout autant stimulants. See you soon 😉
Surprenante et captivante cette exposition à domicile ! félicitations pour les commentaires, merci Antoine
Merci Celine,
Il y en aura d’autres l’année prochaine et surtout je vais revoir une série d’artistes pour des portraits dont un sculpteur qui, à mon avis, en laissera plus d’un bouche bée ;-).
Je suis une artiste et j’ai participé aux 2 Salons les » Hivernales de Paris-Montreuil et je suis prête pour le 3ème. Suite à ces événements artistiques, maintes galeries vous sollicitent, mais quelle exploitation ! sur le dos des artistes ! Leurs contrats demandés et promesses à exposer à l’étranger etc… sont de telle sorte qu’ils ont un revenu sans soucis de ventes… et nous, nous les nourrissons, sans retour.
Constats et avertissements pour les artistes exposants.
Merci pour votre retour. Nous savons bien, malheureusement, que toutes les galeries ne sont pas équivalentes dans leur rapport avec les artistes. Vous avez raison de rappeler qu’un contrat doit être avant tout bénéfique pour les deux parties. Rien n’empêche un artiste de se faire assister par un avocat ou des professionnels des arts pour vérifier les spécificités de celui-ci.
Je viens de mettre en ligne deux répertoires gratuits dont le guide 2015 des 400 sites de salons, biennales, foires, festivals, symposium, marchés, ateliers portes ouvertes. Ils sont disponibles en libre téléchargement sur le site : http://www.active-art.net. Je vous remercie de partager et diffuser largement cette information.