Le salon Art Paris Art Fair démarre cette semaine, ce qui m’offre l’opportunité de vous en parler avant son ouverture, ce jeudi. Disons-le clairement, c’est un rendez-vous incontournable pour les professionnels des arts au sein de la capitale. En découvrant pour la première fois ce salon l’an passé, je ne m’attendais pas à un tel niveau de qualité des œuvres et surtout à une telle variété. Vous pouviez passer d’une galerie à l’autre et ainsi croiser du Soulages, du Combas, de l’Erro ou encore du Vasarely. Le tout bien évidemment face à des artistes contemporains qui, par le biais des différentes galeries, bénéficiaient tous de la meilleure des mises en lumière possible. Salon professionnel oblige, pas d’erreur d’accrochage ou de petites pièces mal choisies. L’événement fait surtout office de référence pour des investisseurs désireux de développer ou commencer leur collection. On comprend mieux alors pourquoi le catalogue des œuvres commence avec des grands noms de la peinture moderne pour aboutir à des artistes émergents coréens.
Il n’y a pas de fautes de goût possibles puisqu’il est clairement affiché ici que vous pouvez investir dans l’art. On ne s’attend donc pas à une clientèle équivalente à celle que l’on trouve dans d’autres foires ou salons plus conventionnels. Ce qui n’est pas une mauvaise chose en soi. Par exemple, en tant qu’artiste vous pouvez prendre la température en matière de création et voir les possibilités de mises en avant des galeries. Celles-ci ne souhaitant pas se tromper autant dans leurs propositions que dans leur communication, vous serez amené à voir des pièces moins provocantes et beaucoup plus « bankables », si j’ose dire. Cela ne veut pas dire non plus qu’elles seront moins originales qu’ailleurs. Les œuvres présentées le sont avant tout pour faire du commerce d’art, dans le sens noble du terme. Ce qui induit donc qu’il y a moins de conceptuel, moins de chaises accrochées au plafond et plus d’œuvres d’art qui s’inscrivent dans une tradition plastique et picturale.
Galerie Rabouan Moussion
Ceci étant dit, rentrons dans le vif du sujet avec une œuvre comme celle ci-dessous. Les caisses de munitions servent de base à une imposante carte du monde. En agissant de la sorte, l’artiste Dimitri Tsykalov ne masque pas une intention assumée de signifier le poids et la place de l’armement dans le monde. On regrettera certainement un travail plus fin dans la réalisation et une mise en volume plus percutante. Malgré tout, l’idée ne manque pas d’intérêt et pourrait nous pousser à en savoir plus sur l’artiste.
Speerstra Gallery
Pour les plus curieux de l’œuvre de Jonone ( un street artiste qu’on ne présente plus) vous pouvez toujours accéder à une galerie d’images présentant son travail dans une autre galerie en cliquant ici. J’avais en effet à l’époque pris le temps de me rendre dans une exposition qui lui était consacrée et qui montrait l’étendue de son savoir faire à une toute autre échelle.
Speerstra Gallery
Le découpage de papier peut prendre des accents d’orfèvrerie avec de la minutie, de la patience et surtout beaucoup de talent. C’est exactement ce qui nous était proposé avec les travaux d’Aurel Rubbish. Découpant le papier pour jouer avec les pleins et les vides, il nous amène à croire que ces œuvres de papiers pourraient être de la dentelle.
Galerie Hervé Perdriolle
Des tirages photos des œuvres de Seth (Julien Malland) étaient disponibles. Un autre moyen très en vogue actuellement d’amener le Street Art chez soi, à moindre coût. Les parisiens connaissent bien le travail de cet artiste que certains ont aperçu par exemple dans l’amphithéâtre de Belleville, ou encore au fil des rues parisiennes. De renommée internationale, il est souvent présenté comme un street artiste globe-trotter. L’ensemble des images présentées ne pouvait que confirmer cette idée.
A2Z Art Gallery
Hom Nguyen avec son œuvre « sans repères » nous entraine dans un univers où l’énergie du trait est au service de l’optique. Au plus proche, une succession de tracés énergiques marque la toile comme de nombreuses vagues d’expressions. Au loin, un visage se forme et prend vie par l’effet de ces milliers de coups de crayon qui le révèlent.
Il y avait aussi le travail d’Emeric Chantier que j’avais repéré il y a fort longtemps lors du salon Mac Paris de 2013. Vous pouvez toujours voir l’œuvre que j’avais aperçue lors de cet événement en cliquant ici. Ici, il présentait une œuvre intitulée « Colt ».
Galerie Da End
Lucy Glendinning avec « the thoughts I tried to keep » s’inscrit dans une tradition d’œuvres dérangeantes autant par leur niveau de réalisation que par leur présentation. Si certaines de ses pièces sont assez classiques dans leur aspect, l’artiste pose ses interrogations avec des réalisations plus curieuses comme cet enfant recouvert de plumes, et confortablement allongé à même le sol. Sans aucun doute l’une des sculptures qui a provoqué le plus d’attrait durant ce salon.
