Plus de 10 ans d’acquisition d’objets, plus de 11 000 visiteurs par an, plus de 3000 pièces inventoriées et un fond en constante évolution… voilà en quelques chiffres comment se présente le musée du verre de Carmaux. Plus qu’un musée, il faut aussi lui adjoindre le titre de centre de conservation et d’études, ainsi que celui de centre d’art qui s’autorise l’accueil d’artistes verriers en résidence. Pensé comme un espace dynamique qui concentre toutes les activités liées aux arts du verre, le musée de Carmaux gagne à être connu et visité pour les nombreuses raisons que vous allez découvrir tout au long de cet article.
Durant cet été, le musée proposait deux expositions importantes : la première ( « J’ai 10 ans » visible jusqu’au 30 novembre) rendait honneur aux dix années d’activités des lieux. La seconde présentait le travail effectué par deux artistes en résidences au sein des lieux pendant sept mois (« retour sur résidences » jusqu’au 30 novembre également).
Afin de pleinement vous imprégner de l’histoire de la création du musée, je ne peux que vous inviter à lire en détails les différents textes présents sur leur site internet. C’est une mine d’informations qui vous permettra de comprendre comment et pourquoi l’industrie du verre n’est pas localisée à Carmaux par hasard. Pour nous intéresser au vif du sujet, sachez que les bâtiments dédiés au musée prennent place dans un magnifique parc arboré, donnant une atmosphère intemporelle aux lieux. Une fois l’effet d’espace et de bien être passé, vous découvrirez le bâtiment principal qui s’organise suivant différents espaces distincts.
Le rez de chaussée propose des pièces accompagnées de larges panneaux qui vous indiqueront toutes les informations relatives aux objets exposés. Cette année, « j’ai 10 ans » de verres anciens se confrontait à « j’ai 10 ans » de verre contemporain. Une exposition de qualité qui, à l’aide d’objets divers dont certains présentés pour la première fois au public, dresse un panorama haut en couleurs d’une production passée et moderne.
En observant les deux objets qui vont suivre, on a du mal à imaginer à quelle époque ils ont été réalisés. Et pourtant, leur date de conception risque bien de vous surprendre…
Bouteille dite « à penne », première moitié du XVII ème
Gourde dite « Réniforme » , milieu du XVII ème
Des pièces assez imposantes sont disposées de part et d’autre d’un parcours qui vous initie en douceur aux possibilités sans fin qu’offre le verre en matière de création. Que ce soit à l’aide de volumes simples ou de formes complexes, les premières créations que vous rencontrerez vous guideront dans un univers où le verre ne se présente pas forcément de manière traditionnelle.
Laetitia Andrighetto & Jean-Charles Miot – « Les Accasties_Morgan Memoria » – 2013
Avec ce genre de composition, on est tout de suite dans une mise en espace plus proche de l’installation contemporaine que de la présentation d’objets manufacturés de manière artisanale. Durant votre visite, vous serez amené à percevoir la variété des arts du verre, et c’est grâce à ce type de mise en volume que votre intérêt sur le sujet deviendra croissant.
Nathalie Massenet-Dollfus – « Samare » – 2015
Des choses assez surprenantes et peu communes vous amèneront à vous rapprocher des œuvres comme cette réalisation en hommage aux différents règnes de la nature. Elle se compose de verre soufflé, de buis, d’osier, de fil de soie et de graines d’anémone pulsatiles. Un mélange peu conventionnel en somme pour obtenir un objet atypique.
Un long couloir vous guidera vers le sous-sol, sans omettre de vous présenter d’autres créations.
Antoine Brodin – « Birdy Red » – 2014
Des œuvres aux accents mystiques côtoient des pièces à l’esthétique travaillée dans un esprit plus décoratif. Avec cette création, on a dans un premier temps l’impression d’être face à un vestige archéologique d’origine tribale, puis la composition et la texture du verre viennent nous conforter dans la modernité de ce travail d’une grande finesse. Les plumes apportent un brin de poésie, amenant l’ensemble à gagner un peu plus en mysticisme.
Un petit zoom nous dévoile tout le travail de découpe des formes du verre.
Yves Braun – « Fluofruit » – 2013
Impossible pour moi de ne pas penser aux luminaires de style Art Déco en observant cet objet lumineux non identifié. C’est à la fois simple et efficace comme un objet purement décoratif. Personnellement, c’est le genre d’objet que je trouve inspirant pour peu que l’on soit assez créatif pour l’imaginer dans différentes variantes.
Le sous-sol est une magnifique cave voutée qui présente aussi bien les œuvres réalisées durant la résidence d’artiste qu’une partie du fond du musée. Dans l’image ci-dessous, vous pouvez voir se confronter les productions des deux artistes qui ont effectué leur résidence l’année dernière.
Antonin Funes – « Jungle Glass » – 2015
En prêtant attention à ces vases, j’ai l’impression d’y voir un mélange de couleurs similaires à celui d’une palette de peintre. Le mouvement et les passages multiples de différentes nuances ajoutent autant au mouvement qu’à la sensation de trainée d’un pinceau. L’irrégularité des vases n’est pas surprenante car, avec un peu de recul, on perçoit bien dans les pièces un rythme qui évoque l’emprisonnement de ces vagues de couleurs.
