Le mois de mai, un mois riche en expériences
Au cours de l’un de mes derniers billets, je vous évoquais cette fameuse « stratégie du sens » avec laquelle je compose au quotidien : vivre et ressentir pour mieux transmettre des idées et des points de vue toujours plus justes. Durant le mois de mai, j’ai pris la décision de ne pas diffuser d’articles et d’agir en cohérence avec ma démarche. Cela m’a permis d’aller à votre rencontre et de découvrir des personnalités créatives et inspirantes. Pas un mois ne passe sans que je ne sois en contact avec vous, artistes peintres, sculpteurs ou autres et je le dis ici sans prétention nos entretiens sont riches. Trop, peut-être, à tel point que j’en demande plus encore. Ma curiosité grandit autant que mon envie de parler de vous, avec mes mots certes, mais avec vos oeuvres toujours plus puissantes et toujours plus entêtantes.
Il m’arrive parfois de rêver à ce jour où mon budget me permettra de tous vous collectionner. En attendant, je vous diffuse dans les meilleures conditions que je puisse vous offrir, dans l’ambition d’obtenir un cadre plus enclin à livrer ma vision des arts… celle que j’ai eu il y a peu et qui se construit sous la forme d’un projet qui, à mon avis, sera la première pierre d’un immense édifice. Ma passion pour les arts ne faiblit pas et mes productions personnelles sont en attente pour de bonnes raisons. Je reviendrai sur ce point dans un prochain article qui vous expliquera précisément comment je travaille ainsi que les nouveaux challenges que je prends pour mettre en place mon œuvre la plus mature. En attendant, je vous offre des textes et des images pour rentrer un peu plus dans ce monde passionnant des arts à travers mon regard et mes rencontres.
Lors du mois de mai, j’ai donc accédé à de nombreuses expositions et salons toujours avec le même plaisir. On raconte sur Instagram qu’on m’aurait aperçu lors d’une exposition Maillol à Albi au musée Toulouse Lautrec. La puce GPS de mon téléphone aurait même révélé que j’ai visité une exposition municipale dans une ville de moins de 15 000 habitants dans le Tarn. Il ne manquerait plus qu’on me reconnaisse dans d’autres villes de France 😉 Quels meilleurs exemples pourrais-je trouver pour définitivement faire taire ceux qui pensent que mon point de vue de la vie artistique française se construit uniquement sur une vision Parisienne. L’avantage d’une passion c’est qu’elle se moque de tant de critères officiels que, du Louvre au musée municipal d’un village de 500 habitants, vos yeux s’ouvrent de la même manière. Et c’est toujours avec ce regard à la fois analytique, curieux et passionné que je me suis rendu à l’espace Commines pour apprécier l’exposition du salon de Mai.
Le dernier salon artistique avant la fin d’un monde ?
Les humoristes auront de quoi faire dans les mois à venir tant l’actualité est une source inépuisable d’inspirations. Si les vols de pain au chocolat à la sortie des écoles ne seront heureusement plus d’actualité, il en sera malheureusement de même pour le salon de Mai. La presse se complaisant plus que jamais dans le gavage de vidéos en boucle, de déclarations et de tweets hors contextes, c’est avec regret que nous constatons qu’elle n’accorde toujours pas d’importance aux phénomènes artistiques qui nous passionnent. Et, bien au-delà des mutations du marché, c’est aussi parce qu’on ne regarde plus ceux qui fabriquent du rêve qu’ils viennent à disparaître. Entre les auteurs de BD à grands tirages qui vomissent le système et les salons qui ferment faute d’attention, c’est une partie de notre culture qui disparaît. Les super héros Américains n’ont pas de soucis à se faire, les héros Français s’oublient aussi vite qu’on les a érigé. Dans l’indifférence totale, un salon d’art contemporain de qualité s’est vu disparaître sans une seule ligne dans la presse à grand tirage.
