Le secteur de l’édition attend péniblement sa révolution, le premier pavé vient d’être lancé par les auteurs de BD 18


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La nouvelle n’est pas passée inaperçue et des centaines d’auteurs se sont déjà ralliées à une lettre ouverte adressée à la ministre de la culture. La raison de toute cette agitation ? 8% un chiffre qui en soi ne veut rien dire mais qui pourtant change la réalité de tout un pan de la profession. Certains auteurs ont annoncé clairement la différence : « avant, je cotisais 200 euros par an, maintenant je passe à 3000 euros » Bref, le changement, c’est maintenant. Ou peut-être pas. Allez savoir, le mot-clé de référence à la fois générateur de tensions et complètement tabou en France se résume à ça : Retraite. Nous sommes censés tout accepter, que l’on soit artiste ou non dès que ce mot est prononcé. Tous les changements concernant les régimes de retraite ou les cotisations sociales sont toujours plongés dans un doux bain d’opacité. Plus on en apprend sur leur gestion moins on comprend réellement leurs champs d’application mais surtout sur quelles bases elles sont instaurées.

 

Avant d’aller plus loin, une petite précision administrative s’impose : les auteurs de BD ne seront pas les seuls touchés puisque la réforme concerne de nombreux créateurs (une liste complète est disponible sur le site de l’Ircec) c’est-à-dire plus de 50 000 artistes-auteurs, d’après le site officiel. En tant qu’artistes, si vos revenus sont inférieurs au seuil d’affiliation à la MDA vous êtes dispensés de la cotisation obligatoire à la retraite complémentaire. Concrètement si vous touchez moins de 8000 euros par an, pas de cotisation complémentaire à l’horizon. Par contre, si vous dépassez ce seuil et que vous n’avez jamais entendu parlé de l’Ircec, sachez que l’organisme a déjà fait envoyer des huissiers pour récupérer le manque à gagner. Maintenant vous êtes prévenus. Sur le site de l’Ircec, vous pouvez simuler vos cotisations et surtout vous renseigner sur « les cas particuliers ». Cela vous permettra de cotiser avec une réduction de 50%. Cela ne concerne qu’une catégorie d’auteurs inscrits à l’Agessa dont la cotisation est financée à 50% par le prêt en bibliothèque. Ah, « one more thing » si vous ne cotisez pas depuis l’âge de 20 ans, pas la peine d‘espérer toucher la retraite pour laquelle vous cotisez, bien évidemment.

 

Cette mesure paraît d’autant plus injuste aux auteurs puisque la totalité des cotisations sont à leur charge. Celles-ci sont en effet directement déduites de leurs droits d’auteur. Ces derniers n’ayant pas de contrat classique les liant à un employeur, les cotisations restent totalement à leur charge sans qu’ils bénéficient d’aucun avantage social. Dans le même laps de temps, ce sont les intermittents du spectacle qui se sont mis à nu pour interpeller la ministre de la culture directement dans la rue. Vous imaginez un peu la vision à l’international de la France ? Des acteurs de la culture obligés de se dévêtir pour obtenir un entretien de 5 minutes. Comme le dit la chanson, les temps changent. Avant que vous ne pensiez que ce billet est là pour amener une idéologie politique ou faire du populisme, sachez dès à présent qu’il n’en sera rien. Je ne prendrai pas partie en indiquant des propos qui porteraient à croire que je soutiens ou désapprouve des volontés politiques. Je ne participerai pas non plus à cette tendance de « Bashing » concernant la ministre de la culture. La seule chose que tous ces événements m’ont évoqué c’est une idée que je ne vois absolument pas débattue, alors que pour moi elle est fondamentale. Et si le problème n’était pas les 8% ? Et si le problème ne venait pas de la capacité des auteurs à fournir plus d’un album par an ? Et si c’était tout le secteur de l’édition qui devait être repensé, reformaté et obéir à un nouvel ensemble de mises en œuvre plus favorable au développement économique du secteur ?

 

Un contrat qui vous place directement dans la catégorie du travailleur pauvre

 

On le sait plus ou moins mais les auteurs de BD sont rémunérés par le biais d’une avance sur recettes. Celle-ci dépend grandement de votre notoriété et de votre expérience. Si vous débutez, elle peut démarrer de 0 euros (oui oui, vous avez bien lu) et aller doucement vers les 5000 euros et plus, si vous êtes bon négociateur. De nombreux paramètres dont personne n’ose mentionner les détails conditionnent le montant de cette avance, tout comme le budget alloué à la communication du projet. Si vous êtes jeunes et branchés, on vous accordera plus facilement un plan cul « plan com » avec l’intégration d’une star du porno japonais. Quoi de plus logique pour une bande dessinée à destination des adolescents, n’est-ce pas ? Soyez rassurés, en ce qui concerne les frais de déplacement les éditeurs pourront faire des économies car les anciennes stars françaises du X se démènent corps et âmes à la publication de nouveaux ouvrages. Gageons qu’elles n’auront pas besoin de se déshabiller pour obtenir de l’attention.  Pour revenir au sujet de la rémunération, ce que l’on vous dit plus facilement c’est la somme que vous toucherez une fois le premier tirage épuisé et qu’on amorcera la production d’un second tirage. Si vous êtes plusieurs auteurs sur un titre, vous vous partagerez à peu près 1 euro par album papier. Pour le moment, il n’y a pas d’infos vérifiables concernant les ventes d’albums numériques. Mais cela n’a pas empêché quelques éditeurs d’envoyer un courrier sur le sujet à de nombreux auteurs. J’ai synthétisé l’information. Si vous voulez obtenir des détails sur le processus de l’édition BD, il y a un très bon reportage sur le sujet sous les bulles. Voilà, maintenant vous comprenez pourquoi les centaines de personnes qui exercent ce métier sont pour le moins tendues quand on leur parle de réformes.

 

Moi, ce qui me surprend beaucoup c’est de savoir qu’un éditeur va préférer éditer un contrat de type salarié à ses employés et laisser ses auteurs dans la nature avec une avance et aucune protection sociale ou avantage que le CE de l’entreprise pourrait leur apporter. Juste pour rappel, le smic horaire est de 9,53 euros. Donc, si on vous fait une avance de 5000 euros pour l’année et que vous travaillez sur un rythme de 35 heures par semaine, votre smic horaire tombe à 2,75 euros. Pour avoir une idée de ce que représente un smic à l’année, le montant annuel d’un smic s’élève à 17 340 euros brut. Autrement dit, la(le) secrétaire ou la(le) réceptionniste d’une maison d’édition a un salaire plus élevé (ainsi qu’une protection sociale) que ceux qui fournissent la matière première de la société qui les emploient. Qu’on ne me dise surtout pas qu’il n’y a pas d’autres moyens, le portage salarial existe ce n’est pas pour rien. J’ai pour ma part effectué de nombreux emplois différents et accédé à de nombreux types de contrats. Le jour où j’ai vu un contrat d’édition, j’ai fait un bon en arrière. Je n’ai même pas voulu croire que l’on pouvait signer un papier de cette nature. Peut-être est-ce dû à ma découverte de la gestion des droits d’auteurs ou de mon expérience dans les ressources humaines.

 

L’épineux sujet des contrats de BD est d’autant plus problématique que de nombreuses personnes n’ont jamais vraiment voulu spécifier en détails ce qu’elles avaient signé. Les principales avancées professionnelles se font aussi par l’intermédiaire du partage des informations. Essayez d’obtenir des contrats d’édition de différentes catégories d’auteurs du plus jeune au plus ancien avec différentes maisons d’éditions est aussi simple que de trouver la toison d’or. La transparence n’est pas le sujet favori des acteurs de l’édition. Je me demande même si les auteurs ont accès librement aux fichiers faisant état de leurs ventes par région, aussi bien en France que dans le reste de l’Europe.

