Il y a bien longtemps que je souhaitais vous exposer les nombreuses dérives présentes sur les réseaux sociaux. J’avais dans cet objectif cumulé des notes pour vous montrer les pièges à éviter sur Facebook et comment bien utiliser les plateformes de partage en tant qu’artistes. Puis, soudain, en passant d’un fait divers à l’annonce d’un développement des applications de vidéo en direct, je me suis posé plusieurs questions sur l’aboutissement de toute cette frénésie. Et si tous ces outils nous mettaient en danger, sans chercher de solutions concrètes pour y remédier ? Les plus jeunes utilisateurs ne sont-ils pas ceux qui risquent, à long terme, de payer le prix fort pour leurs « imprudences sociales » ? Qu’en est-il vraiment de toutes ces innovations technologiques et de leur intégration dans nos mœurs ? Avons-nous réellement estimé toutes les conséquences de ce déballage en règle de nos vies privées ? Voilà en substance les idées qui m’ont traversées l’esprit ces derniers jours. Ceci est mon premier texte issu d’une longue réflexion sur l’hypersexualisation dans notre société moderne. Je vous invite donc à lire mon constat sur l’utilisation croissante d’une application préoccupante sur plus d’un plan : Periscope.
Periscope : quand votre vie privée intéresse un public
L’enjeu des réseaux sociaux réside dorénavant dans la vidéo en live. Avec Periscope, il y a cette belle idée qui promet par exemple de partager un grand moment sportif avec des fans, ou encore de vivre des événements exceptionnels sans filtres et en direct, afin de mieux en ressentir la ferveur du moment. Aussi surprenant que cela puisse paraitre, vous êtes aux commandes d’une véritable chaine de télévision. Oui, vous qui lisez cet article, vous pouvez lancer votre chaine, avoir vos abonnés, vos fans et construire un réseau qui provoque l’inquiétude des plus grands réseaux mondiaux de diffusion. Vous pouvez avec un simple téléphone devenir reporter d’un soir, et couvrir « les nuits debout », infléchissant ainsi sur le discours des médias. Vous pouvez aussi partager un quotidien idyllique, comme ce kayakiste qui effectue sa traversée au milieu des dauphins.
Les artistes, qu’ils soient musiciens, peintres, sculpteurs ou encore performers, peuvent lancer leur show et bénéficier du monde comme témoin de leurs représentations. Les possibilités de diffusion semblent alors infinies. En se laissant tenter par cette offre, je vois tous les jours des musiciens organiser des concerts dans des petites salles et autres lieux plus atypiques. J’ai ainsi pu écouter une musicienne qui jouait dans la rue et qui a cumulé 26 000 spectateurs en 4h de session… Pour info, le Palais Omnisport de Paris Bercy c’est 20 000 personnes au maximum. Je remarque aussi que des artistes mettent en ligne leurs petits tutoriels ainsi que la réalisation de leurs dessins en direct. Periscope vous met à l’aise en vous donnant l’impression d’être dans le même espace que ceux que vous suivez. Et pour le coup, je me suis moi même imaginé vous intégrer dans mes incursions muséales, dans des vernissages de galeries ou encore dans les différents ateliers que je fréquente.
Vous souhaitez visiter une exposition commentée à New York ? Le compte officiel du New Museum vous le permet avec Periscope.
L’offre étant trop alléchante, j’ai observé pendant quelques jours à différents moments de la journée, quels sont les utilisateurs réguliers de l’application. Et c’est à ce niveau que la musique change d’un coup, car beaucoup trop d’enfants lancent des sessions et surchargent un contenu désorganisé. Il y aussi un grand nombre d’utilisateurs qui confond les lives de Periscope avec des webcams show d’actrices porno. Ce qui m’a amené à croire qu’une grande partie du public (français) de Periscope est définitivement à la recherche d’autre chose qu’un divertissement sain. Et je vais m’employer à vous décrire très précisément pourquoi.
