Exposition Lego, The Art Of Brick 2015 : un bel exemple de Créativité ou un joli coup Marketing ?


Je sais bien ce que vous vous dites : « mais qu’est-ce qu’il a été faire là dedans ? … » C’est bien la première question que je me suis posé quand j’ai compris que l’exposition avait lieu dans l’un des plus petits halls du parc des expositions de porte de Versailles. Passé cet état d’étonnement, c’est le petit garçon qui m’accompagnait qui m’a rappelé pourquoi j’étais là avant tout : permettre à un enfant d’appréhender l’art d’une manière complètement différente. En utilisant la brique de Lego, Nathan Sawaya a voulu démontrer quelque chose. Ce que tous les autres artistes ont fait avant lui, c’est-à-dire exprimer un message puissant à l’aide de briques afin que l’on puisse oublier qu’il s’agit de pièces de jeu.

 

Nous voilà arpentant les très sombres passages de cette exposition planétaire qui ravit petits et grands à travers le monde. Elle est tellement exceptionnelle, cette exposition, que l’on en viendrait presque à oublier le battage médiatique qui tourne autour. Mon petit neveu me glissera gentiment que, dans son école, l’affiche trône en bonne position afin d’inviter tous les enfants à s’y rendre… Tiens tiens, je me demande si on a permis la même politesse à l’affiche d’autres expos. Peu importe, j’arrive à me convaincre que je vais en avoir plein les yeux et que je vais découvrir des pièces d’un niveau jamais atteint. On parle ici de Nathan Sawaya, un artiste Lego Certified Professional, capable de vous reproduire la Victoire de Samothrace ou le penseur de Rodin « les doigts dans le nez ».

 
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Cash Machine

 

Dès l’entrée, vous savez à quelle sauce vous allez être mangé : 16,50 euros la place. A ce tarif, j’ai demandé si une boite de Lego était offerte. Soyons sérieux, on sait la part de la communication dans le prix du billet. Je ne me souviens pas, de mémoire, avoir payé une place d’exposition aussi chère de ma vie. Même le salon de l’auto, plus grand salon auto au monde, n’a pas osé le même tarif sans proposer de réduction. Ici, on vous propose « The Art Of Brick » à gauche pour 16,50 euros et « la grotte de Lascaux » pour 15,90 euros à droite. Il n’y a que sur Paris où une famille peut, le temps d’une exposition, dépenser en une heure le budget d’un week-end à la campagne. Bref, la vaccination tarifaire effectuée, on accède aux oeuvres après une introduction « à la Disney » de l’auteur sur écran géant. Les tarifs de l’énergie ayant drastiquement augmentés, pensez à vous équiper d’une lampe torche pour ne pas vous casser la jambe sur du mobilier.

 

Les photos que j’ai prises affichent 1200 à 1600 ISO au compteur… Les photographes comprendront. Pour les autres, j’ai tout simplement cru que je m’étais trompé d’entrée et que je visitais une grotte. C’est ce qui est assez paradoxal avec cette exposition. Tout est fait pour que vous vous preniez en photo à coté des œuvres, mais rien n’est fait pour les prendre en photo correctement. On vous précise d’emblée que toutes les photos sont possibles à partir du moment où c’est sans flash. Les amateurs d’images, amoureux de leur smartphone, ont enfin compris la différence entre un appareil photo et un téléphone. Les photos floues et illisibles peuplent le net. Ce n’est pas un effet de style, mais un éclairage des lieux néfaste à tous les appareils qui ne sont pas adaptés aux prises de vue de nuit.

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Peu importe le vin pourvu qu’on ait l’ivresse ?

 

On pourrait débattre longtemps sur l’intérêt même d’une telle exposition. On pourrait reprocher mille et une choses, tant il y a moyen de transformer une exposition de sculptures en briques Lego en une expérience inoubliable. En réalité, au bout d’un moment, votre cerveau accepte le support « Lego » et vous commencez lentement à adhérer aux œuvres plus matures et moins « m’as tu vu ». On tombe sous le charme de la pose et de certaines compositions. On apprécie le choix de se moquer de la taille des sculptures et de produire tantôt de grandes pièces tantôt des productions plus petites.

 

Mon seul et véritable regret est dans le manque d’innovation dans l’utilisation des briques. Lego est une marque qui propose des briques de toutes natures et Nathan Sawaya a utilisé des briques de Lego comme il aurait pu utiliser n’importe quoi d’autre au vu du résultat. Si j’avais vu des pièces motorisées ou des œuvres interactives voire « intelligentes » qui réagissent devant le spectateur, j’aurais applaudi des deux mains. Il me restera surtout de cette exposition une volonté de démontrer un savoir faire établi et une machine de communication aux moyens hors norme.