 

Extrait d’un contrat type :

 

Les modalités d’exploitation de l’œuvre sur tout support et sur tout réseau numérique actuel ou futur feront le cas échéant l’objet d’un avenant au présent contrat.

La rupture du présent contrat serait sans influence sur la validité des cessions ou des autorisations consenties antérieurement par l’Editeur à des tiers qui continueraient à produire tous leurs effets à l’égard de l’ensemble des parties.

L’Auteur accorde à l’Editeur un droit de préférence pour les œuvres qu’il se proposerait de publier à l’avenir. Ce droit est limité à cinq œuvres nouvelles à compter de la signature du présent contrat.

Les droits d’auteur ne porteront :

ni sur les exemplaires remis gratuitement à l’auteur dont le nombre est fixé à … exemplaires ;

ni sur les exemplaires destinés :

au service de presse dont le nombre est fixé à … exemplaires environ ;

à la promotion et à la publicité dont le nombre est fixé à … exemplaires environ ;

au dépôt légal  

à l’envoi des justificatifs.

Les dessins originaux nécessaires à la promotion de l’Ouvrage seront fournis gracieusement par le dessinateur.

 

Je pourrais continuer en publiant d’autres mentions d’un contrat type en Edition mais cela n’aurait pas grand intérêt. Mon objectif ici était juste de démontrer que, dès la lecture de quelques clauses, de nombreux points m’interpellent. N’oubliez pas que ceci est un contrat type. Les éditeurs le modifient en fonction de l’auteur. Si vous êtes un jeune auteur, ne signez pas n’importe quoi sous prétexte que c’est un contrat avec une maison d’édition, qu’elle soit grande ou non. Cette opinion n’engage que moi mais je crois que le monde éditorial devrait subir une véritable refonte où l’un des premiers engagements se baserait sur la notion de transparence.

 

Quand vous travaillez dans le secteur privé, vous êtes confrontés à ce que l’on appelle une grille salariale. Serait-ce vraiment stupide d’en proposer une, ne serait-ce qu’en test pour voir comment les auteurs y réagiraient ? Les premiers temps, il y aurait ceux qui invoqueraient le ridicule de la démarche parce que forcément se positionner en autodidacte sur une grille où les diplômes et l’expérience peuvent vous faire gagner plus serait soudainement mal perçu. Mais cela obligerait aussi clairement les maisons d’édition à avoir un autre comportement et surtout à obéir au code du travail. Tout cela permettrait à des auteurs de se positionner plus précisément en fonction de leur expérience vis-à-vis d’une société par rapport à une autre.

 

La difficulté de trouver un rythme de production

 

A l’époque, des auteurs avaient anticipé le changement de comportement des lecteurs en proposant des séries denses (à la manière des mangas) à un rythme régulier. Si le succès était au rendez-vous, la santé de certains d’entre eux les a obligé à renoncer à cette cadence dont seuls les japonais arrivent à survivre pour le moment. Pour vous aider à visualiser la tâche, si vous faites un ouvrage de plus de cent pages en couleurs, vous devez réaliser une planche définitive en trois jours. Une planche peut avoir n’importe quelle taille tout comme elle peut être composée de plusieurs dessins. Chaque auteur a sa technique : certains dessinent, d’autres peignent directement, quand d’autres encore encrent en traditionnel et colorisent à l’aide de l’outil infographique. Pour être « un peu » au fait des conséquences d’une grande production de dessins sur le corps humain, croyez-moi, il y a des médailles de la légion d’honneur qui se perdent. Lors de votre prochain passage chez un médecin, demandez-lui de vous parler des (TMS) Troubles musculo-squelettiques chez les artistes.

 

Les chiffres et la grande confusion

 

Plus de 5000 nouvelles BD par an, 1500 auteurs de BD en France et 300 auteurs vivent officiellement de leur activité, mais d’où viennent ces chiffres ? Obtenir des chiffres précis est quasiment impossible. Essayons au moins d’être précis sur quelques uns d’entre eux et sur un chiffre en particulier : 5159. C’est le nombre de bandes dessinées publiées en 2013, d’après le rapport de L’ABCD que l’on peut consulter à cette adresse: www.acbd.fr. Parmi elles, il n’y a eu « que » 3882 nouveautés. Pour beaucoup, cela ne changera pas le problème de la surproduction mais au moins je pense que cela précise un propos. A force de lancer des chiffres invérifiables un peu partout, on discrédite aussi une profession et le sérieux du message que l’on essaie de diffuser vers des cabinets ministériels. De plus, le même rapport indique qu’il n’y a pas 300 auteurs qui « survivent » de leur activité mais 1492 auteurs sur le territoire francophone européen. Je ne peux qu’inviter tous les acteurs du livre à lire ce rapport, tout comme il est important de bien lire tous les documents circulant sur la fameuse question des 8%. Car si vous portez une attention aux propos de Frédéric Buxin qui n’est autre que le président de l’Ircec :

 «Les artistes-auteurs que ce dispositif pénaliserait en diminuant leurs possibilités de cotiser au maximum, pourront continuer pendant dix ans à se construire une retraite « sur mesure » à la hauteur de leur niveau de cotisation actuel.»

Vous pouvez voir le point de vue de l’AFD et le texte intégral d’où est tiré cet extrait en suivant ce lien

  

Devons-nous créer un nouveau type de profil d’auteurs ?

 

Si j’ai réalisé une BD il y a 5 ans et que depuis j’effectue des illustrations pour la presse, suis-je comptabilisé dans les auteurs de BD ou bien en tant qu’illustrateur ? A partir de quel rythme de production peut-on se considérer comme auteur de BD ? Certains auteurs n’ont produit « que » 3 ouvrages en dix ans, faut-il les comptabiliser ? Il m’est d’avis que l’on devrait inventer un nouveau profil qui inclurait toutes les facettes d’une activité artistique au 21ème siècle. Puisque l’on renvoie souvent (en permanence ?) les auteurs sur le marché du travail en leur demandant de se diversifier, personne ne rechigne à travailler, encore faut-il que les outils administratifs et les différents organismes acceptent de communiquer et de s’allier sur un projet commun. Ce nouveau profil pourrait inclure des personnes qui sont à la fois auteur, illustrateur, artiste et exerçant dans les métiers où la compétence graphique est nécessaire comme le storyboarder. Jongler entre l’Agessa, la MDA et le statut d’intermittent du spectacle n’est absolument pas une voie d’avenir. Je sais pertinemment que réformer à ce point la profession est un vœu pieu, pourtant il faudra se pencher sérieusement sur la question si l’état français ne veut pas favoriser le travail au noir et les erreurs administratives. Je n’ai pas évoqué l’aspect humain comme le stress, la dépression, le découragement qui sont quant à eux interdits aux créateurs d’œuvres de l’esprit. Sauf pour le « story telling » lors de la vente d’originaux, il paraît que votre cote augmente en fonction de votre capacité à mélanger la drogue et l’alcool. Toute référence aux travaux de Pete Doherty serait absolument fortuite.

 

Un nouveau métier à créer ? Ou l’évolution naturelle d’une activité artistique ?

 

Bruno Maïorana est largement cité pour son abandon de la BD, ce qui lui vaut de passer du temps à rappeler que cette décision fut prise avant l’annonce des 8%. La mémoire collective (de la presse) a oublié qu’un appel avait déjà été lancé sur les dangers de la surproduction éditoriale et des conditions de rémunération des auteurs. L’auteur Kris s’était fendu d’un article sur le site actua BD en 2011. Il y révèle son combat autour de la signature d’un contrat pour un problème évalué à 20 euros supplémentaires par planche…

 

En 2014, rien n’a changé. Au malaise des auteurs, il faudra rajouter la crainte de voir l’application d’une réforme en 2016. Ce qui laisse à peu près 2 ans aux auteurs pour faire évoluer leur pratique du métier, tout comme les formations des écoles qui s’ouvrent pour former… des auteurs de BD. J’ai bien peur de connaître le business model de ces nouvelles sections. Rêve + Argent + Beaux bâtiments = 1 réussite pour 99 futurs chômeurs.  J’espère sincèrement me tromper et qu’elles tiendront compte des mutations du secteur en formant des étudiants (très) productifs, (très) créatifs, (très) informés et surtout (très) polyvalents. Pour me contacter pour un éventuel workshop c’est en haut à droite qu’il faut cliquer ;-). On peut dès aujourd’hui évaluer le résultat d’une présentation devant un conseiller du pôle emploi en indiquant votre statut d’auteur de BD. Elle sera aussi efficace qu’une candidature d’eunuque pour surveiller un harem. Il y aura beaucoup d’opportunités mais aucune ne vous conviendra vraiment.  