Une belle histoire qui pourrait finir en cauchemar
La véritable histoire du succès de ce logiciel en France commence avec « l’affaire » Serge Aurier (cliquez ici pour en savoir plus), une conversation insultante partagée en live qui est devenue virale. En très peu de temps, une application que peu de gens connaissaient en France est soudainement devenue la première de sa catégorie, impliquant par la même occasion l’inquiétude des médias traditionnels. Les journaux relayant l’information en continu ont participé à la plus grande campagne promotionnelle pour Periscope, sans s’en apercevoir. Proposant un potentiel marketing sans équivalent en affichant 10 millions d’utilisateurs (mondiaux) au compteur, ce sont les mêmes médias qui s’inquiètent de cet insolent succès. Et surtout, qui s’interrogent sur le devenir de cet outil concurrentiel, plébiscité par la catégorie qui se désintéresse massivement de leurs programmes télévisuels : les jeunes. En offrant la possibilité à tous de lancer des programmes sans filet, sans contrôle professionnel et sans véritable outil de régulation, les créateurs de l’application Periscope ont ouvert une boîte de Pandore que l’on ne pourra plus jamais refermer, et encore plus difficilement contrôler.
L’illusion de l’éphémère
Les ennuis avaient déjà commencé avec des applications comme Snapchat. Grisés par l’idée de créer des messages qui s’effaçaient automatiquement, les utilisateurs sont passés du sexto (MMS de selfies nus) aux « nudes » qui sont des messages sous forme d’images ou vidéos plus salaces. Autrement dit, c’est comme de passer d’un extrême à un autre. Le système clé de cette messagerie instantanée qui se targuait de ne rien conserver est une illusion. Le concept de message éphémère n’a aucune place dans le monde numérique, car rien de ce que vous partagez ne s’efface. Les applications qui ont suivi le lancement de Snapchat permettaient par exemple de sauvegarder tout ce que l’on vous envoyait. Les jeunes les plus débrouillards n’hésitaient pas alors à enregistrer les messages instantanés à l’aide d’un autre mobile…
Une application d’un ennui mortel…
L’objectif d’une grande partie des utilisateurs de Periscope semble se cantonner à tuer l’ennui ou encore à rencontrer des personnes de leurs environs. Beaucoup d’adolescents cherchent à briser leur solitude, voir les sujets tabous au sein des discussions. Action ou vérité, un jeu que nous avons tous pratiqué plus jeunes, se diffuse donc sans retenue. Cela permet ainsi de recevoir des cœurs (équivalents des likes de Facebook), de la visibilité, des commentaires positifs… en clair tout ce qu’un ado recherche en général pour gagner en confiance en soi. Avant de porter un jugement sur l’intérêt de tout ça, n’oubliez pas que pour les plus jeunes la notion de défi est l’un des enjeux principaux du logiciel. Donc, tant qu’un nombre important de personnes n’est pas connecté, rien ne se passe. Pour meubler cette attente, c’est un flot de commentaires obscènes qui inonde l’écran, démontrant la patience de ceux qui attendent avant l’accomplissement de quoi que se soit.
La maison, ce refuge qui pousse les utilisateurs à l’excès
N’importe quel internaute bien au chaud derrière son écran se sent en confiance et comme protégé de toute forme d’agression. Cela entraine une prise de risque croissante qui débute assez rapidement par la révélation d’informations personnelles. On commence toujours doucement à montrer son environnement, puis vient le moment où les langues se délient de plus en plus facilement. Tu viens d’où ? Tu fréquentes quels endroits ? Tu vis seule ? Où sont tes parents ? Voilà en substance comment une flopée de questions vous amène à vous dévoiler au fur et à mesure d’une conversation. Cependant, avant d’aller plus au fond de ce problème, commençons méthodiquement. En l’espace de quelques heures d’utilisation, à différentes heures de la journée, le tout réparti sur trois jours, voilà ce que j’ai pu remarquer.
Le sexe est « LE » sujet de référence. Pour le coup, pas de surprise de ce coté là. Les mineurs sont en surreprésentation et doivent répondre aux mêmes questions posées en boucle à savoir : T’as quel âge ?, Tu vis où ?… ensuite, viennent rapidement toutes les questions liées à toutes les formes de pratiques sexuelles. Jusqu’ici vous pensez qu’il n’y a rien de surprenant… Sauf que lorsque des mineurs se connectent ils le font en groupe. En 2016, on retransmet ses soirées pyjama, c’est trop cool… Donc j’ai pu apercevoir des jeunes filles avec leurs petites soeurs (moins de 10 ans) à qui on posait des questions en boucle du genre : « tu suces ». La décence étant de mise ici, je vous laisse imaginer la variété des propositions soumises, rappelons-le encore une fois, à des enfants ! La variété s’applique aussi aux différents groupes : grande soeur et petit frère, mère et fille, mère et groupe de filles etc… Pour les questions, les variations se situent au niveau (de la ceinture) de l’instruction des spectateurs et de l’entrée en matière, sans que l’objectif change pour autant.