Hélène Bailly Gallery
La couleur et la matière sont des alliés de longue date dans la pratique artistique. Avec un diptyque comme celui-ci on comprend assez facilement pourquoi de nombreux artistes travaillent encore en développant cette démarche. Alfred Haberpoitner dispose d’un panel d’intervention assez large dans le champs artistique. Il est capable de réaliser des installations de grandes envergures comme des pièces plus conventionnelles, comme celle-ci. Aussi bien en sculpture que sur ce type de travaux, on reconnaîtra sa capacité à travailler sa surface par le biais d’une succession de gestes quasiment lisibles sur son œuvre. La couleur vient, quant à elle, réhausser un effet de volume déjà bien connu mais toujours autant appréciable à regarder.
Sundaram Tagore Gallery
On ne peut s’empêcher de penser à une substance liquide en observant cette sculpture de Zeng Lu . D’un point de vue formel, on a cette sensation de voir une forme de jaillissement de matière, figé dans l’espace. Plus on s’en approche, plus on prend conscience de la finesse d’un travail où les multiples espaces vides donnent vie à ce volume en dispersion. En parcourant le site de l’auteur, on notera que cet esthétisme est appliqué à d’autres œuvres. Et qu’à l’image de celle-ci, elles surprennent autant qu’elles enchantent.
Galerie Huberty & Breyne Bruxelles
Les galeristes proposaient sur leurs stands des valeurs sures aux travaux plus que reconnus. Manara, Ledroit, Druillet, Le chat de Geluck et Cadelo, auteur plus rare et confidentiel. Je me suis déjà étalé en long et en large sur mon appréciation concernant Olivier Ledroit, plusieurs articles sont présents sur le site pour en témoigner. Druillet fait partie de ces auteurs dont on attend encore la reconnaissance à une échelle muséale. Pour ce qui est de Manara et Cadelo, ils n’arrivent pas encore à mon avis à prendre cette dimension picturale que l’on attendrait d’auteurs aussi matures. Quant à Geluck et son chat, ils resteront un mystère à mes yeux pendant encore longtemps et les honneurs du bronze n’y changeront rien. Je reste malheureusement hermétique à son humour et à ses réalisations. Mais cela importe peu, puisque les ventes de ses ouvrages et de ses toiles lui permettent de vivre sans se soucier d’avis comme le mien.
Les références au peintre Klimt sont parfaitement intégrées au style d’Olivier Ledroit.
Geluck et l’adaptation de son chat en bronze
313 Art Project
Certaines perles viennent vous éblouir sans que vous sachiez vraiment pourquoi. Le travail de cette lumière au travers d’une représentation de cathédrale m’a littéralement hypnotisé. Avec cette peinture, Sooyoung Kwak aura réussi à nous transmettre cette vision onirique d’un lieu que nous connaissons tous. C’est peut-être aussi pour cela qu’il nous interpelle. En accordant à cet intérieur une dimension plus spirituelle par sa peinture, il donne à voir une autre réalité dans un espace où l’on vient souvent en quête de quiétude et d’apaisement.
Galerie Patrice Trigano
Les pin up de Mel Ramos sont connues à travers le monde. Voir l’une d’entre elles présentée ainsi fut assez surprenant. Sur le plan purement technique, la finition impeccable de la sculpture lui permet d’échapper à la comparaison avec une statuette publicitaire. Les dimensions comme le choix des couleurs la positionnent directement comme une pièce de choix. Du genre de celle que l’on peut entrevoir dans son salon sans froncer les sourcils. On remarquera aussi que, de face comme de coté, les volumes fonctionnent et les formes primaires qui s’imbriquent agissent comme le cadre parfait pour mettre en valeur un corps sublimé.
Galerie MAM
Il y a toujours une œuvre qui vient frontalement vous surprendre en cherchant surement à interpeller le fameux « regardeur ». Celui qui donne à l’œuvre plus de sens et de temps que le visiteur lambda qui s’arrête à la première couche de sens. Dans un premier temps, on a cette impression de tomber sur une caricature d’œuvre contemporaine. Ce type d’œuvre a tendance à vous figer pour en comprendre le sens, surtout quand elle bénéficie d’une qualité de fabrication. Bernardi Roig sait bien comment ajuster ses travaux pour que justement ils provoquent cet effet. Si l’artiste ne vous dit rien, ses réalisations et ses thématiques de travail sont, elles, bien connues et représentées dans de nombreux lieux dédiés aux arts contemporains.