 

Si vous avez survécu à la lecture de mes réflexions sur le sujet, je vous propose maintenant d’analyser ensemble quelques pistes envisageables afin que les artistes-auteurs puissent augmenter leurs revenus. Entre le développement des plateformes numériques, l’auto-édition ou encore le crowdfunding, comment développer un écosystème viable et durable ?

 

Une offre numérique qui n’inspire aucune confiance

 

Editer sans cesse des nouveautés que l’on peut feuilleter en 5 minutes et dont les scénarios sont des variantes de Lanfeust de Troy ou de toute autre licence à succès devient dangereux. Sous-estimer le pouvoir du packaging et ne pas développer des offres avec du contenu enrichi au format numérique devient une folie. Depuis plusieurs années, l’édition a du mal à se frayer un chemin dans le marché de l’ebook. Les lois, les auteurs, les éditeurs, l’alchimie ont du mal à se faire. Je fréquente depuis 3 ans assidument les salons du livre et… comment dire… les vieux modèles sont toujours là et le resteront pour un moment.

 

Ma première expérience en tant que client en matière d’offre numérique m’a laissé un arrière goût amer. Je fais partie de ceux qui ont payé les premiers abonnements Relay illimités pour accéder à la presse et aux publications aux formats numériques. Cette offre Relay, à l’époque, vous autorisait à lire les magazines uniquement sur la machine sur laquelle était installé le logiciel du prestataire. Les fichiers (limités dans la quantité) possédaient leur propre format impossible à lire avec un autre logiciel que celui de Relay. Avec les semaines, l’offre en question fut modifiée et les limitations sont arrivées. Entre les magazines qui sont sortis de l’offre et la portabilité impossible à cause du format, mon choix fut vite pris de mettre fin à cet abonnement qui n’avait d’illimité que le nom.

 

Cette mauvaise expérience ne m’a pourtant pas découragé à trouver des plateformes réellement avantageuses et intéressantes. Alors, j’ai passé en revue avec mon Ipad toutes les solutions disponibles légalement. La surprise n’en fut pas une, puisque la meilleure proposition provenait d’une plateforme américaine. Les américains n’ont pas hésité à faire en sorte de diffuser des comics gratuits (ils le font déjà en boutique avec des comics au format papier) et à changer la définition des publications quand Apple a changé la résolution d’écran de son Ipad. Vous avez dit réactif ? En effet et pendant ce temps-là en France on a découvert le premier point négatif d’une plateforme américaine. Si les blagues racistes, misogynes ou les scènes de viols passent tranquillement en Europe, ce n’est pas tout à fait la même chose aux Etats-Unis. Dans un pays encore fortement marqué par l’esclavage, diffuser des personnages noirs caricaturés comme des singes a du mal à passer entre les mailles du filet. Quant à la violence, vous savez pertinemment que si vous n’y dessinez pas de fusil c’est une incitation qui n’est pas à la hauteur du pays des armes en vente libre. Que voulez-vous, ces gens-là n’ont pas d’humour. Pour comprendre de quoi je parle vous pouvez suivre ce lien.

 

Pour aller un peu plus loin que la censure qui se manifeste de différentes manières en fonction de l’ouvrage et de la plateforme de diffusion, il y a aussi la question juridique de l’offre cumulée c’est-à-dire la vente d’une BD papier avec son équivalent en numérique. Il semblerait que cette possibilité pose un problème juridique dans la mesure où deux textes de lois rentrent en opposition, rendant la formule difficile à mettre en place. Je ne vais pas pouvoir simplifier le problème qui donne déjà mal au crane aux maisons d’édition. Sur le site d’actuallité vous avez l’étendu du problème avec les textes de lois précis. Pour le consulter cliquer ici.

 

Les fournisseurs d’offres numériques proposent actuellement de nombreuses solutions mais aucune ne vous fournit de fichiers en haute définition dans un format qui vous permettrait de passer d’un support à un autre. Pouvez-vous imaginer un seul instant si on avait tenté de vous vendre de la musique sans jamais pouvoir la graver sur un CD ou la mettre sur un autre support que l’appareil sur lequel vous l’avez acheté. Les éditeurs agitent souvent l’argument du piratage des BD et se refusent à vous fournir un pdf en haute définition. Je propose aux maisons d’édition de s’appuyer sur l’une des mesures de l’état au travers des pôles de compétitivité lancée par le gouvernement et parfaitement exploitée par les sociétés de jeux vidéos. Si vous ne connaissiez pas cette initiative vous pouvez en apprendre plus en cliquant ici.

 

Au lieu de fantasmer sur les méchants scanneurs de BD, les éditeurs devraient être les premiers acteurs à s’exprimer pour défendre leurs auteurs. 4 groupes se partagent 47% de la production d’ouvrages en France. Il ne devrait pas être difficile de trouver une solution bénéfique pour tous. Et par dessus tout mettre en place une plateforme française respectueuse de notre culture, fiable et qualitative pour les acheteurs. Si on vous fournit un contenu légal au juste prix et que l’on communique sur le fait que les auteurs touchent réellement ce qui leur est dû, cela encouragerait n’importe qui à s’offrir un livre de manière légale. Personne ne veut voir ses auteurs préférés arrêter leurs activités à cause des maigres revenus qu’ils perçoivent. Les chiffres connus à ce jour parlent d’un livre sur deux piraté mais nul n’évoque le cas des bibliothèques. Elles existent dans toutes les villes de France et curieusement tout le monde continue d’acheter des livres, surprenant non ? J’ai même entendu dire qu’un projet allait permettre d’emprunter des livres au format numérique, mais chut… ça devient complexe d’en parler maintenant.

 

On parle beaucoup du faible tirage des bandes dessinées pour justifier la baisse des revenus des auteurs. Mais est-ce que l’on parle des tirages de tête ? Des séries limitées ? Des fac-similés ? Des portfolios ? Et enfin des produits dérivés ? Beaucoup de journalistes parlent « d’éduquer » les acheteurs afin qu’ils ne succombent pas à la tentation du piratage. Je pense au contraire que l’on devrait commencer par rappeler certaines bases à tous.

 

Des pistes de développement alternatives, viables mais sous-estimées

 

Prenons un cas simple d’auto-édition qui est une pratique de plus en plus répandue maintenant. Si un auteur a réussi à séduire 1000 fans dont le panier moyen est de 100 euros par an, est-il envisageable qu’il puisse vivre de son art avec la somme réunie ? La réponse est oui d’après la théorie du même nom. N’importe quel créateur pourrait vivre de son art s’il arrive à fédérer 1000 personnes capables de lui accorder 100 euros de budget par an. Comment un auteur de BD pourrait vendre une BD 100 euros me direz-vous ? Et bien, en travaillant sur une série limitée de 1000 exemplaires de son ouvrage et en plaçant la barre tarifaire à 100 euros. Quand bien même les frais de fabrication s’élèveraient à 60 euros, il resterait 40 euros par ouvrage de bénéfices… On est loin de l’euro symbolique évoqué précédemment, non ?