Il n’est pas difficile d’imaginer que la poésie est loin, très loin sur Periscope. Elle se situe dans la même galaxie que la courtoisie et l’estime de soi, pour être précis. Une femme et sa jeune nièce (en 10min, sa localisation et d’autres détails personnels ont été évoqués à haute voix) ont improvisé une danse lascive après que la plus âgée ait changé de vêtements. Celle-ci, trouvant son haut encombrant et sa jupe trop gênante, finira en soutient gorge et micro short. Elle indiquera à tous qu’elle ne connait Periscope que depuis peu… YOLO (You Only Live Once) qui signifie « On ne vit qu’une fois » est une expression bien connue des plus jeunes. Alors pourquoi diable s’enquérir du qu’en-dira-t-on ? Deux adolescentes en attente de défis se laisseront prendre au jeu. L’une d’elle montrera ses fesses (YOLO ! ?) à l’audience qui naturellement en demandait plus. Ce qui n’est rien comparé à cette jeune femme qui commencera par montrer son décolleté, puis changera naturellement de tenue pour mieux découvrir sa serviette de bain et laisser apparaître sa poitrine. Surpris ? Allons, il faut vivre avec son temps.
Le nombre 378 indique le nombre de spectateurs à ce moment-là. Le signe de pause sur l’autre image vous montre que l’on peut consulter à nouveau la vidéo pendant un temps défini une fois celle-ci terminée…
J’ai le souvenir d’une adolescente dans un reportage s’exprimant ainsi : si je ne vais pas sur Facebook c’est comme si je n’existais pas. Vous imaginez un seul instant dans une construction identitaire la possibilité de diffuser et de recevoir des milliers de messages chaque jour en direct ? J’ai vu des jeunes filles recevoir plus de cinquante messages injurieux en moins de 2 minutes parce qu’elles « ne correspondaient pas » à la norme. Et si elles ont le malheur de ne pas se déshabiller, c’est l’enfer sur Terre et je pèse mes mots.
Je précise que les hommes font preuve d’une grande finesse en présentant directement leur sexe, ou en indiquant par une phrase sans équivoque ce qui se passera si vous cliquez sur leur discussion. Je pourrais énoncer des dizaines de situations tellement invraisemblables que vous penseriez que j’exagère. Et pourtant, je ne peux même pas vous montrer ce que j’ai vu tellement les gens se lâchent, et cela peu importe leur âge. Periscope peut vous mettre dans une situation assez proche du voyeurisme, et ne vous laisse aucune possibilité d’aider ceux qui prennent des risques. Pour exemple, les plus jeunes filles donnent tellement d’informations que je ne serais pas surpris de cas d’enlèvements directement au sein des domiciles. Elles sont d’ailleurs les plus en demande de rendez-vous et de prises de contact direct.
Une défaillance de taille pour la sécurité : la Géolocalisation
Le vrai défaut de cette application reste quand même la notion de Géo-localisation. Qu’une mère et sa fille décident de danser en culottes devant des internautes soit devenu une norme mondiale d’amusement, c’est une chose. Qu’une application indique clairement comment et où les trouver en est une autre. Si on réfléchit tous deux minutes à la notion de pudeur qui n’est plus la même depuis quinze ans, à la notion de discrétion qui est devenue au mieux un défaut au pire une insulte, qu’en est-il du droit à l’anonymat ? Faut-il accepter de laisser la possibilité à n’importe qui d’obtenir votre adresse avec tout ce que cela peut impliquer derrière ? Les profils de Periscope indiquent un plan très précis des endroits d’où sont lancées les sessions. Un simple zoom avec vos doigts vous donne une précision à quelques mètres de l’endroit d’où la vidéo est effectuée… Je n’ai encore lu nulle part que cette option (que l’on peut pourtant désactiver) était dramatique pour les utilisateurs.
