« Léonard de Vinci en France » est une exposition qui a pris place au sein de l’ambassade d’Italie à Paris entre le mois de septembre et le mois de novembre 2016. Organisée à l’occasion du 500e anniversaire du voyage de ce génie en France, elle a su drainer autant de curieux que de passionnés d’art.
Très rapidement et dès la première salle, une toile vient à donner le ton. Ce tableau d’Ingres propose une vision fantasmée de la mort de Léonard, agonisant au Clos Lucé dans les bras de son mécène François 1er. D’autres documents et une vidéo venaient à parfaire cette introduction à l’univers de Léonard. Les salles suivantes présentaient successivement des tableaux de ses élèves ainsi qu’une surprise de taille… Avant de la présenter, commençons comme il se doit avec une œuvre qui, aujourd’hui encore, pose de multiples questions.
Le Christ – Gian Giacomo Caprotti – 1511
Qui était Salai pour Léonard de Vinci ? De son vrai nom Gian Giacomo Caprotti, Salai possède autant de variations de noms que de facettes dans la vie du maître. Amant, compagnon, ami fidèle, modèle, Salai était peut-être bien un peu tout cela en même temps. Intégré dans l’atelier de Léonard dès l’adolescence, il se présentera volontiers comme son fils adoptif. Pourtant, sa présence aussi bien dans la vie de Léonard que dans ses œuvres ne cesse d’alimenter la théorie d’une relation bien plus complexe.
Par exemple, ce tableau présenté comme réalisé par Salai est à l’origine d’un débat. Des études révèlent que la main du maestro est présente sous la couche de peinture. Qui est le véritable auteur de cette toile ? Salai ou Léonard ? Pour certains experts, il n’y a aucun doute que Léonard en soit le peintre.
Cependant, la seule certitude que nous avons, c’est que Salai n’a pas fini de faire parler de lui au-delà des toiles. Il a été récemment mis en lumière dans une bande dessinée, (cliquez ici pour en savoir plus) et d’autres thèses amènent l’idée de sa présence au sein même de l’un des tableaux les plus connus au monde.
Le dernier mystère en date, révélé au grand jour, concerne le visage de la Joconde. En 2015, on était persuadé qu’une seconde femme se cachait sous la représentation que nous connaissons aujourd’hui. D’autres affirment qu’il y a la possibilité d’une fusion de deux visages. A savoir celui d’une femme et celui de Salai. Pour densifier l’énigme, il faut savoir que la Joconde aurait été léguée à Salai à la mort de Léonard… Le pourquoi de ce don alimente bon nombre de discussions. Année après année, les technologies permettant d’analyser des pigments et de voir au-delà de la peinture nous offrent des éléments tangibles à la compréhension de la création d’une œuvre. Qui sait ce que l’année prochaine nous amènera comme révélations ?
Les œuvres qui suivent révèlent comment la technique (même quand elle est enseignée) ne permet pas l’automatisme du talent. Le traitement des attitudes, des expressions ou encore les détails de la couleur démontrent que les élèves n’ont jamais dépassé le maître.
Gian Giacomo Caprotti – Saint Jean Baptiste – vers 1510 / 1520
Atelier de Léonard de Vinci – Saint Jean Baptiste – vers 1508 / 1515
Les travaux bien que majestueux pèchent par leur manque de maîtrise. C’est surtout dans les expressions du visage que cela saute aux yeux. Il manque une maîtrise du geste qui permettrait au regard de « glisser » sur la toile. Ici, le regard se retient, la forme du visage dérange et de multiples détails indiquent qu’il s’agit d’une toile d’apprenti.
Flore – autrefois attribuée à Francesco Melzi maintenant à Bernardino Luini – troisième décennie du XVIe siècle
Le travail des plantes n’est pas de la même qualité que le reste de la toile. Sur place, la différence de finition était relativement flagrante. Il y avait comme une douceur globale de la peinture qui jurait avec le relief plus abrupt et moins souple.