 

Avant de développer mon point de vue sur le sujet des 1000 fans, vous devez connaître un point important. Il existe différentes versions d’une bande dessinée. La version couleurs, classique, au format cartonné que vous connaissez, mais aussi d’autres formats beaucoup moins connus du grand public sur lesquels les maisons d’édition comme les auteurs ne communiquent pas assez. Pourtant, certaines éditions malgré leurs tarifs jusqu’à vingt fois plus élevés qu’un tirage standard pourraient aider les auteurs à arrondir leurs fins de mois.

 

Des versions noir et blanc : Elles sont en général limitées et produites jusqu’à 3000 exemplaires pour les plus grands tirages. A l’occasion du festival d’Angoulême, des séries à succès sont éditées à 1500 exemplaires et se vendent très vite. La particularité de ces tirages est qu’ils ont une valeur fluctuante. Ils peuvent être achetés aux alentours de 25 euros et voir leur prix se multiplier en fonction du titre et de l’auteur. Certaines collections sont recherchées comme par exemple la collection 2B de Soleil qui proposait dans la page de gauche le crayonné de l’auteur et la version définitive sur la page de droite.

P6169831Exemples de tirages en noir et blanc en édition limitée

P6169821Intérieur de Sky Doll version 2B 

Des versions grands formats : Elles peuvent être éditées pour des anniversaires comme ce fut le cas pour les éditions Delcourt. Pour fêter 25 ans d’édition, moins d’une dizaine de tirages à 2000 exemplaires ont été produits. Ils sont aussi réalisés pour diffuser une version plus luxueuse que la version standard. Dans ce cas, le papier peut lui aussi être différent que celui utilisé régulièrement. 

P6169798Aquablue en édition spéciale anniversaire à gauche et La Graine de Folie en grand format limité avec impression en noir et blanc

Des versions fac-similés : Il s’agit d’un tirage dont le format correspond aux mêmes dimensions que les planches originales. Il peut être relié ou reproduit sur des feuilles volantes conditionnées dans un coffret.

P6169824fac-similé à gauche et portfolio à droite

P6169827Intérieur du fac-similé

P6169830Intérieur du Portfolio avec son jeu d’impressions sur feuilles individuelles

Des versions intégrales : Les éditeurs ont la fâcheuse tendance à vouloir monétiser leur série en créant des intégrales qui n’en sont pas. Il n’est pas rare de voir des intégrales tome 1… Je me suis moi-même fais piéger par une intégrale en noir et blanc dont il manquait un volume avant la fin de la série. C’est pour cela que c’est un format qui n’est pas forcément apprécié des clients qui y voient plus une manière pour les éditeurs de faire de l’argent plutôt que d’offrir un objet de qualité aux lecteurs. Parfois, certains ouvrages se démarquent comme Les Tours de Bois Maury qui se pose comme un livre de luxe de par son aspect et son tirage volontairement en noir et blanc. 

P6169820Cixi de troy intégrale en version noir et blanc à gauche et l’intégrale Les Tours Bois Maury à droite

Des versions en coffret limité : Vous pouvez obtenir des BD avec un Ex-libris numéroté et signé par l’auteur en général dans un coffret de luxe. C’est-à-dire que le coffret sera différent d’un coffret regroupant tous les exemplaires de la BD dans le cas d’une série, par exemple. Vous pouvez obtenir des coffrets regroupant deux fois la même BD. L’une sera en couleurs et l’autre sera en noir et blanc. Il y a aussi le magnifique petit coffret d’Enki Bilal regroupant l’ensemble de son œuvre et qui se positionne comme une brique épaisse dans votre bibliothèque.

P6169835Coffret Djinn à gauche, Coffret de l’intégrale de l’épée de Crystal eu centre et enfin le Coffret de Bilal à droite

Des tirages de tête : Les tirages de tête représentent le haut de gamme en matière de réalisation. Ils ont des tarifs qui oscillent entre 80 et plus de 300 euros pour les plus prestigieux. Ils cumulent de nombreux avantages, de la signature, à l’ex-libris en passant par la couverture dessinée. Certains professionnels essaient d’en réaliser conjointement avec les auteurs, comme c’est le cas avec les Sculpteurs de Bulle qui en plus des produits dérivés produisent des tirages en édition limitée.

P6169789Sky Doll dans sa version 2B et le Grand Mort dans sa version tirage de tête

 

Après cette mise au point, la théorie est-elle toujours trop belle pour être vraie ? Et si c’était le cas, pourquoi est-ce que tout le monde ne le ferait pas ? Pour être honnête, j’ai adressé un de mes rares emails à un auteur que j’apprécie vraiment. Le genre d’auteur pour qui j’aurais dépensé 100 euros les yeux fermés. Je ne vous donnerai pas son nom mais plutôt sa réponse qui fut d’une grande clarté : « ça ne marchera pas ! » En fait, il n’a pas essayé d’en savoir plus, tout comme il n’a pas voulu savoir si nous pouvions travailler ensemble à la réalisation de ce projet. Vous avez dit sélection naturelle ? Certains auteurs s’éliminent d’eux-mêmes de l’équation de la réussite pour des raisons qui leur sont personnelles. D’autres persistent et trouvent des ponts et des collaborations inédites afin de sortir la tête de l’eau.

 

Un nouveau modèle économique qui allie tradition et modernité

 

Un magazine qui compile un ensemble d’histoires différentes ce n’est pas nouveau. De nombreux lecteurs sont venus à la bande dessinée grâce à ce procédé avec des revues comme Métal Hurlant, pour ne citer que la plus historique. Faire la lumière sur des sujets d’actualité sous une forme graphique, travailler à une offre à la fois traditionnelle et numérique, voilà par contre une nouvelle manière d’aborder un marché saturé par une offre uniforme.

 

Et ce n’est pas un hasard si le succès de ces publications est en plein essor. Les lecteurs retrouvent de l’engouement pour ce format car ils ont l’impression d’avoir un contenu dense avec la possibilité de découvrir de nouveaux auteurs. Quant aux sujets, ils abordent des thématiques différentes de celles que l’on rencontre habituellement. Je ne peux que vous conseiller l’article de Slate sur le mook « la revue dessinée ».

 

Quand vous commencez la lecture d’un « mook » vous savez que vous n’aurez pas la fin de l’histoire d’ici 4 ans ou plus. J’ai le souvenir d’avoir lu une BD (Sasmira) en tant qu’adolescent. Découvrir son second tome en tant qu’adulte, c’est juste trop tard. Le lectorat français est le second plus gros consommateur de manga au monde. Quand on voit à quelle vitesse les lecteurs engloutissent les pavés japonais depuis plus d’une décennie, 46 pages par an avec de belles couleurs ne pourront pas les fidéliser sur la durée. Il faudra peut-être envisager la publication de deux tomes par an ou un nombre de pages minimum pour regagner la confiance des lecteurs qui se lassent de ces histoires sans fin.

 

Les festivals : des opportunités concrètes de rencontrer des clients et surtout des fans

 

Il y a environ 300 festivals de BD par an. Tous n’ont pas la renommée du festival d’Angoulême mais cela reste un terrain propice à des rencontres et à la diffusion de son travail. Trouver le temps de les faire ainsi que le budget pour s’y rendre n’est pas une mince affaire. Malgré tout, de bonnes surprises peuvent être au rendez-vous. Dans un article que j’avais dédié aux artistes, j’avais abordé la question de la diffusion du travail. Les conseils que j’avais donnés sont aussi valables pour les auteurs de BD. Il est impératif pour eux d’accorder du temps à la rencontre de ceux pour qui ils comptent vraiment. Un passage au salon du livre pour dédicacer 50 ouvrages à des gens qui les revendront sur ebay est une perte de temps largement estimable. Organiser des rencontres entre auteurs, des ateliers et des journées de dédicaces au sein de librairies influentes est, à mon avis, plus favorable au développement de leur notoriété.