Ne fouillez pas dans votre périodique préféré pour contredire mes propos, vous ne trouverez rien de concluant. L’un des organisateurs m’a lâché un chiffre si important qu’il fait froid dans le dos. Malgré un nombre impressionnant de dossiers de presse envoyés, ils ont été parfaitement ignorés. Ils se sont pourtant battus jusqu’au bout et fermement pour défendre une vision des arts. Elle s’est confrontée, année après année, à un changement de vision globale des arts en France. Le genre de modification dans la perception d’un domaine qui l’amène lentement vers une forme de déclin. Et tout le problème est là : pas assez branché, pas assez jeune ou pas assez riche pour s’offrir des pages de magazines à grand tirage à 10 000 euros la page de pub. Alors, sans un bruit, ils se sont résignés à stopper ce qui était pour eux plus qu’un rendez-vous et pour nous une occasion unique. Celle qui vous confronte à des auteurs qui racontent des histoires à coup de matières, de volumes et d’images. Un salon qui en 67 ans a permis à 5000 artistes d’offrir une vision unique de l’art en France méritait au moins un peu plus d’attention. Si les raisons de ce désamour restent incompréhensibles, comme je vous l’ai promis, je me rends toujours là où l’on m’attendra le moins. J’ai visité ce salon pour vous (et pour moi bien sûr) afin d’en tirer comme d’habitude le meilleur, enfin de mon point de vue bien entendu.
Caroline Lee, l’hommage
Il y a peu de temps (dans un article consultable ici) je parlais de la nécessité de diffuser le travail des femmes artistes et cela peu importe qu’elles soient mortes ou vivantes. Durant ce salon, je me suis retrouvé face à ce cas de figure. Notamment à travers la volonté de faire vivre les femmes artistes dans le temps, en continuant de les exposer malgré leur absence. Parler d’elles et faire en sorte que l’on prenne conscience de toutes ces richesses qui nous échappent. Parfois, vous êtes confrontés à un ensemble de pièces tellement fortes et tellement en correspondance les unes avec les autres que vous ne pouvez vous empêcher de tourner autour. C’est un peu comme une danse qui commence entre vous et l’oeuvre, à la recherche du moindre détail, et de la ligne directrice qui vous permettra de lire correctement le volume que vous avez sous les yeux.
Dire que le travail de Caroline Lee m’a séduit est un euphémisme tant je n’arrivais pas à quitter cette salle où ses sculptures étaient remarquablement mises en valeur. En passant d’une sculpture à une autre, je me disais à quel point il devait être inspirant de s’asseoir et de commencer à dessiner en se positionnant à différents endroits, pour se jouer de la perspective et découvrir de nouvelles formes. Les étudiants en architecture auraient tout intérêt à pratiquer cet exercice. Ils apprendraient plus rapidement la notion de plein et de vides avec ce genre de formes fluides et complexes à la fois.
Artiste : Caroline Lee – La Dame Blanche
Il peut paraître facile de jouer des formes géométriques et de les faire fusionner avec des formes plus organiques. Cela serait sans compter la notion de déplacement qui m’a poussé à prendre en photo plusieurs fois l’objet pour en comprendre toutes les subtilités. Si vous avez du mal à comprendre pourquoi l’ensemble de ce travail m’a plu, je vous invite à penser à une chose simple mais pourtant essentielle : Seriez-vous capables de raconter une ou plusieurs histoires rien qu’en observant ces oeuvres ? Seriez-vous capables de les dessiner et d’en tirer de nouvelles esthétiques qui, elles-mêmes, raconteraient autre chose ?
Voilà le genre de raisonnement que j’ai quand j’observe une oeuvre d’art quelle qu’elle soit. Je me place toujours sous différents angles de vue et j’essaie de m’imaginer tantôt en architecte, tantôt en designer ou en simple observateur. Dans tous les cas de figures, celui qui affirmerait ne rien voir ou ne rien ressentir à la vue de ces pièces ne serait pas difficile à convaincre si on le laissait cinq minutes avec moi. Alors même que les articles pullulent sur l’absence des artistes français dans le monde des arts contemporains, il est dommage d’apprendre tardivement l’existence d’auteurs que l’on a oubliés (ou évités ?) et qui ne seront jamais exposés comme il se doit.