Extrait d’une discussion : un homme pose une question « je peux te rejoindre dans ta chambre comme tes parents ne sont pas là », la jeune fille répond : « viens si tu veux » . A votre avis, à la suite d’un tel échange, quel est le pourcentage de chances pour que tout se passe bien ? N’oublions pas qu’en ce moment beaucoup de jeunes pensent à tord que si vous vous exposez, vous ne méritez pas le respect. Les nombreux adolescents qui ont fait les frais de cette stupide maxime, n’avaient pas installé une application dans l’objectif d’être agressés. Il faudra bien rapidement mettre en place une série de messages incitant les utilisateurs à ne pas communiquer leur véritable nom dans leur profil pour commencer. Ensuite, ce qu’il faut savoir c’est qu’en vous inscrivant sur ce type d’application vous n’avez aucune possibilité d’indiquer votre âge, et surtout qu’un adulte peut s’abonner sans soucis au contenu d’une fille de moins de 15ans…
Des prises de risques de plus en plus grandes
Les adultes étant plus vigilants, vous ne pourrez pas forcément obtenir leur nom mais vous pourrez les voir conduire en utilisant Periscope… Pour avoir vu des gens jouer à Candy Crush au volant, il est intéressant de noter que c’est une autre application qui leur permet de regarder la route la tête haute. L’utilisation continue de Periscope est devenue un réflexe pour bon nombre d’individus. Tous les matins, vous trouverez des chauffeurs, des livreurs, des taxis ou encore des routiers qui roulent en laissant l’appli ouverte. Ils vous confirmeront tous qu’il n’y a aucun soucis de ce coté, « ils gèrent » puisqu’ils savent conduire… Un utilisateur se permettra une réflexion envers une mère de famille en lui indiquant que conduire en lançant l’application avec un enfant à bord est dangereux. Elle indiquera dans un premier temps, « qu’il y en a trois à bord », et qu’ensuite il n’y a personne sur la route… donc pas de soucis dans l’utilisation de son application favorite.
L’absence de modération est un défaut majeur occulté de tous
La modération sur Periscope s’effectue par le biais de différents moyens. On demandera à un groupe d’utilisateurs de juger une série de commentaires de manière aléatoire. Et vous pouvez aussi signaler de manière individuelle une discussion. Entre nous, on a vu mieux et plus lisible en terme d’efficacité. En tout cas, on n’est pas sur Facebook et ça se ressent dans les commentaires qui deviennent très rapidement violents. Cependant, ce n’est pas le plus choquant. Vous savez, actuellement, on vit une époque du tout sécuritaire. Hors, je trouve un peu surprenant de voir un prisonnier avec plusieurs milliers d’abonnés sur Periscope de bon matin. On s’interroge sur les vecteurs de radicalisation rapide, mais personne n’imagine que l’on puisse, par exemple, conditionner par ce biais une population depuis sa prison ? Est-ce que je dois faire un dessin pour démontrer qu’il n’est pas normal qu’un prisonnier puisse rentrer en contact avec des mineurs (ou non) sans modération ? Je comprends parfaitement l’envie de briser la solitude et l’isolement, mais je ne parle pas d’un père cherchant à voir ses enfants. J’évoque la possibilité qu’un prisonnier puisse communiquer avec les vôtres. Ma capture d’écran va vous donner matière à réfléchir sur les interactions possibles entre différents types de personnes en situation de détresse humaine.
Les deux captures ci-dessus vous montrent que les défis sont de toutes natures, et qu’ils sont consultables aussi bien dans les portables via l’application que sur un ordinateur. Les flux de Periscope sont disponibles depuis un navigateur web, comme vous pouvez le voir ci-dessous. Donc vous pouvez enregistrer et conserver le contenu comme vous le souhaitez… Remarquez, je vois le mal partout, qui ferait ça ?
Quand vous tapez Periscope dans Google, vous tomberez toujours sur une sombre affaire d’exhibition. Le cas le plus marquant concerne le compte d’un individu qui s’est illustré en fouettant des jeunes filles avec une ceinture. L’histoire a non seulement démontré les dérives de Periscope, mais surtout les terribles retombées pour tous ces jeunes qui l’utilisent sans songer à la perte de leur anonymat. Une des filles fouettées dans la vidéo a été reconnue par d’autres jeunes. La vidéo de son agression physique et réelle par un groupe d’individus (une vingtaine) circule sur Facebook. Pour l’obtenir il suffit de taper son nom et les mots clés relatifs au scandale de cette affaire.