 

Je me souviens avoir voulu expérimenter la dédicace sur ce qui est censé être le plus grand salon du livre en France. Le caissier m’indique alors qu’il me faut acheter un ouvrage pour avoir une dédicace (jusqu’ici tout va bien) et qu’ensuite le ticket de caisse m’indiquera un numéro. Naïvement je me présente donc à la caisse avec un ouvrage (un tirage de tête) à plus de 80 euros.  Par la suite, j’apprends que je devrai patienter pour savoir si j’ai la chance de voir mon numéro tiré au sort pour obtenir la dédicace de l’auteur en question. Ma réaction la plus logique et intuitive a été de reposer le livre là où je l’avais trouvé. Je ne vous parlerai pas des autres expériences négatives, tant le système archaïque nécessite un article à lui seul. Je voulais juste démontrer par cet exemple comment un client peut se détourner d’un auteur dans un salon «mainstream» où l’entrée est à 10 euros. Repensez maintenant au budget des 100 euros par fan évoqué plus haut.

 

Financement participatif : le Crowdfunding

 

Derrière cet imprononçable terme anglo-saxon plus proche du gâteau londonien que de l’action économique se cache en fait un système permettant aux internautes de financer différents types de projets. Il existe de nombreux sites qui ont chacun des spécificités différentes tant en terme de conditions d’utilisation, de popularité et de thèmes de prédilection. Que vous soyez musicien, artiste peintre, écrivain ou auteur de BD, il existe une plateforme spécifiquement adaptée à votre projet.

 

Maintenant, disons le franchement : sans projet original ou de réseau influent les appuis seront difficiles à trouver. La solution est peut-être déjà dans votre forme de communication. La base c’est d’avoir une vidéo de démo qui doit être créative et surtout compréhensible dès le départ. Si vous envisagez de faire une vidéo dans un style PowerPoint avec des copies écran de business plan ou des études de marché, le résultat sera connu d’avance : au bout de 10 secondes, les internautes n’iront pas au bout de la présentation. On l’aura compris, le financement participatif tend à se généraliser pour lancer de nombreux projets qu’ils soient artistiques ou non. Après avoir observé de nombreuses campagnes sur des projets éditoriaux, je ne dirai qu’une chose : il n’y a pas de démarche type qui permette à coup sûr de réussir son opération. La seule certitude c’est que, comme tout projet, il faut du temps pour en faire la promotion et convaincre des influenceurs de vous suivre dans cette aventure. N’oubliez pas aussi qu’il faut vraiment avoir une stratégie de communication. Pour avoir vu nombre de projets tomber dans l’oubli pour faute d’investissement humain et matériel, croyez-moi quand je vous dis de ne pas négliger la communication graphique de votre projet.

 

Les outils à disposition des auteurs et des éditeurs

  

Il existe en France de puissants outils qui pourraient permettre aux auteurs en difficulté de passer le creux de la vague et d’aller à la rencontre de nouveaux challenges. Le premier étant le passage au numérique, ils disposent du Labo de l’édition qui est un incubateur qui offre la possibilité de se former et d’assister à des conférences sur le sujet. Récemment, un workshop a eu lieu sur la BD Numérique (Hackaton), vous pouvez en apercevoir les détails en suivant ce lien. Avoir un lieu de ce genre au sein de la capitale est un minimum mais cela ne suffit pas. On pourrait espérer que les professionnels du livre sensibilisent la ministre de la culture au développement de ce genre d’initiatives en province afin que nous puissions observer une véritable volonté de décentralisation. La lutte contre la précarité ne doit pas se faire uniquement en Île-de-France. Elle doit avoir lieu dans tous les territoires français.

 

L’avenir de l’édition ?

  

L’avenir de l’édition passera sans aucun doute par la lecture augmentée. Les outils sont mâtures, les auteurs motivés. Cela ne peut donner que des œuvres multiplateformes qui évolueront sur plusieurs supports. Et en ce qui concerne les ebooks comme les romans graphiques, je suis tombé il y a un an sur une petite pépite qui, à mon avis, devrait faire des émules. Narr8 est une plateforme qui vous offre tous les jours des points gratuitement. Avec ceux-ci, vous pouvez acheter des ebooks qui sont plus proches pour certains du court métrage d’animation que du livre retranscrit simplement sur écran. Les plus beaux et plus performants sont les plus lus et sollicités. Et le rythme de publication est vraiment soutenu. Pas un mois sans une mise à jour. L’interface vous offre aussi la possibilité de mettre à jour, comme un logiciel, des épisodes que vous avez déjà téléchargés. Les titres sont dès le départ en plusieurs langues et l’ambition de cette plateforme est de devenir l’équivalent d’Itunes pour les ebooks.

 

Ce petit dossier n’avait pas pour prétention de trouver une solution à cette crise qui se développe dans la culture. Je crois pourtant qu’en commençant chacun à réfléchir, communiquer et partager des informations, nous arriverons surement à faire émerger des tables rondes en se focalisant sur des détails importants. Je conclurai en rappelant à nouveau que je crois que le secteur de l’Edition doit être profondément restructuré. Sinon, de plus gros investisseurs comme Amazon ou Google rachèteront morceau par morceau nos sociétés les plus influentes. Et tous les débats cesseront une fois que nous ne seront confrontés qu’à un seul et unique choix en matière de contrat, d’offre et de sources de diffusion.

 

 

  

 


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18 commentaires sur “Le secteur de l’édition attend péniblement sa révolution, le premier pavé vient d’être lancé par les auteurs de BD

    • Antoine Titus Auteur de l’article

      Merci à vous d’avoir pris le temps de le lire. Concernant la charge de travail, je me suis mis dans la peau d’un auteur. Autrement dit, je n’ai pas regardé les heures, mais votre commentaire vaut pour un excellent salaire 😉 Au passage, inutile de préciser que vos ouvrages sont dans ma bibliothèque. Bravo pour l’ensemble de ce que vous avez fait et de ce que vous accomplissez dans le milieu.

  • Caligarine

    Bonjour,
    merci pour cet article bien documenté de bout en bout !
    J’espère qu’il trouvera un écho vers les lecteurs de BD et les journalistes du milieu, ce qui permettrait de nettoyer des idées préconçues qui ont la vie dure…

    • Antoine Titus Auteur de l’article

      Merci, Caligarine

      J’ai le même optimisme que vous et je ne souhaite qu’une chose c’est que les lecteurs en apprennent plus sur les conditions du métier afin qu’ils comprennent eux aussi les nouveaux enjeux de l’édition.

  • Boukhezzer Mehdi

    Très bon article, et si je ne suis pas d’accord sur tout, j’abonde dans le même sens sur la plupart des points évoqués. Merci.

    Cordialement.

    • Antoine Titus Auteur de l’article

      Merci Mehdi,

      N’hésitez à publier votre point de vue. Je n’ai pas la prétention d’avoir la vérité universelle, mais si mon discours peut appeler d’autres lecteurs à la réflexion j’aurais au moins apporté ma petite contribution au sujet 😉

  • Anonyme

    La bataille:
    – Cotisations retraites qui n’ouvrent aucun droit : IRCEC, pour la retraite complémentaire, dont vous parlez, bien sur, mais également les cotisations retraites pour les simples assujettis dont vous ne parlez pas, permettez que j’ajoute mon grain de sel.

    Pour les simples mortels qui n’ont pas eu le loisir de se frotter à l’agessa et à la mda, voici comment ca se passe:
    Chaque année, pour avoir le droit de vous y inscrire (ou de vous y maintenir), il faut totaliser environ 8000 € de revenus.

    Entendu que si vous êtes en statut autoentrepreneur, et que vous bénéficiez d’un abattement de 34% pour vos impots (que vous ne payez pas de tte facon vu vos revenus souvent ridicules), ce n’est plus 8000 mais plus de 10000 qu’il faut gagner

    Entendu que l’on écartera du calcul de vos revenus les revenus dits « accessoires » (ateliers auprès des scolaires/ en bibliothèque/ etc qui rapportent souvent plus que les miettes de droits d’auteurs), il faudra donc faire vos revenus avec les livres uniquement (ca je sais plus si c’est passé mais c’était récemment en projet)

    Entendu que si, en tant que dessinateur, on vous paye 1500€ pour un livre en tant que dessinateur ou 500 pour un texte, c’est déjà pas mal!