Artiste : Caroline Lee – La Perte
Le travail des mains et du visage trahit une maîtrise de l’anatomie volontairement oubliée pour s’attacher à représenter une émotion forte et puissante. C’est presque une marque de fabrique de l’artiste qui fait toujours en sorte de soigner la pose, la texture du corps et des détails anatomiques précis pour que l’oeil se perde finalement à analyser l’ensemble et les détails dans un jeu d’allers et retours.
Artiste : Caroline Lee – La Perte
Cet homme qui s’élance et qui semble naître d’un amas de formes géométriques est si inspirant qu’un simple croquis de cette silhouette pourrait vous révéler d’autres formes. La différence de matière ainsi que la pose évoquent à elles seules l’histoire de cet homme qui se libère de la rigidité d’un amalgame qui se disloque sous l’impact de sa naissance.
Artiste : Caroline Lee – La chute de l’archange
Vladimir Veličković n’est pas étranger à mon regard, ce dernier avait exposé aux Hivernales au Palais des Congrès de Montreuil (voir le billet en cliquant ici) en tant qu’invité d’honneur. Alors que l’immensité de ses dessins m’avait littéralement submergé, je me suis trouvé face à face cette fois-ci à une oeuvre à l’échelle d’un salon. Si la thématique et les figures sont récurrentes à son style, il n’en demeure pas moins que son trait est efficace et que ses compositions ne laissent aucun doute quant à sa volonté de vouloir nous transmettre un message.
Artiste : Vladimir Veličković – Corps
Cette sculpture m’a tout de suite interpelé par son caractère et sa forme si particulière. Cette impression de voir un groupe d’individus empêtré et fondre les uns sur les autres est assez déstabilisante. Son support élève le tout à la hauteur du regard et nous impose un volume dont l’esthétique me paraît aussi brute que ce qu’elle peut éveiller en nous.
De nombreuses oeuvres en résonance
Ce type d’image résume pour moi la manière la plus simple de vous expliquer ce qui se passe dans ma tête lorsque je me confronte à un ensemble d’oeuvres. Elles s’assemblent pour ne pas dire qu’elles s’additionnent parfois pour m’amener à voir d’autres choses. Des images, des séquences ou des compositions qui n’étaient absolument pas prévisibles. C’est un peu comme de se laisser aller à la sérendipité, et découvrir une image qui n’aurait jamais pu naître dans mon atelier. Cette sculpture est comme fragmentée et se détache nettement de la peinture qui est en arrière plan. Pourtant, j’ai eu sur le moment la sensation que les deux pièces étaient connectées, comme si la sculpture émergeait de la peinture abstraite. Les traces laissées par les mouvements du pinceau donneraient presque l’impression que ce sont les mêmes gestes qui ont généré la sculpture. Bon, j’admets qu’à ce niveau de lecture vous pouvez vous demander ce que je bois quand j’écris ça. Eh bien, figurez-vous qu’en général à 3h30 du matin, j’oscille entre le thé aux agrumes et le yellow tea… what did you expect ?
Plus sérieusement, il est clair qu’au bout d’un certain nombre de prises de vues et de visites, notre cerveau commence à recomposer les choses comme il l’entend. Cette sculpture était placée entre deux peintures abstraites qui étaient radicalement différentes au niveau du traitement pictural. Donc mon cerveau a choisi celle qui lui semblait la plus adaptée, et c’est comme cela que vous la découvrez sous cet angle de vue. Je vous avouerai que cette exposition m’a vraiment confirmé que ma préférence en terme d’œuvres d’art se dirige vers les sculptures. J’ai beau moi-même me convaincre que le dessin et la peinture sont mes médiums favoris, la sculpture possède cette force attractive qui vous amène à vous rapprocher et alimente votre désir de contact. Dans un monde où les musées se convertissent à la numérisation, il est réconfortant de voir que votre corps agit encore dans la direction qu’il préfère. C’est-à-dire qu’il veut du contact, de la matière, de l’émotionnel et la réalité virtuelle a encore un long chemin avant de nous amener à oublier ce type d’expérience sensorielle.