Les bénéficiaires de ces dérives sont toujours les mêmes
il y a sur ce réseau une forte concentration de « Cam Girl » et d’autres professionnelles du sexe qui ont parfaitement compris comment récupérer des clients de cette manière-là. Je ne sais même plus combien de fois j’ai vu la demande de show privé durant ma période d’essai sur l’application. A y réfléchir, des jeunes filles de tous les âges qui s’exhibent de différentes manières, dans différents pays, et gratuitement en plus, il n’en fallait pas plus pour que les sites pour adultes prennent naturellement le relais. Si certaines personnes sont bénévoles, n’allons pas les décevoir et comme on dit si souvent : on ne va pas gâcher. Sachez que toute « cette matière » vidéo est quotidiennement enregistrée et remise en ligne sans votre consentement sur des sites pornos. Si vous avez des doutes, un jour tapez votre pseudo dans Google. Qui sait, vous serez peut-être la star d’un site, sans même le savoir. Récemment, un groupe de trois jeunes françaises (mineures ?) s’est exhibé dans une chambre d’hôtel. En faisant des recherches sur Periscope, je suis tombé sur un site qui dénonce les dérives de l’application, mais qui n’a pas hésité à mettre un lien vers un site porno où la vidéo est publiée. Voici les chiffres pour cette vidéo sur un seul site :
Publiée le : 21/06/2016. Durée : 21:34 min. Vue 91258 fois
Pas mal pour un mois d’exploitation, vous ne trouvez pas ? On verra dans un an et plus si elle deviendra un bestseller… Repensez au début de cet article avec la notion d’éphémère. Rien de ce que vous faites ne s’effacera malheureusement. Pour vous donner un chiffre de comparaison, la même vidéo (que l’on trouve en un clic) sur Youtube cumule plus de 300 000 vues en trois mois. Les sites spécialisés n’ont donc pas l’exclusivité face au premier fournisseur de vidéo au monde… Et ce coté « Girl Next Door » (fille d’à coté) aura toujours plus d’impact dans l’imaginaire des consommateurs de ce type de vidéos. Il faudra donc réfléchir à deux fois avant de filmer sa tête en gros plan durant ce genre de partie à trois. Pour achever ce volet sur l’industrie pornographique, le plus gros producteur français a essayé la plateforme en filmant les coulisses d’un de ses films. A défaut d’avoir fait croire qu’il lancerait son propre réseau live (il s’agissait d’un poisson d’avril) il publie encore aujourd’hui des vidéos de soirées soft sous la marque de la société. Faut-il y voir un appel du pied pour assouplir des règles d’utilisation de l’application ?
Quelles sont les solutions possibles pour faire face à tout ça ?
Periscope ne fait qu’exacerber la personnalité de chacun. Si vous êtes voyeur, vous aurez de quoi voir. Si vous cherchez à rencontrer des gens pour plus que des mots, vous en trouverez aussi. Les nombreuses dérives que j’ai pu évoquer ne sont que la partie émergée de la vie privée d’utilisateurs qui « tuent » leur ennui avec des défis aussi stupides les uns que les autres. Frapper des inconnus en rediffusant l’agression « par défi » traduit avant tout un problème éducatif. Les outils de mise en scène eux se doivent surtout d’être irréprochables dans leur possibilité de diffusion et de modération.
Il convient alors de dire que la plus évidente des solutions passe inévitablement par l’instruction. Il y a un grand chantier numérique dans l’Education Nationale. Cependant si les collèges et lycées s’équipent de mieux en mieux en nouvelles technologies, c’est sur le plan de la formation que le bat blesse. Il faudra réfléchir à l’idée de cours d’instruction numérique qui pourraient aussi s’ouvrir aux parents qui souhaiteraient y assister.
Il faut enseigner de manière efficace aux enfants à ne jamais communiquer leur identité en détails à un groupe d’individus. Et au-delà de cela, toujours les inviter à créer des pseudos qui ne donnent aucune information sur eux. Combien de pseudos renvoient à des pages Facebook parfaitement remplies ? Et je n’ai même pas évoqué Instagram et les autres supports…
Les créateurs de logiciels vont devoir réfléchir à une forme de certification des identités pour éviter de mélanger des personnes mineures avec des personnes majeures. Offrir l’opportunité à un adulte de se masturber devant des enfants n’est en rien un signe d’évolution. Lui permettre de les rencontrer chez eux par la suite me laisse personnellement sans voix.