    Entendu que les rééditions en jeunesse ca n’existe plus avec près de 11 000 nouveautés par an, les nouveautés chassant les ouvrages plus anciens

    Dit autrement, il vous faudra sortir plus de 6 albums par an toute votre vie pour vous inscrire et vous maintenir à l’agessa ou la mda et avoir le droit à une retraite rarement complète. Pour ma part, je mets 3-4 mois à faire un album, j’ai donc abandonné tout espoir d’y entrer un jour.Et en attendant, je cotise pour les autres. C’est la solidarité m’a t’on répondu quand je m’en suis étonné. Belle solidarité que la solidarité du plus plus pauvre vers le plus riche.

    Oh, au passage, quand vous cotisez un peu à l’ursaff, vous validez des trimestres à défaut d’année entière. A l’agessa et à la MDA, c’est l’année ou rien.Quel beau système de retraite que le notre!

    – les droits d’auteurs jeunesse: Payé en droits d’auteurs, on touche donc un % sur chaque vente. Ce % est fixé aux alentours de 6% pour la jeunesse au lieu de 8% pour les adultes, aussi bien pour les albums illustrés (soi disant les livres jeunesses coutent plus cher à imprimer avec leurs belles images) que pour les romans tout court (y’a plus d’image mais c’est pas grave, ca reste de la jeunesse hein)

    Parallèlement à celà, rappelons que le libraire qui ne fait que vendre le livre et qui se plaint sans cesse au gouvernement de sa terrible condition inhumaine et qu’il a besoin de plus d’aide tout ca, tout ca, lui, il touche 30-40%
    Que le diffuseur qui stocke les livres et les diffuse, c’est le meme tarif.
    Dit autrement, y’a que les auteurs / dessinateurs qui sont souvent obligé de pointer au rsa pour avoir le droit d’exercer leur métier alors que ce sont LES SEULS MAILLONS INDISPENSABLES A LA PRODUCTION D’UN LIVRE. Et ca, tout le monde s’en fout. Après tout ils n’ont qu’à se trouver un vrai travail, faire vivre des dizaines de personne, produire des oeuvres culturelles pour le plaisir et l’éducation du plus grand nombre, comprenez, ca ne peut être qu’un passe temps.

    – Les droits numériques: Alors là c’est vraiment la fete du slip.
    On supprime la moitié des intermédiaires (plus d’imprimeur, plus besoin de stocker, plus besoin de diffuser, juste à le mettre sur les deux trois plate formes qui vont bien), on baisse le prix du livre (donc mathématiquement, un même % de droits que sur du papier rapportera moins à son auteur) mais… on ne change pas le montant du % qui est souvent le même que sur le papier!

    – Les dédicaces non payées: le meilleur pour la fin. On demande aux auteurs / dessinateurs de faire la promotion de leur livre (mais alors pourquoi je t’ai pris, monsieur l’éditeur et monsieur le diffuseur? C’est pas ton boulot çà?) mais attention, GRATUITEMENT!
    Enfin pas tout à fait gratuitement, puisque, chez les éditeurs sympas quand même car c’est pas toujours le cas, on vous versera vos droits d’auteurs pour tout livre que vous aurez réussi à placer. 1 € le dessin original,(ou plutot 0 puisque c’est ce que vous touchez déjà, dédicace ou non), elle est pas belle la vie? Imaginez, vous venez un w-e en dédicace, vous signez 30 livres (ce qui est déjà énorme, au mieux de ma forme, sur un w-e je l’ai atteint une fois), vous gagnez…. 30 € pour un w-e de travail! (30 € brut celà va de soi, auquels il faut soustraire les charges, dont les fameuses cotisations retraites). Et encore, estimez vous heureux qu’on vous paye le billet de train.
    Je ne connais pas une seule profession qui accepterait de pareille conditions.

    Alors quelles solutions?
    Et bien pour avoir bien réfléchi, j’en ai vu plusieurs toutes plus risquées les unes que les autres.
    – Le crowfunding effectivement sauf que sans réseau ou sans notoriété, aucune chance d’aboutir à quoi que ce soit. Raté pour les nouvelles générations dont je fais partie

    – l’autoédition: en gardant une part de son travail éditée à compte d’éditeur, quand vous êtes invités sur des salons gracieusement, vous acceptez à la condition expresse d’avoir le droit de placer sur l’étal votre/ vos livres autoédités sur lesquels personne sauf vous ne verra le moindre centime. Passez de 1€ l’exemplaire à 10 ou plus €, ca change forcément la donne.
    Reste le problème du stockage et le fait que l’on se transforme alors en éditeur/ imprimeur/ diffuseur/ commercial. Ca me parait difficilement pérenne comme solution

    – Les DA numériques: pour ma part, j’ai arrêté de les céder. La seule solution que je vois, c’est de devenir dessinateur ET auteur (ou à défaut , de connaitre l’autre personne avec qui vous faites le livre et de s’entendre directement avec elle) pour aller vendre comme un grand votre livre sur amazone, sans passer par l’éditeur. Com assurée par l’édition papier donc. Celà marche t’il ? J’ai pas encore testé n’ayant que les dessins de moi, du coup des dessins seuls, ca va être un peu compliqué. Mais les prochains, je les écris uniquement pour çà. La perspective de passer de 6% de DA à 70-80% est forcément alléchante.

    – Pour les cotisations retraites, j’ai une solution vraiment simple: désobéissance civile. A partir du moment ou les cotisations n’ouvrent aucun droit, il suffit tout simplement de ne plus déclarer ses revenus.
    Comme ces entrepreneurs soi disant asphyxiés par les charges ou ces grandes fortunes sous les impôts qui quittent la France pour des cieux plus clément, achetons collectivement un bout de caillou en plein milieu de l’atlantique et domicilions nous tous la bas.

    Bref, tout ca pour dire que pour les nouveaux arrivants comme moi, ce n’est plus difficile , c’est tout simplement impossible de ne vivre que de l’édition. Certes on a métier qui est souvent plus intéressant que la moyenne (c’est pas non plus rose tous les jours), mais j’ai compris que la situation n’était pas normale le jour où, voulant me faire soigner par mon médecin, je lui ai proposé de me soigner gratuitement vu qu’il devait sans doute lui aussi aimer son métier. J’attends toujours mon RDV. Et en attendant, j’ai raccroché mes pinceaux et je me pavane devant mes amis qui font toujours ce métier avec mon salaire princier de salarié… au smic (et en plus quand je suis malade, je peux m’arrêter et je suis indemnisé! (Je me souviens encore de ce bouquin que j’ai du faire, un bras dans le platre.) Et quand je travaillerai plus, je toucherai le chomage! (recherche google pour ceux qui ont dessiné toute leur vie, aller vous renseigner, vous verrez, c’est tout à fait étonnant cette histoire de chomage. On vous paye, quand vous ne travaillez pas!)

    Bref, la seule chose qui m’étonne dans cette histoire, c’est qu’on trouve encore autre chose que des étudiants pour faire des livres.