Vierge à l’enfant avec l’agneau – Cesare Da Sesto – vers 1570
Leda et le Cygne – Francesco Melzi – deuxième décennie du XVIe siècle
De toutes les toiles, celle-ci était sans aucun doute la plus aboutie. Puissante par son format, elle cumulait les qualités d’une peinture de Léonard avec un niveau pictural bien au-delà du reste des tableaux. Le travail des végétaux en bas de la peinture, l’anatomie des personnages et le décor en plusieurs éléments sont à la hauteur d’une œuvre de cette période.
Il y a un détail intéressant à connaître concernant Francesco Melzi. Si ses œuvres sont difficilement identifiables, on lui connait un legs important de la part de Léonard. Avec notamment des carnets et des feuillets d’anatomie.
En 1523, Alberto Bendadeo écrit au duc d’Este, que Melzi possède « tels de ses carnets qui traitent d’anatomie et maintes autres belles choses. » Source : Wikipédia
Quand on regarde les corps peints sur cette toile, on en viendrait à s’interroger sur l’apport des documents de Vinci. Surtout quand on voit la facture de certaines peintures attribuées à Melzi. Sa peinture « Le Jeune Homme au perroquet » est censée dater de la même époque. Cependant, il y a un véritable fossé en terme de maitrise.
La peinture « Flore » présentée précédemment lui était autrefois attribuée. La version qui lui est aujourd’hui allouée est plus proche du niveau de celle présentée ci-dessous. Une nouvelle preuve de la prudence dont il faut faire preuve dans les attributions de toiles. Et surtout la mise en lumière d’une évidence, à savoir que nous ne pourrons jamais formellement savoir qui a peint quoi sans une documentation précise.
Leonardo da Vinci – La Scapigliata – 1503-1508
La surprise qui arrivait en fin de parcours était la plus petite des œuvres. Et pour cause puisqu’il s’agissait d’une peinture à l’aspect de dessin de Léonard. Très connu des amateurs d’art, ce petit portrait possède tout ce que l’on attend d’un dessin de Vinci. La mise en lumière si particulière avec cette texture et cette couleur que l’on attribue encore aujourd’hui systématiquement au maître. Il y a quelque chose de fascinant dans la vision d’une œuvre de cette facture. On se retrouve directement projeté dans une autre époque. Un temps où les maîtres de la peinture se livraient à des compétitions de haut niveau pour sublimer le réel et transposer des écrits religieux en œuvre d’art.
Cette production restera inachevée laissant un mystère de plus dans une biographie déjà bien chargée. Si vous avez la même curiosité que moi, vous pouvez toujours vous amuser à superposer cette illustration à d’autres portraits. Que ce soit ceux du peintre et parfois ceux de ses élèves, les similitudes sont surprenantes. En prenant par exemple le tableau Flore, nouvellement attribué à Melzi (cliquez ici pour le voir) la ressemblance du portrait est de 95%. Les 5% du maître amène la distinction qui fait le chef d’œuvre.
L’ambassade d’Italie est aussi un superbe ensemble de bâtiments comme on peut l’imaginer. Elle dispose d’une incroyable décoration intérieure rehaussée par un nombre d’objets et de détails impressionnants. De l’horloge à la cheminée, en passant par le travail des murs, tout en ces lieux faisait écho aux œuvres exposées.
Le génie de Léonard fascinera toujours tant il a fait preuve d’un incroyable talent dans de multiples domaines. Chacune de ses œuvres picturales est empreinte d’une dose de magie qui va bien au-delà de son caractère énigmatique. Chacune de ses créations bouleverse tant elle était en avance sur son temps. Malgré les limites techniques de son époque, Léonard a codé l’ensemble de son travail artistique en nous laissant démunis devant certaines interrogations.
Quand les chercheurs ne sont pas occupés à analyser inlassablement ses tableaux pour mettre à jour de nouveaux mystères, ce sont des originaux qui refont surface et dévoilent, si ce n’est des secrets, une incroyable passion internationale pour le maître. Pour en savoir plus sur la découverte de l’un de ses dessins originaux en France cliquez-ici. Si Léonard de Vinci restera pour beaucoup d’entre nous le plus grand génie de tous les temps, il demeurera avant tout l’un des plus grands personnages de l’histoire des arts et la figure emblématique du culte du génie, de la découverte et du secret.