Artiste : Ilio Signori
Artiste : Kristian Desailly – Septembre 1
En apercevant de loin ce tableau, je me suis dit « tiens, une peinture qui sort du cadre ». La neutralité du fond et la volonté de faire dépasser différentes parties de l’œuvre sur le cadre… voilà le genre de détails qui m’a amené à m’en approcher. Ce tableau de Chantal Berry-Mauduit m’a particulièrement intrigué pour sa capacité à raconter des histoires différentes sur des couches successives de matières et de collages. On ne sait pas vraiment distinguer ce qui est peint ou collé. On a cette envie de toucher, de soulever ces petits papiers sur lesquels sont dessinés ces regards. Toutes ces petites esquisses mises les unes sur les autres qui ensemble se rejoignent pour constituer une trace que seul l’auteur peut dater. Est-ce qu’il s’agit de véritables morceaux de papier ou sont-ils suggérés par la peinture ? Allez savoir, mais peu importe la technique, l’intérêt ici est dans une construction faussement hasardeuse qui laisse entrevoir de multiples visages et de multiples histoires. J’aime les tableaux à messages que l’on se plait à déchiffrer, à la manière d’un puzzle dont l’issue est une volonté artistique de représenter les fragments d’une vie.
Prenez le temps de regarder ce plan rapproché qui vous démontre comment, par un jeu subtil d’ajouts de dessins, l’artiste vous livre une œuvre aux plans multiples. Si vous voulez en savoir plus sur l’auteur, j’ai découvert pour vous une vidéo (cliquez ici pour la voir) où vous apprécierez une interview et un passage dans l’atelier de l’artiste.
Artiste : Chantal Berry-Mauduit – Les mots du slience
Il y avait de nombreux autres artistes tous autant talentueux les uns que les autres. Il y avait des œuvres qui ne m’ont pas séduites mais qui, j’en suis certain, ont leur public. Pour vous donner une idée de la variété des pièces qui étaient visibles, voici un aperçu en images.
Artiste : Eric Chevalier – Homme Seul
Artiste : Louis Thomas-d’Hoste – Ames Errantes – marbre noir de Belgique
Artiste : Jean-Louis Bilweis – Table de cuisine
Artiste : Jacques Lacolley – Vue
Artiste : Ruth Adler – Himalaya
Artiste : Jean Anguerra – L’homme arrêté (état 2)
Ce salon possédait de nombreuses œuvres de qualité et bénéficiait d’un superbe écrin. La question qui reste aujourd’hui en suspend est la suivante : que restera-t-il de ce salon dans l’avenir ? Mis à part les catalogues d’expo qui devaient être disponibles sur internet, dans un magasin en ligne, qui s’en souviendra ? Gageons qu’un livre soit écrit sur le sujet pour au moins prolonger la mémoire de ce qui fut une formidable aventure pour ceux qui y participaient. A ce jour, le site du salon n’est plus accessible et avec lui la possibilité de contacter aussi bien les artistes que les membres de ce groupe. Souhaitons leur de revenir sous une autre forme afin de vivre à nouveau des expériences artistiques dignes de ce nom.
Cette silencieuse disparition m’attriste…
OUI, nous reviendrons, contre vents et marées !
Continuons à créer, à exposer (tant bien que mal…)
Il reste tant à dire…
En effet Bernard de nombreux salons disparaissent et je découvre qu’autant de centres d’art disparaissent aussi sans bruit. Dans un prochain article, je reviendrai sur cette tendance qui ne peut que desservir les artistes et la vulgarisation de l’art. Comme vous l’avez indiqué, il reste tant à dire… alors je vais prendre le temps d’écrire ce qui me parait important de souligner. Peut-être qu’à force d’informer, certains se sentiront l’envie d’agir.
D’ici là, bonnes productions artistiques 🙂