Galerie Anouk Le Bourdiec
Très certainement l’installation la plus photographiée, vue et commentée du salon. Il faut avouer que tout était fait pour ne pas passer à coté. Avec un ensemble d’images d’adolescents en grand format et un positionnement directement orienté vers le passage, impossible pour les visiteurs d’y échapper. Le skateur gisant sur un socle de marbre prenait autant de place dans le stand que dans l’esprit des spectateurs interloqués, qui ne savaient pas s’ils devaient apprécier ou détester. La sculpture en hyperréalisme et ce lion que l’on pourrait penser empaillé pour le coup n’étaient clairement pas disposés pour plaire ou pour exprimer une forme de beauté particulière. Cependant, comme indiqué auparavant, on s’aperçoit rapidement que ce qui importe le plus en sculpture c’est le niveau de finition. A partir du moment où celui-ci est inattaquable, toutes les libertés vous sont permises. D’autres artistes contemporains ont parfaitement compris les rouages de cette mécanique artistique.
Rise and rise, until lambs become lion, The Kid,
Galerie Daniel Templon
L’artiste peintre Gérard Garouste nous propose deux sculptures avec un style aussi marqué et singulier que ses peintures. Si ces dernières ne m’ont jamais particulièrement touchées, ses sculptures par contre ne me laissent absolument pas indifférent. La trace assumée des mains dans la matière apporte un style que je trouve assez expressif et beaucoup plus marquant. La pièce ci-dessous reste à mes yeux la plus équilibrée des deux et certainement celle qui est le plus proche de ce que l’on trouve dans les collections de particuliers.
Galerie NeC – Nilsson et Chiglien
J’avais déjà aperçu les sculptures de Kim Simonsson aussi bien sur internet qu’en galerie. En voir une ici dans le salon n’était pas vraiment une surprise tant ces œuvres sont visuellement impressionnantes. Je ne peux que vous inviter à voir sur son site des images de ses sculptures prises en pleine nature. Car quand elles sont contextualisées, elles prennent une toute autre dimension et apparaissent comme des visions d’êtres échappés de contes modernes.
Bae Hyung Kyung
Si cette composition d’hommes debout fait furieusement écho aux « bourgeois de Calais » de Rodin, la référence s’arrête là. Le traitement esthétique des corps et la symbolique de l’œuvre du maître ne se retrouvent absolument pas dans cette pièce qui n’est autre qu’une œuvre réalisée par l’artiste Bae Hyung Kyung. Cette installation qui s’appelait « allusion » était un peu à part dans le salon, aussi bien dans ses proportions que dans sa localisation par rapport aux galeries. Elle permettait surtout de présenter le travail de cette artiste, présentée comme maître en matière de réalisation de bronze coulé en grandeur nature.
Erro
En présentant les tableaux d’Erro dans une allée du salon, il était possible de comprendre comment cet artiste (parfois décrié) a su s’imposer et durer malgré les effets de mode. En pleine période de tendances « Néo-Pop » et de surconsommation de super héros, son imagerie qui accumule les visuels colorés et les personnages de comics n’a pas fini de s’installer sur les murs des galeries.
Daum et le Street Art
La cristallerie Daum, internationalement reconnue pour ses reproductions de sculptures en pâte de verre, exposait sur un stand de nombreuses pièces. Elles étaient mises en lumière par une scénographie qui mettait l’accent sur l’aspect coloré et lumineux des œuvres. Les nombreuses réalisations ainsi présentées donnaient à voir la spécificité de la manufacture qui permet d’obtenir des pièces uniques à chaque tirage.
Les sculptures conçues en collaboration avec Jérôme Mesnager sont particulièrement bien pensées et réalisées. De la bonne taille et de bonne facture, elles permettent aussi bien d’illustrer le travail de l’artiste que de délivrer des pièces de bonne qualité. Pour comprendre le passage du mur au volume, vous pouvez d’ailleurs visualiser cette petite vidéo explicative.
Kongo
Kongo (Cyril Phan) a bénéficié lui aussi d’un transfert de son travail en trois dimensions. L’artiste est accoutumé aux lettrages et au travail sur la couleur. Il s’est donc naturellement orienté vers un objet qui fusionne aussi bien ses préoccupations que l’outil qui sert à tous les graffeurs depuis des décennies : la bombe. Exploitant les avantages du procédé qui a rendu la cristallerie célèbre, les tirages obtenus proposaient un très beau rendu graphique.
Comme vous avez pu le constater, Art Paris Art Fair est un salon qui vient jouer dans la cour des grands événements internationaux. Pour se faire, les galeries sélectionnées n’hésitent pas à faire côtoyer de grands noms à des artistes moins connus mais potentiellement remarquables. Pour vous faire une idée de l’atmosphère de cet événement, une petite vidéo vous offrira un regard sur les lieux. Si vous êtes intéressé par la session 2017, n’oubliez pas : ça commence demain 😉
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