    • Antoine Titus Auteur de l’article

      Bonjour, et merci d’avoir écrit cette réponse si dense. Cependant, je rappelle une chose importante. Cet article est un point de vue, ce n’est pas une explication du système de retraite en France pour les artistes. Il y a de très bons documents pour cela. Je vous remercie d’avoir publié un avis et une expérience personnelle. Je ne reprendrai pas tous les points que vous évoquez, mais je ne peux laisser ce commentaire sans au moins dire ceci :

      – Le crowfunding effectivement sauf que sans réseau ou sans notoriété, aucune chance d’aboutir à quoi que ce soit. Raté pour les nouvelles générations dont je fais partie

      Vous pouvez avoir un réseau sans avoir de notoriété. Un réseau c’est quoi d’ailleurs ? J’ai déjà écrit un peu sur le sujet. Je pourrais en dire plus que peu de gens suivraient mes conseils. Je fais l’expérience régulière de ceux qui justement tuent toute chance d’en constituer un. Mes billets sont remplis d’exemples plus que parlants. Et il n’y aura jamais assez d’arguments pour convaincre celui qui se persuade de l’inefficacité d’un système quel qu’il soit. La base du crowdfunding c’est votre capacité à pouvoir être disponible, constant et motivé par votre projet. Il faut visualiser ce procédé comme une épreuve sportive. On ne fait pas le tour de France sans préparation, le crowdfunding c’est pareil. Mon premier article devait être dédié a cette solution. J’ai contacté une photographe qui avait réussi sa campagne. Je souhaitais lui donner la parole pour qu’elle mette en avant son travail et parle de sa démarche. Je n’ai jamais obtenu de réponse de sa part… Un réseau se développe aussi par ce genre de détail. L’idée de l’article est toujours là, on verra dans l’avenir si au fil de mes rencontres je trouve des profils plus professionnels à mettre en lumière.

      Reste le problème du stockage et le fait que l’on se transforme alors en éditeur/ imprimeur/ diffuseur/ commercial. Ca me parait difficilement pérenne comme solution

      Une fois de plus, cet avis n’engage que vous. Les photographes, par exemple, sont multitâches et effectuent bien plus de travail encore. Je rencontre plusieurs auteurs, artistes, auteurs de BD qui passent effectivement par toutes ces casquettes. Exactement comme un chef d’entreprise qui par période doit en faire plus qu’il ne devrait. Mais la notoriété dont vous parliez justement auparavant passe aussi par votre capacité à pouvoir vous transformer en caméléon pour assurer la “bonne santé” de votre entreprise. Aller au contact des autres et trouver des opportunités qui sont parfois bien au-delà de l’écran.

      – Pour les cotisations retraites, j’ai une solution vraiment simple: désobéissance civile. A partir du moment ou les cotisations n’ouvrent aucun droit, il suffit tout simplement de ne plus déclarer ses revenus.

      Vous conviendrez que ce n’est pas le meilleur des conseils et qu’il n’est pas nécessaire de s’étendre sur cette voie.

      Bref, la seule chose qui m’étonne dans cette histoire, c’est qu’on trouve encore autre chose que des étudiants pour faire des livres.

      Et vous seriez surpris d’apprendre qu’il y a même des livres d’artistes et des auteurs qui vivent de leurs carnets de voyage mais tout cela est une autre histoire 😉

      • Anonyme

        Merci pour votre retour, à votre tour 😉

        Effectivement, le tableau que je dresse est peut être un peu noir.
        En réalité, je ne nie pas du tout la possiblité de faire du crowfunding ou de l’autoédition.

        Mais au vu du temps absolument démentiel que ca prend, une fois la production achevée, pour écouler le stock et en vivre décemment, le vrai problème, c’est que ca laisse forcément nettement moins de temps à la production. Si, non content de devoir réunir des conditions de stockages optimales (parce que si on met 10 ans à vendre tout le stock d’un livre, ca ne se stocke pas n’importe où non plus), on doit passer les 3/4 de son temps à faire la vente du livre, vous vous rendez bien compte que çà ne peut pas être une solution idéale.

        Une solution idéale consisterait à pouvoir passer son temps à produire (et à se nourrir culturellement un peu aussi sinon on s’épuise vite), et à laisser à un autre qui verserait une somme suffisante pour continuer la production le soin de la diffusion

        Reste à trouver le diffuseur du 20 e siecle. L’actualité rappelant amèrement que les géants, pourtant prometteurs il y’a encore quelques années, type Amazon ou Youtube, ne seront pas les bons vu qu’à peine installé dans leur position dominante, les voilà à censurer ceux qui refusent de se faire exploiter pour des cacuhètes ou tout ce que leur morale réprouve.
        Je pense vraiment que le tout numérique réalisera un paradigme dans la diffusion des oeuvres et que les choses sont vouées à évoluer relativement vite. Suite aux erreurs d’orientations des géants, gageons que des alternatives apparaîtront bientôt.

        —-
        A un moment, va quand même falloir la faire cette révolution! ^^
        Et pourquoi pas après tout s’y prendre comme çà. Imaginez 100% des français pratiquant l’optimisation fiscale à la Total, Google ou Amazon. En toute légalité, en somme. Sans même le réclamer, je suis sur que du jour au lendemain, l’état va trouver plein de solution pour y mettre fin.
        Et d’un coup, on aura plus besoin de les trouver ces fameux 8% de cotisations, innondés de cash qu’on sera pas ces dizaines de milliards qui ne rentrent pas dans nos caisses chaque année.

        Chiche qu’on change le monde aussi connement? ^^
        —-
        Bien sur que certains en vivent, et heureusement. Mais combien de temps? S’il faut faire des semaines de 60 h pour enchainer les projets mal payés et dégager un smic ou à peine mieux, difficile de tenir 40 ans.
        Ceux qui gagnent plus sont quand même très rares 😉 (ou alors complètent avec d’autres activités de l’enseignement au graphisme en passant par la presse ou que sais je d’autre. Je parlais bien des difficultés de ne vivre QUE de l’édition. Après si on est prêt à garder l’édition « pour la gloire », et à se trouver « un vrai métier », effectivement, la situation est tout autre)

        • Antoine Titus Auteur de l’article

          Cher Anonyme,

          Je comprends bien l’ensemble de votre remarque. Cependant, pour faire court, vous discutez avec quelqu’un qui est à la base un Designer. Le métier de Designer est une fonction qui vous oblige à trouver des solutions à tous les problèmes qu’on lui oppose. Par exemple, vous me parlez de stockage,j’ai déjà une réponse à ce problème tout comme je pourrais expliciter dans un autre article point par point comment changer les choses. Je pourrais amener des solutions administratives concrètes pour l’embauche d’auteurs et des pistes viables pour vivre de l’édition. Pourtant, je n’ai pas la prétention d’avoir toutes les bonnes solutions à un problème d’une telle envergure. J’ai amené ici, de la manière « la plus courte », une vision et j’ai évoqué des pistes qui doivent s’intégrer de manière pérenne dans un milieu, au 21 ème siècle. La meilleure manière de vivre sereinement de l’édition c’est avant tout d’estimer correctement son niveau. Et par la suite, d’observer si nous sommes bien formés en faisant tout simplement un bilan de compétences. Si un auteur prend un mois pour faire trois pages et que les réseaux sociaux sonnent comme du chinois pour lui, les choses à venir vont bientôt lui paraître insurmontables. N’oubliez pas que vous produisez un contenu à destination d’un public qu’il faut connaître et rencontrer le plus régulièrement possible. Les solutions sont peut être aussi dans l’esprit de ceux qui vous achètent.

  • Aori

    Un seul mot en réponse à tout ça : « MERCI »!
    Un article, clair, complet et qui apporte des pistes à des solutions aux bonnes questions.
    Bravo! 😀

    Face à l’état actuel du monde de l’édition, j’ai refusé de m’y aventurer. Je suis partie en auto-édition et en crowdfunding (tellement imprononçable que je l’ai rebaptisé cross-founding XD ) afin d’avoir le financement pour mes impressions. Bizarrement je trouve cela plus « valorisant » sur notre travail. Nous avons un retour concret et réel de notre lectorat. Je ne parle pas que d’un investissement financier (qui est CLAIREMENT supérieur que si j’avais du aller en maison d’édition) mais bien d’une valeur humaine.
    Il est appréciable d’avoir son lectorat même aussi petit soit-il, qui nous fasse confiance et nous achète notre travail. 🙂

    D’ailleurs le public est de plus en plus touché par la condition des auteurs et il préfère largement aller acheter directement à un auteur plutôt que de passer par le circuit « classique » dont l’auteur ne voit même pas la couleur pour énormément de cas.