 

Pour un adulte qui serait passionné d’art, cette exposition manque cruellement de complexité et de profondeur aussi bien dans les sujets que dans les représentations qui sont bien trop basiques. Beaucoup d’œuvres sont des copies d’œuvres, réalisées en Lego. Reconnaitre la Mona Lisa est bien sympathique pour initier les plus jeunes mais l’est beaucoup moins quand on l’a déjà vu en vrai. La réaction des enfants par contre est intéressante… dixit mon neveu :

 « Regarde Tonton, si tu plisses les yeux tu pourras reconnaitre le tableau de Mona Lisa ! »

 

Je ne vais pas vous expliquer l’histoire derrière chacune de ces œuvres. Elles ont toutes leur « story telliing », leur nombre de pièces, poids, taille et heures de réalisation. J’admets qu’en vous révélant un nombre de briques et un nombre d’heures une partie de la magie disparaitrait. Un peu comme si on vous donnait les indications présentes dans les modes d’emploi fournis dans les boîtes de la marque pour reproduire les œuvres. On n’a jamais vu un sculpteur vous donner le nombre de kilos de matières premières, de moules ou toute autre information à la réalisation de son œuvre. Qui sait combien de pièces « César » à compresser dans ses sculptures ?

 

Je vais vous laisser observer, comme n’importe quel spectateur, ces quelques pièces qui pour moi n’étaient pas assez nombreuses au vu des promesses de l’exposition. Mais à la décharge de l’auteur, on se souviendra qu’il ne les reproduit pas et que chaque pièce est unique. Quand elles sont vendues, elles sortent de sa collection.

 

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La matière première ne vous permet pas d’offrir une touche véritablement personnelle à une œuvre. Il est impossible de discerner de manière claire et précise des œuvres différentes d’artistes certifiés par Lego. La cause principale est une méthode de construction qui vous permet de représenter un sujet de la manière la plus mécanique qui soit. Quand bien même, parfois certaines œuvres tentaient d’approcher une représentation plus personnelle. Il manque toujours le « petit » truc en plus qui vous ferait adhérer pleinement à ce que vous voyez.

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Sortez par la boutique

 

Forcément, la sortie s’effectue par un magasin de jouets, mais curieusement celui-ci n’est ni démesuré ni aussi efficace qu’une boutique de musée. A croire qu’il est là surtout pour mettre en avant un partenariat avec la marque plus que pour détrousser des parents trop généreux. Au final, ce que je retiendrai par dessus tout de cette exposition c’est le sourire de mon neveu de 10 ans capable de reconnaître un Rodin, un cri de Munch et une Mona Lisa en citant Léonard de Vinci. Je ne vous raconte même pas à quel point il ne décrochait pas d’un vitrail, comme tous les enfants présents. Finalement, notre système scolaire n’est peut-être pas si défaillant que ça sur le plan culturel.

 

« Art is not optional »

 

Est-ce que j’irais jusqu’à dire que cette exposition ne casse pas des briques ? Je m’attendais à des pièces plus fortes, plus impressionnantes et surtout peut-être plus créatives. Un peu à l’image du travail de Claire Healy et de Sean Cordeiro. Vous pouvez voir leurs travaux en vous rendant sur ce lien. Cependant, on peut voir cette exposition de plusieurs manières. La première serait de la visualiser comme la plus belle opération commerciale jamais réalisée depuis l’exposition Jeff Koons. La seconde c’est que l’on pourrait imaginer non pas cette exposition comme la présentation d’œuvres d’art à partir de briques, mais plutôt comme la présentation du parcours d’un homme qui a tout fait pour exprimer ce qu’il pensait être la personnalité la plus juste.

 

Le plus important dans cette exposition ce ne sont pas les sculptures en elles-mêmes mais le personnage de Nathan Sawaya. Nous ne sommes pas en présence ici de quelqu’un qui aurait 30 personnes travaillant pour lui. Nous sommes en présence d’un ancien avocat qui milite pour la diffusion de l’art aux Etats-Unis et qui réalise seul l’ensemble de ses œuvres. Les nombreuses interviews et conférences qu’il donne vont toutes dans la même direction. Il désire avant tout démocratiser les arts et surtout rendre accessible des œuvres d’art classiques aux enfants américains. N’oublions jamais que tous les pays ne délivrent pas des pass gratuits pour accéder aux plus grandes collections d’art du monde.

 

Je vais conclure cet article par deux vidéos qui, à mon avis, méritent votre attention si, bien entendu, vous maitrisez la langue de Shakespeare. Nathan Sawaya y raconte son parcours, comment on l’a découragé à pratiquer son art et comment il a réussi à construire une carrière en réalisant successivement des commandes puis son exposition. Ses nombreux échecs face aux galeries qui ne l’ont pas pris au sérieux ne seront pas sans rappeler le combat de nombreux auteurs ici. Et je vous avoue que le personnage peut se montrer inspirant à plus d’un titre quand on regarde sa conférence. A défaut de m’avoir pleinement convaincu avec son art, c’est définitivement sa vision qui m’a séduit. Au vu des résultats de la diffusion de ses créations à travers le monde, il n’y a aucun doute quant à la réussite de son projet de fondation au bénéfice de la diffusion des arts. Pour en savoir plus sur sa fondation cliquez ici.

 

 

 

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