Il est impératif que Google mette en place un « service du droit à l’oubli » simplifié avec l’envoi d’un formulaire. Toute cette jeunesse qui s’expose ne comprend pas qu’un jour le recrutement se fera en tapant leur nom dans un moteur de recherche. Il existe déjà des sociétés spécialisées dans le nettoyage (couteux) de vos données sur le web. Ne laissons pas les choses empirer, et agissons maintenant avant que des vidéos vous suivent toute votre vie.
Je ne vais pas établir une liste précise d’actions à entreprendre. Cette expérience prouve qu’il suffit de prendre le temps de se pencher sur le sujet pour trouver des solutions aux points évoqués tout au long de cet article. Il est temps que les combats sociaux soient réévalués et que des morceaux d’étoffes ne viennent pas voiler les véritables enjeux sécuritaires de ce pays.
Conclusion
Il y a un potentiel dans la vidéo en live et ce nouveau type de format de diffusion pourrait à terme supplanter la radio. N’ayons pas peur des mots et des nouveaux usages, Periscope et autres applis du type sont parfaitement intégrées dans le quotidien des jeunes. Malgré de grands défauts de jeunesse, certains savent comment les exploiter. Une jeune youtubeuse vient de lancer son premier film tourné sur iPhone via l’application Snapchat, par exemple. 5 jours de tournage et 100 millions de vues plus tard, nous voilà devant une forme d’ovni à la Blair Witch. Ce genre de conte de fée ne sera pourtant pas suffisant pour balayer tous les problèmes que j’ai évoqués jusqu’ici. Droits d’auteurs, diffamation, violation de vie privée, sont autant de thèmes non négligeables qu’il faudrait aussi aborder avec Periscope. Pourtant, je confirme mon avis sur un point essentiel : la protection des mineurs.
L’expérience utilisateur de Periscope n’est pas la meilleure qui soit pour un enfant ou un adulte émotionnellement instable. Si vous n’avez pas une personnalité assez forte, l’utilisation régulière de cette appli peut au contraire casser l’estime de soi. Les jeunes utilisant ce service commencent dès 10 ans, voire moins, et nul besoin d’être pédopsychiatre pour anticiper les soucis que cela peut engendrer. On peut déjà anticiper un phénomène d’addiction aussi fort qu’une drogue qui les poussera à se connecter tous les jours. Les « clashs » ou « embrouilles » sont courants et rendent certaines discussions stériles mais à une toute autre échelle. Une connexion sur une demi-heure peut aisément cumuler plus de 5000 viewers pour un nombre de messages au minimum équivalents à ce chiffre. Au bout d’un millier d’insultes n’importe quel cerveau peut disjoncter. Une étude de 2014 rappelle qu’en France à 15 ans, près de 21 % des filles (soit 1 fille sur 5) et près de 9 % des garçons ont déjà tenté de se suicider. Lancer une telle application sans filet dans un pays aux chiffres aussi alarmants concernant le taux de suicides n’est pas le choix le plus avisé.
Autoriser aux enfants d’accéder à ce type d’application, les mettre en danger pour obtenir plus d’utilisateurs afin de valider des actions en Bourse, est la pire des choses que l’on pouvait imaginer pour notre futur. Je suis un passionné de nouvelles technologies mais je reste persuadé que celles-ci doivent être aussi au service de notre protection. Inutile d’indiquer à la Terre entière où trouver un groupe d’adolescentes en sous-vêtements, sans surveillance parentale. Et pourtant, c’est exactement ce que fait ce type de logiciel. Il n’est pas nécessaire de réaliser des projections pour envisager que les choses vont très mal se passer dans un proche avenir. Si aucune décisions et actions fermes ne sont prises pour protéger les mineurs, nous pourrions voir un lot de faits divers 2.0 beaucoup plus importants que prévu. Est-ce qu’il faudra attendre de voir un plus grand nombre de victimes pour s’élever contre ce principe d’accès à un univers où la sexualité s’impose aux enfants de la pire manière qui soit ?
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