Bastien Thomas – « sans titre » – 2015
Il y a dans ce travail quelque chose de dérangeant, des formes grossières sur lesquelles viennent s’apposer des traces régulières et soignées. On est vraiment dans une dimension de recherches formelles et visuelles où l’important est de susciter la curiosité autant que la réflexion. Tant dans les vases que dans ce qui ressemble à des galets géants, il y a ici un travail qui appelle un peu plus au contact physique qu’au contact visuel. J’en regretterais presque de ne pas avoir eu la possibilité de les tenir en main, car c’est justement l’envie que j’ai eu en les observant.
Dans l’espace qui suit la présentation des artistes accueillis, le fond du musée est en présentation avec des créations aux styles variés.
Yann Zoritchak – « G20 » – 2010
Dans une œuvre comme celle-ci, on s’attardera surtout sur cette forme humaine qui émerge de ce volume extrêmement plat. Les contours de l’homme et son relief taillé dans la masse prennent des aspects fantomatiques avec la transparence du verre.
La forme exagérée du corps donne cette impression d’un être qui chercherait à se libérer de son carcan de verre.
Yan Zoritchak – « Eclipse » – 2000
La régularité des formes de pièce comme celle-ci donne une dimension sculpturale et témoigne d’une excellente maitrise pour réussir à créer ce type de relief. La monochromie de l’ensemble permet à la lumière de chercher des nuances et des variations qui se distinguent les unes des autres en fonction de votre placement devant l’œuvre.
Denise Geisen – « Banyan – Arbre de Vie » – 2011
On peut proposer une forme régulière voire classique et la travailler en interne avec beaucoup plus de subtilités qu’il n’y parait. Cet arbre débordant de vitalité et de lumière laisse ses ramifications s’échapper de son réceptacle comme en témoigne les traces sur le bouchon.
C’est en agrandissant l’image que l’on découvre cet enchevêtrement de lignes et de traitement de surfaces différentes.
Suzanne Philidet – Parce qu’il est là – 2013
L’image ne rend pas honneur à cette pièce qui ressemblait à un véritable tableau abstrait. Une fois de plus, la taille et la technique interpellent et c’est justement tout l’intérêt de ce musée du verre. En présentant un ensemble varié d’œuvres, on découvre pièce après pièce d’insoupçonnables orientations esthétiques.
En passant d’un couloir à un autre, on s’aperçoit que la scénographie est superbement mise en valeur. Tout a été pensé pour valoriser toutes les œuvres d’art, du sol au plafond.
Installation de Sandrine Isambert
Poésie, lyrisme, lumière et scénographie sont des mots qui vous viendront spontanément en tête, en découvrant des espaces distincts dont l’agencement est une invitation perpétuelle à la contemplation.
L’aspect commun du couloir central dissimule la volonté de présenter des pièces au sein de niches creusées dans les murs.
Florian Rosier – « Entre ciel et terre » – 2011
Simon Muller – « sans titre » – 2011
Monique et George Stahl – « Le vase aux glycines » – 2013
Régis Anchuelo – « Boîte à prière » – 2013
Régis Anchuelo est un artiste dont j’avais déjà parlé ici, (pour lire l’article cliquez ici) Vous pouvez même voir une vidéo le mettant en scène dans l’article qui lui est dédié. On retrouve donc assez naturellement ici une de ses œuvres qui est, comme l’ensemble de son travail, de toute beauté.
M. Jacques Bonnafous – sans titre
J’ai pris l’habitude de voir des mains dans différentes matières. Ici, en verre et avec ce traitement, j’admets que c’était une première.
Roberto Avila – In Vitro – 2007
L’apparition du fœtus emprisonné dans un bloc de verre me renvoie automatiquement à la science fiction. Cependant ici, il y a à la base de cette pièce une forme de visage qui ajoute une dose de mystère à une réalisation fortement référencée.
Anne-Claude Jeitz & Alain Calliste – « Maison des souvenirs » – 2010
Le travail sur cette pièce est tellement fin que je me suis laissé prendre pendant plusieurs minutes à chercher dans les détails le processus de fabrication. On retrouve dans ce type d’œuvre toute la démarche d’auteurs désireux de réaliser leur pièce maitresse. Exposée comme une véritable vitrine d’un savoir faire, elle donne à réfléchir quant aux réalisations que l’on peut obtenir quand l’expérience et le talent s’accordent pour l’envisager.
Un espace entier est consacré à l’histoire du verre et aux acteurs qui ont participé à l’histoire de la région.
Une fois encore différents objets se côtoient sans se ressembler, à l’image de ce redresseur de vapeur de mercure…
L’autre bâtiment du musée est l’atelier des souffleurs de verre.
Le processus de réalisation d’une pièce ne s’effectuant pas en cinq minutes, des sièges sont à la disposition des spectateurs. Vous pouvez poser toutes les questions possibles aux souffleurs en résidence, afin de bien comprendre la notion de température de fusion, par exemple.
En conclusion, ce musée mérite le déplacement surtout si vous n’y connaissez rien et que vous n’avez jamais vu la technique de création du verre de vos propres yeux. Il y a de quoi voir pour tous ceux qui sont passionnés par des formes d’arts qui ne bénéficient pas de la même couverture médiatique que les autres. Les arts du verre à Carmaux sont plus que mis à l’honneur dans une région où Arts, Histoire et Industrie sont intimement liés. Le Tarn possède de multiples trésors et richesses de ce type. Il ne tient qu’à vous d’accepter de prendre la route pour aller à leur rencontre.
très joli musée visité en juin 2004 avec mes parents!!
une merveille MERCI