    • Antoine Titus Auteur de l’article

      Merci Aori

      Vous avez résumé en un post ce que beaucoup ont oublié. La dimension humaine et la valorisation de notre travail sont des moteurs essentiels au développement de notre carrière.

  • Mecislas

    Merci pour ce long article et les réflexions très intéressantes qui l’accompagnent, même si vous mettez en avant certains éléments peu importants et en occultez d’autres primordiaux.
    On peut bien sûr suggérer aux auteurs de faire comme ci ou comme ça mais on ne peut pas mettre tout le monde sur le même pied en négligeant le temps et l’énergie investis dans le travail effectué. Et pourtant les contrats prix pages et couleurs vont être les mêmes. Je m’explique, les auteurs des séries comme Game Over, Titeuf (etc) Sfar, Trondheim ainsi que beaucoup de productions de ce qu’on appelle « la nouvelle bande dessinée » (un peu avec mépris pour le reste de la production au passage), arrivent à réaliser des planches très rapidement, en qql heures et la couleur qui les accompagnent souvent très simpliste et facile demandera encore moins de temps (attention je ne parle pas ici de talent, d’ingéniosité ou de qualité mais simplement du TEMPS nécessaire à l’exécution du travail, démonstration purement pragmatique). A l’inverse, des auteurs plus méticuleux, avec des décors foisonnant de détails et des dessins plus « exigeants  » passeront eux, plusieurs journées sur l’ouvrage (couleur idem) et POURTANT, les tarifs seront les même!!! Gros soucis qui n’a pas l’air de gêner les éditeurs)
    Pour continuer sur cette lignée, ces auteurs investis, corps et âmes dans leurs planches et leurs dessins, n’auront plus le temps ou l’énergie pour aller s’occuper à côté de « débouchés » alternatifs, ni de faire les vrp de leur travail, ça c’est logiquement le travail de l’éditeur! Souligner le phénomène des dédicaces en festival est intéressant. Si au début des premières années professionnelles, cela semble plaisant et gratifiant, ce n’est que travailler gratuitement le WE pour l’éditeur et le libraire, se privant par la même d’une vie sociale et familiale, sans compter l’énergie (une fois de plus) que de telles séances nécessitent.
    (les paramètres temps/énergie investis ne sont pas à négliger pour les dessinateurs surtout. Les scénaristes qui ne mettent surement pas moins d’énergie dans leur travail, passent mathématiquement moins de temps que le dessinateur, raison essentielle pour laquelle on retrouve souvent des scénaristes à l’initiative de « lettre ouverte », pétition, syndicalisme (snac) etc, non pas qu’ils maîtrisent forcément mieux le « verbe », mais ils ont le TEMPS que les dessinateurs n’ont pas. (et d’ailleur, on les voit que très rarement en dédicaces les WE, eux)
    Je dois dire que je suis tout a fait d’accord avec l’analyse d’anonyme qui souligne très justement les réalités du métier et met l’accent sur ce qui me semble être le soucis numéro 1, c’est la rémunération de l’auteur par la répartition actuelle, l’auteur ne touchant QUE 8% de son propre album, ce qui est une honte intolérable pourtant admise depuis toujours .
    Je cite anonyme:
    « Parallèlement à celà, rappelons que le libraire qui ne fait que vendre le livre et qui se plaint sans cesse au gouvernement de sa terrible condition inhumaine et qu’il a besoin de plus d’aide tout ca, tout ca, lui, il touche 30-40%
    Que le diffuseur qui stocke les livres et les diffuse, c’est le meme tarif.
    Dit autrement, y’a que les auteurs / dessinateurs qui sont souvent obligé de pointer au rsa pour avoir le droit d’exercer leur métier alors que ce sont LES SEULS MAILLONS INDISPENSABLES A LA PRODUCTION D’UN LIVRE. »

    Les auteurs sont les uniques éléments indispensables de la chaîne du livre, allez l’imprimeur l’est encore pour un temps (mais finira pas disparaître aussi) L’avenir du livre passera par la suppression des intermédiaires qui se nourrissent grassement sur le dos des auteurs, éditeurs en tête, et ils le savent très bien, c’est pour cette raison qu’ils ne font rien pour faire bouger les choses et faire évoluer le statut de l’auteur. Ils s’en foutent, ils engrangent des millions grâce au vieux schéma de rémunération. Toute action qui contribuerait à l’amélioration sociale et salariale de l’auteur ne serait que pour réduire leurs bénéfices de toutes façons (il suffit de voir leurs honteuses politiques de droits numériques).
    Comme on le voit dans l’agroalimentaire, où l’on veut privilégier les circuits courts, faire du producteur au consommateur, il faut faire de l’auteur au lecteur.
    Il est inadmissible que l’auteur soit le dernier servi de son propre fromage et qu’il vive au crochet des intermédiaires « sans talent » (certains en ont, heureusement) et interchangeables à volonté.
    Antoine Titus l’illustre parfaitement dans son article  » Autrement dit, la(le) secrétaire ou la(le) réceptionniste d’une maison d’édition a un salaire plus élevé (ainsi qu’une protection sociale) que ceux qui fournissent la matière première de la société qui les emploient. »
    Ca, c’est inadmissible dans un monde juste et à peu près équilibré…
    il y aurait tellement à dire encore….
    Bref, merci pour l’article
    Mecis

    • Antoine Titus Auteur de l’article

      Bonjour et merci pour votre retour,

      même si vous mettez en avant certains éléments peu importants et en occultez d’autres primordiaux.

      J’aurais trouvé intéressant que vous précisiez les points que vous trouvez importants et surtout ceux que vous estimez ne pas l’être dans cet article.

      les paramètres temps/énergie investis ne sont pas à négliger pour les dessinateurs surtout.

      Dans l’ensemble de votre réponse, vous abordez des points que j’ai déjà mis en lumière. Vous parlez du rapport temps/énergie, je vous parle de TMS… Le texte que j’ai écrit sur mon temps de travail comme cette réponse est un choix conscient et assumé. Exactement comme ceux qui décident de mettre de la couleur en peinture et ceux qui la mettent à l’aide d’un ordinateur. Point que j’ai évoqué aussi. A partir du moment où vous vous engagez dans une profession quelle qu’elle soit, vous devez comprendre qu’elle évoluera avec la société dans laquelle vous la pratiquez.

      J’ai noté que vous abordez aussi le point de la qualité graphique qui diffère là où le contrat ne change pas. J’ai une très mauvaise nouvelle pour vous, les lecteurs s’en moquent, les éditeurs s’en moquent aussi car ce choix artistique n’incombe qu’à l’auteur. C’est aux auteurs d’informer et de sensibiliser le public à leurs conditions de travail. Si par la suite les lecteurs se mobilisent tant mieux.

      les scénaristes qui ne mettent surement pas moins d’énergie dans leur travail, passent mathématiquement moins de temps que le dessinateur,

      Je n’ai pas pour habitude de valider ce genre de discours. Je pense que la première erreur est d’opposer les professions. Je pourrais vous raconter comment le métier de Designer vous impose de gérer tout ce qu’un auteur de BD ne veut ou ne peut pas assumer, en payant trois fois plus de charges. Et ensuite ? Le débat a-t-il avancé ? Non, car c’est une façon d’entrevoir un secteur qui doit changer et faire des distinctions entre auteurs et qualité graphique c’est la fin d’un débat. Qui plus est, j’écris autant que je dessine et mon identité graphique nécessite de longues journées de travail sur papier et maintenant sur toile. Dois-je rappeler que je ne suis pas un blogueur ? Et me voilà à vous répondre avant de partir à un concert. Ce sont des choix et je n’envie pas ou ne fustige pas ceux qui font mieux plus rapidement. A chacun son rythme avec les conséquences que cela provoque. Je vous remercie d’avoir pris le temps d’apporter votre point de vue mais je reste d’avis que nous ne gagnerons pas en crédibilité en opposant des professions.